Dans un précédent article, nous montrions comment, à l’aide d’herbes et de fleurs communes, on peut réaliser des bouquets dits perpétuels qui fournissent pour l’appartement des ornements fort gracieux.
Depuis quelques années, ces bouquets sont devenus tellement à la mode qu’il s’est fondé des maisons spéciales très importantes se livrant exclusivement à ce commerce. Elles utilisent la plupart des graminées indigènes : les brizes, les stipes, les aira, les glycérées, les bromes, les avoines, les phragmites, les andropogon, les Iagures du midi de la France, dont les jolies inflorescences ovoïdes ont la douceur et l’aspect de la soie et aussi la gynérie argentée des pampas d’Amérique, naturalisée maintenant dans tous les jardins où elle déploie ses grands panaches blancs si décoratifs.
Mais d’autres familles végétales sont aussi mises à contribution ; ce sont des composées comme les rhodantes, les gnaphales, les helichryses, les ammobies de la région méditerranéenne et du cap de Bonne-Espérance et quelques gros chardons aux bractées luisantes ; ce sont les feuilles découpées des palmiers d’Algérie, des cycadées du Japon, les frondes délicates de certaines fougères, quelques mousses élégantes, ou encore des têtes de cardère ou des boules azurées d’échinops.
Pour pouvoir utiliser tous ces matériaux, expédiés souvent sans grands soins, il s’agit d’abord d’assurer leur conservation et pour cela, chaque maison a ses procédés particuliers de dessiccation. Chaque plante exige, du reste, des précautions spéciales. Les unes doivent être desséchées soigneusement à l’étuve, les autres, comme les graminées, peu riches en eau, se contentent d’une exposition à l’air sec, à l’abri de la lumière ; en présentant ensuite leurs inflorescences devant un feu vif, les brins qui les composent s’écartent les uns des autres, elles augmentent de volume et acquièrent ainsi une grande légèreté.
Ces herbes, une fois desséchées, ne sont pas encore prêtes à être employées ; leur couleur est trop uniforme et la gerbe qu’elles formeraient serait, sinon sans grâce, du moins sans éclat ; aussi doivent-elles, pour la plupart, être teintes.
La teinture des herbes et des fleurs naturelles est donc devenue, par contre-coup, une industrie très florissante.
Avant toutes choses, les herbes doivent être plongées dans l’eau tiède, afin de leur permettre d’absorber mieux la teinture. La couleur la plus employée est naturellement le vert qu’on obtient en faisant passer les plantes dans deux bains, l’un, jaune, de gaude ou d’épine-vinette, l’autre, bleu, d’indigo ; le jaune, également très recherché, est donné par une solution d’acide picrique ; le noir, pour les herbes destinées aux couronnes mortuaires ou aux bouquets de deuil, s’obtient à l’aide d’un bain dans lequel entrent l’extrait de campêche, le curcuma, la noix de galle et le sulfate de fer. On colore aussi en bleu, en violet et en rouge.
Les couleurs végétales, inaltérables, mais difficiles à fixer, peuvent être remplacées par des couleurs d’aniline plus riches en nuances, niais moins solides, ce qui n’a qu’une importance relative pour des objets que les contacts et la poussière détérioreront rapidement.
Si l’on veut obtenir des nuances claires, vives, il faut, avant de les teindre, décolorer les herbes à l’aide d’eau oxygénée ou d’un hypochlorite alcalin comme l’eau de javelle on le chlorure de chaux. Ces diverses manipulations étant effectuées, il ne reste plus qu’à grouper toutes ces plantes de la façon la plus heureuse suivant l’usage auquel elles sont destinées. Ces usages sont aujourd’hui fort nombreux.
On en garnit d’élégants objets de vannerie ornés de rubans de soie ou de franges de velours ; on en fait de petits bouquets à main, de hautes gerbes pour les grands vases de salon ; revêtues de la couleur à la mode, elles remplacent avantageusement, sur les chapeaux de dames, les fleurs artificielles.
On a essayé également, mais avec moins de succès, dans ces derniers temps, d’utiliser des fruits secs et des graines exotiques ou indigènes dans la passementerie et même pour la tapisserie et l’ameublement.
Les fruits en ombelle de l’œnanthe, les cônes minuscules des aulnes et des cyprès, les petites oranges vertes, les gousses contournées des luzernes, les noyaux de melia et d’elœocarpus, les cupules du gland, les involucres du hêtre, les coiffes de boutons d’eucalyptus, et les caryopses du coïx lacryma ou larmes de Job ont des formes gracieuses et sont suffisamment résistants pour servir à ces usages.
Ces différents fruits, auxquels on a donné au préalable, par des préparations spéciales, l’aspect du cuir, du vieil argent, du vieil or, ou des teintes irisées diverses, sont très décoratifs et leur succès en ornementation, n’est qu’une question de temps.
À la partie supérieure de notre gravure est une garniture pour chapeau de dame, formée de deux têtes soyeuses de lagure, avec, au centre, une ombelle d’œnanthe entourée par une collerette de brizes.
Au-dessous est une embrasse de rideau ornée de fruits secs d’aunes et, aux extrémités, de pompons en coiffes d’eucalyptus.
Enfin, plus bas, un cordonnet de soie auquel sont rattachés, alternant, des cônes de cyprès et des cupules de gland.
Ferdinand Faideau