Opinions sur le caractère des animaux : Le pigeon — Le coq

Ferdinand Faideau, la Science Illustrée N°477 - (16 Janvier 1897)
Mardi 22 décembre 2009 — Dernier ajout mardi 30 janvier 2018

Le pigeon a des formes et des mouvements d’une grâce toute particulière ; la régularité de ses mœurs, les soins dont il entoure sa compagne et ses petits ; en ont fait de tout temps l’emblème de l’amitié tendre et fidèle. « Deux pigeons s’aimaient d’amour tendre » est bien la phrase qui peut résumer toute leur existence et, dans ces conditions, remarquons-le en passant, il est bien rare de voir l’un d’eux s’ennuyer au logis.

Un poète voulant peindre l’amitié ne pourra choisir un autre modèle. « Il verra, dit Taine, le pigeon voleter avec un empressement gracieux autour de sa femelle, baisser et relever tour à tour son col flexible d’un air suppliant et tendre, attacher longuement sur elle ses yeux si doux, et se soulever à demi sur ses ailes bleuâtres pour la becqueter de son bec rose et délicat. »

Le bruyant personnage dont nous allons maintenant nous entretenir forme un contraste frappant avec l’oiseau « au cou changeant, au cœur tendre et fidèle ». Le mari de la poule, comme l’appelle naïvement le naturaliste Saavers, ne brille ni par la douceur, ni par la fidélité.

Son œil rouge, sa crête altière, et ses ergots de trois doigts dont il laboure « la poussière et les chairs aussi quelquefois », sa voix sonore, aussi puissante qu’un clairon, tous ses caractères annoncent l’amour du combat et l’orgueil.

« Le coq, dit M. Mouton dans sa Physionomie comparée, est par excellence l’oiseau batailleur, et tout, dans la forme de son corps, de sa tête et de ses pattes, porte un air conquérant et agressif qui saute aux yeux des plus simples, puisque partout le coq est pris pour prototype des hommes à caractère vaniteux.ou provocant. ».

La Fontaine a tracé du coq un portrait assez exact ; le souriceau le dépeint à sa mère comme un animal.

Turbulent et plein d’inquiétude,
Il a, dit-il, la voix perçante et rude,
Sur la tête un morceau de chair,
Une sorte de bras dont il s’élève en l’air,
Comme pour prendre sa volée,
La queue en panache étalée.

D’autre part, la perdrix qui a des 8ujèts de se plaindre, trouve les coqs

Incivils, peu galants,
Toujours en noise et turbulents.

Taine approuve d’enthousiasme suivant son habitude : « Le coq a le regard dur et sans expression. S’il a la poitrine d’un guerrier, il a les pieds d’un rustre et la démarche d’un capitan. Aussi ses mœurs sont-elles jalouses et violentes. Il est orgueilleux, brutal, fort souvent en furie. » S’il donne aux poules les grains et les vermisseaux qu’il déterre, c’est qu’il est leur maître. Il les défend par orgueil, non par générosité ; il ne s’inquiète point des petits et les laisse conduire par leur mère. « Ce n’est pas un époux, mais un sultan. »

D’après Dupont de Nemours, les mœurs dévergondées du coq seraient, dues à la captivité. « Le coq a perdu ses plus aimables vertus et une partie de son courage. Nous tuons les sept huitièmes de ses enfants mâles et lui entretenons un sérail de femelles. Il n’accorde plus à chacune d’elles qu’une légère attention ; il oublie l’absente lorsqu’elle couve. Les poussins sont pour lui des inconnus. Nous l’avons changé en un sultan d’Asie, égoïste et jaloux, qui ne combat contre ses rivaux que pour ses odalisques ou pour un sot point d’honneur. Tel n’était pas le coq de la nature ; tel n’est pas celui qui peut vivre en liberté ; il s’apparie, prend soin de son épouse et la nourrit pendant la couvaison. »

Cependant notre coq domestique possède encore une vertu qu’on ne peut guère lui enlever, le courage et le mépris de la mort. Celui qu’un enthousiaste a appelé « le lion des oiseaux » passait autrefois pour faire fuir au seul accent de sa voix le roi des animaux. « Auquel chant du coq pareillement ouy, dit Rabelais, le lion, animant de grande force et constance, devient tout estonné et consterné. »

Le courage que le coq montre dans le combat a été décrit d’une façon brillante par Buffon : « Les hommes, qui tirent parti de tout pour leur amusement, ont bien su mettre en œuvre cette antipathie invincible que la nature a établie entre un coq et un coq ; ils ont cultivé cette haine innée avec tant d’art que les combats de deux oiseaux de basse-cour sont devenus des spectacles dignes d’intéresser la curiosité des peuples, et en même temps des moyens de développer ou d’entretenir dans : les âmes cette précieuse férocité, qui est, dit-on, le germe de l’héroïsme. »

Nous terminerons par une citation de Méry ; ce spirituel écrivain comble le coq d’éloges : « Ce noble bipède, dit-il, ne craint rien et ne recule devant aucun ennemi ; s’il épouvante le lion, c’est que son chant est une fusée de notes héroïques qui révèlent un cœur indomptable et semblent chanter une victoire certaine avant le combat. Au milieu de la nuit, lorsque tous les animaux se taisent par peur dorment par besoin ou rôdent sournoisement, le coq seul entonne ,sa. brillante cavatine pure de tout alliage fanfaron et semble dire, dans les périls des ténèbres, qu’il veille pour le salut de tous.

« De la pointe du bec à la pointe des ergots, le coq révèle son naturel courageux : jamais sa. crête rouge ne pâlit, jamais son allure fière ne change : il est toujours prêt à l’attaque et à la défense ; toujours à la fois sentinelle vigilante et soldat intrépide. S’il cueille librement un grain de mil, c’est pour obéir à un vulgaire besoin de la nature, mais tout à coup il relève la tête, il regarde, il écoute ; il agite ses ailes splendides, le plus court des repas assouvit sa faim ; on retrouve même chez lui l’austère sobriété des héros accomplis.

Il nous resterait à citer les auteurs qui ont célébré le pigeon et le coq, en tant que comestibles. La liste serait longue et contiendrait des noms célèbres dans la littérature. Nous avons déjà parlé des dithyrambes inspirés par le porc à d’aimables et diserts gastronomes ; le pigeon et le coq ont eu également leurs chantres spéciaux, mais ce point de vue nous éloigne un peu de la science pour nous rapprocher beaucoup de l’art culinaire.

F. FAIDEAU.

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