Tulipes

Ferdinand Faideau, La Science Illustrée N°528 — janvier 1898
Jeudi 3 septembre 2009 — Dernier ajout samedi 7 septembre 2019

La tulipe des jardins (Tulipa Gesneriana) est originaire de la Russie méridionale, de la Turquie et de la Perse. Le mot tulipe viendrait du persan Thulyban, nom vulgaire d’une espèce. Conrad Gessner, fameux naturaliste, qu’on surnomma le « Pline de l’Allemagne », vit pour la première fois la tulipe à Augsbourg, en 1559, dans le jardin d’un amateur qui l’avait reçue de Constantinople.

Cent ans plus tard, le goût des tulipes était dans toute l’Europe, et surtout en Hollande, une véritable passion. Elles étaient cotées à la bourse de Harlem et certains oignons atteignaient une valeur fabuleuse. Selon Muting, en trois ans, il se fit, dans cette seule ville, pour 10 millions de florins d’affaires en tulipes. Certaines races, notamment la Semper Augustus, atteignaient plusieurs milliers de florins. On cite un amateur qui en acquit un oignon en échange de douze arpents de terre ; un autre, qui offrit 4600 florins et, en sus, une voiture avec deux chevaux tout harnachés. C’était une véritable folie.

En 1629, d’après le botaniste anglais, John Parkinson, il n’existait pas moins de cent vingt variétés de tulipes des jardins ; certaines collections en possèdent aujourd’hui plus de 1500.

Les variétés à fleurs doubles sont moins estimées par les amateurs que celles à fleurs simples. Ces dernières s’ouvrent avec plus de grâce ; leur corolle forme un vase régulier d’une élégance inimitable. Les variétés à fond blanc (Tulipes flamandes) doivent être d’un blanc très pur, celles à fond jaune (Tulipes bizarres, d’une teinte vive, comme dorée.

Les caractères d’une tulipe de choix sont les suivants : Une tige ferme et droite, une fleur dressée, se tenant bien et ayant ses divisions égales en hauteur, un peu épaisses et surtout arrondies au sommet, des étamines brunes ou noires, parce que ces teintes foncées se détachent davantage sur les couleurs claires de la corolle.

Les tulipes sont rustiques et d’une culture facile. On plante les bulbes de septembre à novembre, à 10 centimètres environ de profondeur, et la floraison, qui a lieu en mai, peut durer plusieurs jours si on a la précaution de mettre, par une toile, les fleurs à l’abri du soleil.

C’est par les oignons qu’on perpétue les variétés ; par le semis qu’on en obtient de nouvelles.

Les poètes de tous les pays ont célébré les mérites de la tulipe, vanté sa grâce, son port majestueux, l’éclat de sa fleur, « qui reproduit tous les feux du jour et lui fait pardonner son calice inodore », ainsi que le dit le poète des Mois, le malheureux Roucher.

Toutes les parties aériennes de la tulipe sont recouvertes d’un enduit cireux protecteur qui contribue à leur donner de l’éclat. Sa fleur est dépourvue de nectaires et les insectes, dont les visites sont toujours intéressées, la délaissent complètement. Elle s’ouvre sous l’action de la lumière et se ferme à l’obscurité, mais l’action de la température est plus énergique que celle de la lumière, cal’ il suffit d’une élévation de quelques degrés pour forcer à se rouvrir une tulipe que l’obscurité a fermée.

Avec le pavot, la fève, la tulipe est une des rares plantes dont la corolle possède du noir. S’il faut en croire Bernardin de Saint-Pierre, cette teinte sombre, opposée aux nuances vives de la fleur, serait symbolique en Perse. « Chardin dit que quand un jeune homme présente, en Perse, une tulipe à sa maîtresse, il veut lui donner à entendre que, comme cette fleur, il a le visage en feu et 18 cœur en charbon. » Que de sentiments exprimés par une tulipe !

Nous possédons en France, à l’état sauvage, cinq espèces de tulipes. La moins rare est la Tulipe sauvage (T. sylvestris) dont les fleurs jaunes ne s’épanouissent bien qu’au soleil. La Tulipe Œil du soleil (T oculus-salis). aux fleurs rouges, grandes, il cloche évasée, est fréquemment cultivée, ainsi que la Tulipe de Celse (T. Celsiana), aux fleurs jaunes, mêlées de rose.

Les tulipes, assez rares en France dans la région méditerranéenne, abondent, en Californie, en Perse, etc. Dans ces régions, au printemps, les monocotylédones bulbeuses ou tuberculeuses fleurissent partout en masse au milieu des gazons formés par les graminées précoces.

La Russie méridionale semble être, au témoignage Je Pallas, particulièrement bien dotée en tulipes.

Dès la fin de mars, la Tulipe précoce apparaît, bientôt suivie de la Tulipe à deux fleurs (T. biflora), aux corolles blanches étoilées. La Tulipe sauvage ou Tulipe à fleurs penchées (T. sylvestris) paraît presque en même temps avec ses feuilles en fer de lance et ses fleurs jaunes, rarement blanches.

Vers le milieu d’avril, enfin, la terre est couverte de notre Tulipe des jardins (T. Gesneriana), avec toutes ses variétés. Elle fait le plus bel effet sur les hauteurs et dans les champs, mais sa fleur ne dure que neuf jours. Les rouges foncées sont les plus précoces, on en voit en même temps de roses, mais elles sont moins communes, et celles d’un pourpre foncé sont encore les plus rares, mais ce sont les plus grosses. Il en vient ensuite à corolle couleur de soufre. On n’en voit ni blanches, ni à couleurs mêlées, et elles ne donnent jamais qu’une seule fleur. Les enfants du pays avaient l’habitude, lors du voyage de Pallas, d’arracher les oignons de tulipe pour les manger.

La Tulipa biflora que nous reproduisons est une espèce remarquable à différents points de vue. D’abord elle possède presque toujours deux fleurs, rarement trois ou une, tandis que la plupart des autres espèces du genre sont à fleurs solitaires. Les bulbes des années successives se superposent le long de la tige. Les fleurs sont petites, blanches, à pièces florales très séparées, presque étoilées. Le fruit est une capsule à trois angles représentée à côté de la fleur.

Ferdinand Faideau.

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