Les salicornes sont, par excellence, les plantes dos terrains salés. Elles abondent sur les rivages de la mer, autour des marais salants, des étangs salés de la Lorraine, dans les immenses steppes sibériens et dans les grandes plaines salées de La Plata. Les soudes, les arroches, les suéda, les obiones, d’autres plantes encore appartenant aussi à la famille des salsolacées, les y accompagnent, et leurs cendres servaient autrefois à la préparation des soudes du commerce, c’est-à-dire du carbonate de sodium impur. La fabrication de la soude artificielle par le procédé Leblanc a ruiné cette industrie.
Aujourd’hui les usages des salicornes sont des plus restreints. Comme elles se plaisent dans les sables imprégnés de sel marin et dans une atmosphère saline, elles sont précieuses pour arrêter les sables que le vent rejette sur les terres, et qui progressent toujours, barrant le cours des fleuves, recouvrant les cultures et parfois même les habitations. Leurs racines, fixant la couche superficielle, seule voyageuse, protège les semis de pins destinés à immobiliser définitivement la dune.
Les jeunes pousses des salicornes sont comestibles ; on peut les manger fraîches en salade, ou les faire macérer dans du vinaigre, à la façon des cornichons et de la cris te marine (Crithmum maritimum), et les utiliser comme condiment. Leur goût est assez agréable.
La tige des salicornes est charnue, épaisse, riche en eau, elle est formée d’articles successifs très caractéristiques et ne porte que des feuilles rudimentaires. Les fleurs, groupées en épis serrés, sont petites, verdâtres, insignifiantes ; le périanthe n’est constitué que par une seule enveloppe.
Les salicornes, comme d’ailleurs toutes les salsolacées, présentent, au point de vue de la structure interne, une anomalie singulière sur laquelle nous appellerons l’attention de nos lecteurs. On sait que, dans la plupart des jeunes tiges et des jeunes racines, les formations primaires sont, au bout de quelques jours, envahies et modifiées par d’autres tissus dont l’ensemble a reçu le nom de formations secondaires. Ils proviennent d’une couche génératrice libéro-ligneuse dont la moitié interne forme constamment du bois secondaire qui repousse vers le centre les faisceaux du bois primaire, et dont la moitié externe produit du liber secondaire qui chasse le liber primaire vers la périphérie.
Chez les salsolacées, la couche génératrice se divise en deux régions très inégales : l’une externe qui, en se différenciant, devient simplement une couche d’écorce secondaire ; l’autre interne, beaucoup plus épaisse, qui produit d’abord une couche de parenchyme, puis des faisceaux libéro-ligneux, puis, de nouveau, du parenchyme, etc. Cette production simultanée de bois et de liber par la seule face interne de la couche génératrice est tout à fait anormale.
La plus commune de toutes les salicornes et la plus répandue dans le monde entier est la Salicorne herbacée (Salicomia herbacea) ; c’est une plante annuelle dépassant rarement 30 centimètres ; les articles de sa tige sont beaucoup plus longs que large. La Salicorne ligneuse (S. fruticosa), vivace, atteint une taille plus élevée. Chez la Salicorne à gros épis (S. macrostachya), du littoral méditerranéen, les articles de la tige sont aussi larges que longs, et les épis atteignent 4 millimètres de largeur. Ces trois espèces sont les seules qui croissent en France.
Parmi les nombreuses formes du genre, on peut citer encore la Salicorina foliata, de Sibérie, dont les feuilles sont un peu moins rudimentaires que celles des autres espèces, la S. caspica, abondante sur les bords de la mer Caspienne, enfin la Salicorne d’Arabie (S. arabica), la plus jolie de toutes, et dont S. strobilacea, que nous allons décrire en terminant, n’est qu’une variété.
C’est une plante ligneuse, atteignant rarement 30 centimètres ; ses racines, nombreuses et minces, rampent près de la surface du sol. La tige est recouverte d’une écorce grise ; les rameaux articulés portent un grand nombre d’épis sessiles, cylindriques (a), disposés en croix alternativement opposées. Chaque épi est formé d’environ 20 fleurs, séparées nettement entre elles par des intervalles en trapèze ( b). La fleur, formée de 3 sépales, présente un pistil résultant de la fusion de deux carpelles en un ovaire uniloculaire surmonté de deux styles terminés chacun par un stigmate réfléchi ©.
Chaque ovaire ne porte qu’un seul ovale unitegmenté.
Dans la graine, l’albumen est nul et le parenchyme du péricarpe demeure sec et résistant dans toute son épaisseur, réduit à une assise cellulaire.
Ferdinand Faideau