Les amarinthes appartiennent à l’immense famille des ombellifères. Très voisines de la carotte sauvage, si commune dans tous les endroits incultes, au bord des routes, dans les près, et de la Sanicle d’Europe, qu’on rencontre dans nombre de bois humides, ces plantes sont très rares en France. Elles ne sont représentées que par une seule espèce, l’Amarinthe lisse (Cachrys lævigata), qui ne se trouve que dans la région méditerranéenne.
C’est une plante qui affectionne les lieux incultes, les décombres ; elle est vivace et atteint souvent plus d’un mètre ; elle fleurit de mai en juin. Ses :fleurs jaunes, ont une corolle formée de cinq pétales et un ovaire surmonté de deux styles allongés et étalés.
A ces fleurs peu apparentes, succèdent des fruits jaunâtres, d’assez grande taille, puisqu’ils ont de 7 à 12 millimètres de longueur. Ces dimensions sont assez rares chez les Ombellifères. Ces fruits, qui sont des akènes, sont presque lisses ; d’où le nom de la plante.
Ils sont arrondis à l’extrémité opposée au point d’insertion du pédoncule, au lieu de se terminer par un bec pointu comme chez un grand nombre cl ’autres plantes de la même ramille, par exemple, les Anthrisques.
Les feuilles de l’Amarinthe lisse sont divisées en fines lanières, et toutes leurs folioles ’ont terminées par une petite pointe.
La plus belle espèce du genre Cachrys est certainement celle flue nous reproduisons, l’Amarinihe odontalgique (Cachrys odontalgica), C’est une grande plante, abondante surtout en certains points de la Russie.
Elle mérite une description complète.
Les racines sont droites, épaisses, peu ramifiées, blanches à l’intérieur, jaunes extérieurement ; elles possèdent une odeur très aromatique.
Ses feuilles élégantes sont extrêmement découpées, munies à leur base d’une large gaine. Une tige unique, de 12 à 15 décimètres de hauteur, surmonte la racine ; elle est dressée, striée, et se termine par une série d’ombelles disposées en panicule.
A la base de chaque ombelle est un involucre formé d’un petit nombre de bractées. D’autres bractées se trouve souvent au milieu du pédoncule de l’inflorescence ; enfin, au point où la hampe de l’ombelle se détache de la tige, sont de petites feuilles stipuliforrnes.
Chaque ombelle comprend de 4 à 6 ombellules ayant chacune de six à dix fleurs jaunes, assez grandes, à cinq divisions. C’est par erreur que notre gravure n’en indique que quatre.
Les fruits sont de grande taille, lisses, blancs ; la séparation des deux akènes est à peine indiquée. Les graines sont petites, nombreuses, blanches, finement striées et ont un parfum très fort qui rappelle beaucoup celui de la racine.
La plante fleurit en mai, ses graines sont mûres à la fin de juin ; elles sont, peu après, transportées par le vent à de grandes distances.
Les paysans russes utilisent la racine et les graines de cette Amarinthe contre les maux de dents. Leur confiance dans la vertu des simples est profonde, plus peut-être encore que chez le paysan français.
Ils utilisent une foule de plantes aux analogues desquelles on n’oserait pas toucher chez nous.
C’est ainsi, par exemple, que les graines narcotiques de la Jusquiame physaloïde (Hyosciamus physaloïdes) sont, dans beaucoup de districts de la Russie orientale, torréfiées comme le café et bues en décoction après les repas.
Les feuilles de la Clématite à six pétales (Clematis hexapetalai) dont nous avons eu déjà l’occasion de parler, servent à préparer. une infusion assez agréable qui, dans une certaine mesure, peut remplacer le thé.
Les larges feuilles d’une Composée, la Rhapontique scarieuse (Rhaponticum scariosum), sont cueillies, desséchées avec soin et employées con Ire le scorbut, assez fréquent au printemps dans les régions froides.
Les Polypodium fragans et P. fragile, qui croissent dans les fentes des rochers élevés, sont doués d’une odeur suave, pénétrante. Elles donnent une infusion très agréable recommandée contre les douleurs arthritiques et aussi contre le scorbut. Une feuille ou deux, mélangées avec du thé vert, donnent à ce dernier un arôme extraordinaire. Le parfum de ces plantes est si fort que si l’on en renferme quelques feuilles dans un sachet et qu’on place celui-ci dans une armoire ou dans un coffret à papier, il le leur communique pour longtemps. Ces quelques exemples sont suffisants pour montrer que, aussi bien en Russie qu’en France, le paysan est le gardien fidèle des anciennes traditions, et qu’il tient autant à ses vieux remèdes qu’à ses vieux procédés de culture.
F. FAlDEAU.