Bouquet printanier de fleurs des champs et des bois

Ferdinand Faideau, La Science Illustrée n° 284 — 6 mai 1893
Dimanche 12 octobre 2014 — Dernier ajout mardi 30 janvier 2018

Profitant d’une belle journée, nous allons courir les champs et les bois, non pas avec l’intention de faire de la botanique, mais simplement pour nous griser de grand air et de printemps ; et afin de donner un but à notre longue promenade, nous cueillerons un joli bouquet. Si nous rencontrons en chemin quelque plante intéressante, cela ne nous empêchera pas d’en dire deux mots.

Et d’abord voici, dans cette prairie, de mignonnes fleurs jaunes en tube, groupées au sommet d’une longue tige, entourée à sa base d’une rosette de feuilles ; c’est la primevère officinale, vulgairement appelée coucou. Un peu plus loin, une charmante crucifère, à l’élégant feuillage découpé, la cardamine des prés dresse ses corolles d’un violet pâle, tandis que de nombreuses renoncules tête d’or, qui partagent le joli nom de boutons d’or avec toutes les plantes du même genre, semblent comme des étoiles dans l’herbe.

Quittons maintenant la prairie et dirigeons-nous vers ce mur en ruine situé à l’entrée du bois. Son sommet, éclairé par le soleil, est couronné de grandes plantes en fleur que, sans être grands clercs en botanique, nous reconnaissons pour des giroflées. Leur parfum nous avait déjà dit leur nom. C’est en effet la giroflée des murailles, la mère de toutes les variétés, simples et doubles, produites aujourd’hui par la culture.

Dans sa partie située à l’ombre, le mur lui-même est recouvert par la lynaire cymbalaire dont le feuillage léger, retombant, est piqué çà et là, de petites corolles lilas extrêmement irrégulières.

Nous y trouverons sûrement aussi la chélidoine au feuillage découpé, aux fleurs jaunes à quatre pétales. Nous la reconnaîtrons au suc jaune qui s’écoule de toutes ses parties lorsqu’on les arrache et qui était autrefois très réputé pour guérir les verrues.

Nous laisserons l’herbe aux verrues sur son mur ne la jugeant pas digne d’entrer dans notre bouquet.

Mais nous voici à la lisière du bois. Nous apercevons des fleurs régulières, d’un blanc laiteux, formées de cinq pétales. La plante qui les porte, arrachée avec précaution, nous montre au bas de sa tige et plongés dans le sol, de petits grains arrondis ou bulbilles qui lui permettront de passer d’une saison à l’autre et de se multiplier ; ils lui ont fait donner le nom de saxifrage granulée.

Continuons notre route sous bois vers ce tapis doré qu’on voit reluire à travers les arbres ; c’est la ficaire, qui doit son nom aux renflements en forme de figues que portent ses racines, dont les nombreuses corolles produisaient cette illusion. Elle ressemble de loin au bouton d’or, mais s’en distingue aisément par sa taille plus petite, ses feuilles non découpées et ses pétales plus nombreux.

Mais notre odorat vient d’être agréablement flatté : c’est la violette cachée derrière ces groseilliers sauvages déjà fleuris, qui nous envoie ce doux parfum.

Plus loin, nous apercevons les grandes feuilles tachées de blanc de la pulmonaire aux corolles roses, bleues ou violettes suivant leur âge ; les blanches corolles de l’anémone des bois ; la véronique, dont les petites fleurs bleues sont si jolies, mais malheureusement si fragiles.

Dirigeons-nous maintenant vers cette grande tache de lumière qui nous indique une clairière. Le cerisier sauvage, le prunier épineux ou prunellier y sont garnis de leurs fleurs comme d’un manteau de neige. Coupons sur le premier quelques branches à peine fleuries, respectons le second qui pourrait se venger sur notre épiderme et assoyons-nous un instant pour jouir d’un repos bien gagné et aussi pour arranger la gerbe de fleurs que nous avons cueillie.

Des ficaires et des violettes entremêlés, nous ferons un petit bouquet qui, une fois terminé, nous surprendra par la façon harmonieuse dont se marient le jaune d’or et le violet. Les ficaires doivent être placées un peu plus bas que les violettes, car dans l’eau elles s’allongent beaucoup et, au bout deux ou trois jours, elles dépasseraient de quelques centimètres leurs charmantes compagnes.

Le reste des fleurs nous servira à composer un gros bouquet dont le fond sera formé par quelques branches de cerisier ; plus en avant, des giroflées, des saxifrages et sur le bord des cardamines dont le feuillage délicat contribuera à la légèreté de l’ensemble ; en avant encore et plus bas, des boutons d’or et quelques véroniques, puis nous laisserons pendre quelques rameaux fleuris de linaire cymbalaire destinés à retomber sur le devant du vase dans lequel nous placerons notre œuvre.

Ainsi chargés, nous rentrerons à la maison, contents d’une journée si agréablement employée.

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