Les galets coloriés du Mas-d’Azil : Les symboles. Croix équilatérale et cercle pointé

Ferdinand Faideau, La Science Illustrée N°489 - 10 Avril 1897
Lundi 19 septembre 2011 — Dernier ajout mardi 30 janvier 2018

Nous avons vu, dans un précédent article, comment les troglodytes du Mas-d’Azil figuraient les nombres : Les colorieurs quaternaires ont parfois ornementé ces signes représentatifs en frangeant les bords des bandes et des cercles rouges. Ainsi les figures 1 et 2 représentent le un au moyen de bandes frangées ; la bordure du galet subit alors presque toujours la même transformation.

C’est la plus haute expression de l’art pour ces peintres sur pierres. Ce genre d’embellissement n’est pas spécial aux nombres ; il a été appliqué aux autres caractères, comme nous le verrons prochainement.

Il y a loin de ces œuvres grossières aux gravures et aux sculptures de l’âge du renne (période glyptique). Comme le fait remarquer M. Piette, tout est différent : le procédé, le sujet, la compréhension de l’art. On ne sculpte plus ; on ne grave plus ; on peint. On ne représente plus des hommes et des animaux ; on figure des signes graphiques que l’on embellit en leur donnant l’apparence de Végétaux. Un changement de climat a fait disparaître le renne de nos régions, et les artistes glyptiques privés de la matière première qu’ils employaient pour leurs travaux, n’ont pas su transformer leur art.

Cette première catégorie de galets sur lesquels sont peints des caractères numériques, ornementés ou non, étant mise à part, nous abordons l’étude plus périlleuse de ceux qui portent des symboles ou d’autres signes graphiques pouvant avoir une signification. Il faut, dans ce genre de recherches, se défier de son imagination, et ne présenter les résultats qu’avec beaucoup de réserves.

Les principaux symboles figurés sur les galets du Mas-d’Azil sont la croix équilatérale, le cercle pointé et la croix potencée ou tau.

Les croix équilatérales sont nombreuses ; les galets sur lesquels elles sont figurées sont parfois bordés de rouge (fig. 3) ; le plus souvent la croix n’est pas encadrée (fig. 4 et 5). Quelques-unes sont frangées sur les bords (fig. 5), ou sont formées de rameaux croisés.

Dans certaines semblables à notre croix latine, l’une des branches est beaucoup plus longue, mais cela tient à ce qu’elles sont peintes sur des galets allongés dont la forme paraît avoir influé sur celle des croix beaucoup plus que l’intention.

Le grand nombre des croix, le soin avec lequel elles sont figurées, leur ornementation, prouvent que ce ne ce ne sont pas des peintures faites au hasard, mais bien des figures dont la forme est voulue et auxquelles une grande importance était attachée.

Dans un grand nombre de civilisations postérieures, sur les monuments assyriens, chaldéens, hindous, grecs, persans, dans les mounds builders de l’Amérique septentrionale, la croix équilatérale est le symbole du dieu solaire, symbole obtenu par simplification.

Les premiers, hommes durent être frappés de la puissance bienfaisante du soleil et en firent un dieu. Cet astre apparaissant comme un globe rayonnant, on le représenta par un disque entouré de rayons, mais comme cette image était longue à faire, les artistes supprimèrent bientôt la plupart des rayons, ne conservant que ceux de quatre directions ; ce qui donne une croix avec le cercle solaire au milieu. Ce dernier supprimé pour abréger encore, le soleil fut réduit à un point d’où partaient quatre rayons à angle droit.

La croix équilatérale a été figurée sur plusieurs dolmens ; elle est gravée sur les dalles d’une sépulture néolithique découverte à Brésé (Maine-et-Loire) ; à Callermisch, dans l’île de Lewis (Hébrides) on voit une croix formée de pierres alignées avec le cercle solaire pointé à l’intersection des branches ; on la retrouve, gravée en creux, sur des poteries des stations lacustres du lac du Bourget et des sépultures du premier âge du fer, sur une monnaie gauloise, etc.

Cette énumération, qu’on pourrait allonger encore, montre que, depuis l’époque néolithique jusqu’au temps de l’empire romain, la croix a été transmise de siècle en siècle, par une tradition ininterrompue, comme un symbole du dieu solaire. Les croix du Mas-d’Azil, plus anciennes que toutes celles dont nous Venons de parler, ont évidemment la même signification : les hommes de l’époque asylienne avaient donc déjà le culte du soleil.

On trouve sur les galets ; un autre symbole colorié qui représente, aussi vraisemblablement le dieu solaire c’est le cercle pointé. Il est semblable à celui que les prêtres égyptiens ont placé dans Je sanctuaire du temple d’Ammon-Ra, considéré comme dieu solaire. Il est l’hiéroglyphe qui signifie soleil ; nos astronomes s’en servent encore pour désigner cet astre.

Les peuplades de l’époque du renne paraissent avoir eu, avant les Asyliens, le culte du soleil, M. Piette a recueilli, dans la grotte du Gourdan, divers fragments d’os ou de cornes portant cet emblème ; sur l’andouiller que reproduit la figure 6, est gravé un cercle pointé dont la circonférence rayonne vers l’extérieur. Sur l’autre face non représentée, est un cercle pointé dont la circonférence rayonne, au contraire, vers le centre.

Ce sont là, sans doute, des ornements et des amulettes, que les hommes de ces temps lointains se plaisaient à porter sur eux et auxquels étaient attachées des idées superstitieuses. On retrouve encore actuellement, chez bien des gens, des croyances analogues, plus ou moins avouées.

Le cercle pointé est partout, sur les dolmens, sur les ustensiles de l’époque néolithique, etc. En France, il a été trouvé parmi les vestiges de toutes les époques et de toutes les civilisations qui se sont succédé depuis l’age du renne.

F. FAIDEAU.

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