Les fleurs colorées soumises à l’action des vapeurs d’alcali volatil deviennent vertes ou bleues, tandis qu’elles prennent une belle teinte rouge si on les expose à des vapeurs acides, comme celles de l’acide chlorhydrique. Il est également facile de décolorer des fleurs en les plaçant humides dans un cornet de papier qui recouvre une assiette contenant du soufre en combustion. En combinant ces divers procédés chimiques on peut obtenir par exemple un bouquet de violettes à quatre couleurs : les unes violettes, leur couleur naturelle, et les autres blanches, tandis que l’autre partie du bouquet est formée de violettes rouges et vertes.
Un véritable procédé de teinture avec emploi de mordant consiste à mettre des fleurs coupées dans une dissolution faible de carbonate de potasse, puis à les laver à l’eau pure pour enlever l’excès du sel alcalin qui agit comme mordant. On les plonge ensuite dans de l’eau colorée par un sel d’aniline et la plante en sort teinte.
Il n’est pas difficile de varier les couleurs, car avec les dérivés de l’aniline le choix est immense.
Mais tous ces procédés ont l’inconvénient de faner la fleur, ils ne valent pas la méthode dont nous allons maintenant parler.
Au commencement de l’hiver dernier, on vit apparaître chez les fleuristes de superbes œillets verts. Cette magnifique variété, inconnue jusque-là, se vendit jusqu’à 5 francs les premiers jours ; puis bientôt, la concurrence aidant, le prix en devint plus abordable aux petites bourses, on eut quelques-unes de ces fleurs remarquables pour quelques sous. En même temps apparurent des narcisses, des iris, des camélias verts, violets ou roses.
On fit des recherches pour savoir à qui était dû ce merveilleux procédé qu’on attribua d’abord à quelque habile chimiste. Il fallut bientôt en rabattre, car s’il faut en croire le journal le Temps, la découverte serait le fait du hasard.
"Deux femmes travaillaient à la coloration des fleurs artificielles. Un jour, l’une d’elles versa, par mégarde, dans un verre où trempaient des tiges d’œillet blanc, la matière dont elle se servait pour teindre en vert des sépales de rose. Quelle ne fut pas sa surprise quand elle remarqua que ses œillets, perdant leur blancheur, prenaient peu à peu une couleur verte ! Elle examina le liquide où ils baignaient et reconnut alors sa méprise.
Voilà l’origine des œillets verts. Le hasard est vraiment un grand inventeur".
La méthode est donc bien simple. On fait dissoudre dans l’eau du vert malachite, du bleu ou du violet de méthyle, de l’acide picrique, de la fuchsine ou de l’éosine suivant la teinte qu’on désire obtenir, et on trempe dans la liqueur l’extrémité des tiges fraichement coupées. Il est même bon d’y pratiquer au préalable quelques incisions. L’eau monte dans la tige et, avec elle, la matière colorante. La nervure principale se colore d’abord, puis les bords externes des pétales ; peu à peu la coloration s’étend sur toutes les parties exposées à l’air.
Si la méthode est simple ; l’explication est assez difficile à donner ; cependant,. comme les organes internes des plantes possèdent des propriétés réductrices, il est probable que la matière colorante se trouve d’abord réduite à l’État de leuco dérivé incolore dans le trajet qu’elle est forcée d’effectuer à travers la tige, puis réoxydée par l’air en arrivant dans les pétales. L’absence de coloration que présentent les parties de la plante qui ne se trouvent pas en contact avec l’air tendrait à certifier cette opinion.
Chose plus remarquable encore, il semble que les différentes matières colorantes ne suivent pas toutes le même chemin dans la tige : si l’on plonge une tige d’œillet dans une solution contenant un mélange de vert malachite et d’éosine, on aura une fleur panachée en rose et en vert, dans laquelle chacune de ces teintes sera absolument pure.
À ceux de nos lecteurs qui voudraient obtenir de ces fleurs étranges, sans s’embarrasser de tout un attirail de couleurs d’aniline, nous recommandons la méthode suivante employée depuis longtemps par les écoliers.
Ils font prendre, en quelques heures, une teinte rose tendre, d’une délicatesse extrême, à des narcisses, à des primevères, à des lilas, en les plongeant tout simplement dans un petit encrier contenant de l’encre carminée.
Dès que les fleurs sont colorées par ce procédé si simple, on les met en bouquet dans l’eau pure pour les conserver fraîches pendant un temps plus long.