Les scorsonères sont des composées appartenant à la tribu des liguliflores, c’est-a-dire que toutes les fleurs qui composent leurs capitules sont irrégulières, par suite du rejet d’un seul côté, sous forme de languette, du tube de la corolle. Ce sont des plantes vivaces ou bisannuelles, pour la plupart, dont toutes les parties contiennent un latex abondant. Leur racine est volumineuse, leurs feuilles étroites et allongées. Les fleurs, jaunes ou légèrement pourprées, possèdent la propriété, qu’elles partagent avec beaucoup d’autres composées, d’ouvrir leur corolle le matin et de la fermer le soir. Ce sont là des mouvements spontanés qui se produisent même dans l’obscurité complète et à une température constante. Ils sont provoqués par l’allongement et le raccourcissement alternatifs de la face interne des pétales ; la face externe conserve sa dimension. L’allongement détermine une flexion en dehors et, par suite, l’épanouissement ; le raccourcissement, une flexion en dedans et la fermeture. Les causes qui provoquent ces courbures des pétales nous sont complètement inconnues.
Les fruits, qui atteignent plus. d’un centimètre, sont surmontés d’une aigrette analogue à celle du pissenlit et qui facilite leur dissémination par le vent.
Ces plantes sont répandues dans le monde entier. En France, on en connaît six espèces, parmi lesquelles nous citerons : la Scorsonère humble (Scorzonera humilis), la plus commune, s’épanouissant de mai en juin dans les prés et les endroits incultes, elle est facilement reconnaissable à sa petite taille et à ses tiges creuses ; la Scorsonère hérissée (S. hirsuta), assez commune au sud de la Loire ; la Scorsonère pourprée (S. purpurea), dont l’habitat est, en France, restreint aux seules Cévennes, mais qui abonde dans la Russie d’Asie ; la Scorsonère à crêtes (S. cristata), particulière aux Pyrénées.
Les S. carcifolia, S. tuberosa et S. pusilla sont très abondantes dans l’Europe orientale et dans les régions tempérées de l’Asie. Cette dernière espèce, que nous reproduisons, est très élégante avec ses feuilles longues, linéaires, enroulées à l’extrémité et ses grandes fleurs jaunes qui ne sont jamais plus de trois à quatre sur une même tige.
Les Scorsonères sont utilisées par l’alimentation, On cultive surtout dans ce but, dans toute l’Europe, la Scorsonère d’ Espagne (S. hispanica), plus connue sous le nom de Salsifis noir, C’est une plante bisannuelle ou trisannuelle, dont la racine, noire en dehors, blanche en dedans, est pivotante et fort longue. Sa tige atteint 1,30m ; ses fleurs jaunes sont terminales ; ses fruits blanchâtres, toujours cannelés.
On la sème à la volée en avril et l’on a soin de supprimer les fleurs il mesure qu’elles apparaissent, de manière il favoriser le développement des racines. On récolte celles-ci en octobre et, avant les gelées, pour n’en pas manquer pendant l’hiver, on les arrache pour les conserver dans les caves.
Les scorsonères qu’on laisse monter en graines pour la reproduction peuvent être mangées comme les autres, car, par suite d’une transformation propre à cette plante, la racine redevient, après la récolte, ce qu’elle était avant de porter des fruits.
La culture des scorsonères défonce profondément le terrain, de sorte qu’ensuite toutes le plantes peuvent y prospérer.
Les jeunes feuilles sont ’agréables il manger en salade ; les racines, cuites à l’eau, rappellent le goüt des racines de salsifis, mais leur sont inférieures.
On confond souvent la scorsonère et le Salsifis blanc (Tragopogon porrifolium).
Ces deux plantes sont cependant très distinctes.
La première a des fleurs jaunes et une racine noire extérieurement qu’on peut utiliser au bout de la deuxième et même de la troisième année ; ses dimensions sont alors énormes ; mais c’est aux dépens de sa qualité ; la seconde a des fleurs violettes et des racines d’un blanc jaunâtre qu’on ne peut manger que la première année.
Les racines volumineuses du Scolyme d’Espagne, espèce voisine des précédentes, sont aussi employées, préparées de la même façon, pour l’alimentation.
La scorsonère d’Espagne a trouvé, depuis 1893, une application des plus intéressantes.
On s’en sert, dans le Nord de la Russie, notamment dans le district de Vladimir, situé à 58° de latitude Nord, où la culture du mûrier est impossible, pour l’élevage des vers à soie.
Ses feuilles sont mangées avec avidité par les vers et leur emploi réduit même, parait-il, de cinq jours la durée de l’éducation.
La soie, ainsi obtenue, dont on a pu voir des échantillons à l’exposition de Nijni- Novgorod en 1895, était d’assez bonne qualité, sans être cependant comparable à celles d’Italie et de la vallée du Rhône.
Il sera curieux de suivre les résultats de cet essai et de constater si la production industrielle du ver à soie soumis à cette nourriture se maintient dans une qualité inférieure, ou si, par une sorte d’adaptation, le ver finit par donner un produit égal à celui qui est obtenu par l’alimentation ordinaire en feuilles de mûrier.
Ferdinand Faideau