La grotte du Mas d’Azil

Ce dossier contient, dans un premier temps, une série d’articles publié en 1896 et 1897 dans la revue hebdomadaire La Science Illustrée.

Grotte du Mas-d’Azil

Les amateurs de pittoresque vont quelquefois chercher bien loin les sites agrestes et mystérieux dont ils ont cependant de beaux représentants sous la main. Ainsi les amateurs de grottes, les spéléologues, ne manquent pas de nombreux sujets d’étude en France même, comme l’ont démontré les belles découvertes de M. Martel. Une des grottes les plus émotionnantes de France est certainement celle du Mas-d’Azil, à laquelle M. Ernest Bousquet a consacré récemment une intéressante description que nous allons résumer en l’accompagnant d’une photographie [1].

Le Mas-d’Azil est un chef-lieu de canton de l’arrondissement de Pamiers. A 500 mètres environ, au sud de la ville, la route qui va du Mas-d’Azil à Saint-Girons, en suivant la petite rivière de l’Arize, se perd dans l’entrée de la grotte, trou noir creusé dans le flanc abrupt d’une montagne haute de 140 mètres. La grotte a 410 mètres de longueur, elle ne donne passage qu’à la rivière et à la route. Du côté de Saint-Girons, l’ouverture apparait sous une arche de 80 mètres de hauteur surmontée de plus de 100 mètres de roches. La hauteur du lit de la rivière à la voûte est de 80 mètres au sud et de 15 mètres au nord. On y distingue deux grottes successives. Celle du nord ressemble à de profonds couloirs de cloître avec, au milieu, un énorme pilier naturel de 7 à 8 mètres de diamètre. Cette partie se termine par un grand portail qui donne accès dans la deuxième grotte. C’est une vaste nef ressemblant à celle des grandes cathédrales, dont elle a la majesté.

A 15 mètres au-dessus de la rivière, une galerie très étroite, taillée dans le roc, contourne cette enceinte. Sur cette galerie, presque à l’entrée, on voit une sorte de statue de moine placée dans une niche : c’est une fausse stalagmite que l’on désigne dans le pays sous le nom de le Moine ou de la Statue.

Sur la rive droite de la rivière s’ouvrent de petites grottes supérieures très humides et peuplées de chauves-souris. Dans une des dernières, on remarque un trou au fond duquel sont les restes d’un ours fossile. « En revenant un peu, sur ses pas décrit M., E. Bousquet, on trouve une des choses les plus curieuses à voir dans ces grottes, ce qu’on appelle le Pont du diable. Comme point de vue, c’est un des plus beaux et des plus grandioses que l’on puisse imaginer. Jamais féerique décor du théâtre du Châtelet ou de la Porte-Saint-Martin n’a pu vous donner une idée, même approximative, de la perspective qui se déroule, à travers un jour tamisé, à vos yeux émerveillés. En face de vous, un pont qui relie deux masses de roches, un pont étroit et à dos d’âne, où on ne peut parvenir qu’avec beaucoup d’adresse et de sang-froid, et sur lequel passent cependant en badinant les gamins et les jeunes gens du pays. Sous le pont noir, un grand trou de lumière indécise par lequel vous apercevez au fond, bien au-dessous de vous, la route et la rivière venant du grand jour et disparaissant sous vos pieds dans un profond et enténébré mugissement qui vous fait songer à la mer ! »

Du côté nord, sur le flanc de la roche, à 55 mètres au-dessus de la rivière, se trouve une galerie qui monte jusqu’au haut de la montagne : c’est le Solitaire, passage en partie naturel, en partie dû à la main de l ’homme, du temps des Romains. Les inscriptions y pullulent. Sur la même face, on remarque aussi d’autres galeries, mais difficilement accessibles.

La grotte du Mas-d’Azil a été habitée pendant les époques préhistoriques, comme en témoignent les silex, les foyers, les ossements qu’on y a trouvés. L’homme en a été chassé à plusieurs reprises par des inondations.

Tout autour du Mas-d’Azil, il y a de nombreux dolmens, ce qui est intéressant à noter car il n’en existe nulle autre part ailleurs dans le département de l’Ariège.

Henri Coupin, La Nature N°1180 — 11 janvier 1896

[1E. Bousquet. Le Mas-d’Azil et sa grotte. Foix. Imprimerie Barthe.

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