Les sympathies des plantes

Ferdinand Faideau, La Science Illustrée N°347 - (21 Juillet 1894)
Samedi 1er novembre 2014 — Dernier ajout mardi 30 janvier 2018

Certaines plantes s’accommodent de toutes les circonstances et végètent dans toutes les conditions. Tel est le pissenlit ; il est répandu partout, dans les prés, dans les bois, au bord des eaux, au sommet des murs, le long des routes, on aperçoit, suivant la saison, ses gros capitules jaunes ou ses fruits réunis en une boule d’une délicatesse extrême et d’une blancheur éclatante ! Mais, généralement, les plantes sont plus exigeantes et choisissent avec soin le terrain qui leur convient et l’exposition qui leur est le plus favorable.

Les Caryophyllées se plaisent dans les terres sablonneuses ; le pavot, la sauge, la mélampyre, la prunelle, le silène enflé, etc., dans les terres calcaires ; il faut des terrains schisteux à la digitale pourpre et de l’argile à l’yèble, à la saponaire, etc.

La violette, la sylvie, la ficaire aiment l’ombre discrète et la fraîcheur des bois ; il faut à la chicorée sauvage la plaine aride,desséchée par les brûlants rayons du soleil ; aux renoncules, un terrain humide ; la giroflée, la lenaire cymbalaire, les saxifrages se plaisent dans les fentes des murs et, à travers les barrières des terrains vagues, on est toujours sûr d’apercevoir les hampes élevées du bouillon blanc et de la gaude, les capitules multicolores des cirses et des chardons, les boules à aiguillons de la bardane, les fleurs de la mauve, de la vipérine, etc.

Certaines plantes, sombres d’aspect, croissent toujours solitaires, loin des habitations : tel est l’hellébore fétide ; d’autres, qu’on a appelées plantes sociales, sont toujours en bandes nombreuses : les scabieuses, les marguerites, les colchiques, dans les prairies ; les bluets, les coquelicots, les nielles dans les blés ; les orties, les pariétaires, les renouées, autour des maisons des villages.

Ce sont là des sympathies plus apparentes que réelles qui peuvent être expliquées par les besoins des plantes et par le fait de la dissémination des graines ; mais, ce qui est bien autrement curieux, c’est l’affection ou l’aversion que certaines plantes manifestent les unes pour les autres et dont l’agriculture a su déjà tirer parti dans quelques cas.

Sur le bord des ruisseaux, les grappes purpurines de la salicaire (voir fig. n°5) sont toujours placées dans le voisinage des saules, et il n’y a cependant entre ces deux plantes aucun parasitisme. D’autres plantes, au contraire, semblent avoir une profonde aversion les unes pour les autres : ainsi le lin languit et meurt dans le voisinage de la scabieuse.

Quelle est la raison de ces faits singuliers ? On les explique aujourd’hui par les produits d’excrétion que rejettent les racines ; ces produits, favorables au développement d’un petit nombre d’autres plantes, constituent pour le plus grand nombre un poison violent.

Nous laisserons de côté l’amitié quelque peu intéressée du gui pour le pommier ou le peuplier, de l’orobranche pour le thym ou la germandrée, de la cuscutte pour la luzerne, amitié fort discutable dans le genre de celle du moustique pour l’homme dont il aspire le sang et nous arriverons à un autre ordre de faits des plus intéressants connus sous le nom de mimétisme.

Le mimétisme est le phénomène par lequel certaines plantes dépourvues de moyens de défense imitent d’autres végétaux protégés d’une façon efficace par des poils à venin ou par un suc âcre.

Le cas de mimétisme le plus parfait chez les végétaux est celui du lamier blanc (fig. n°1) et de l’ortie (fig. n° 2). Ces végétaux appartiennent à deux familles botaniques très éloignées l’une de l’autre, mais on les trouve toujours réunies dans les terrains incultes ; ils ont le même port, leurs feuilles sont semblables, mais leurs fleurs sont fort différentes. Beaucoup de personnes, trompées par cette ressemblance, n’osent toucher au lamier blanc de peur de se faire piquer, il en est de même des animaux ; ainsi se trouve protégée cette plante inoffensive.

La ressemblance est frappante entre le chrysanthème inodore et la camomille qu’on trouve toujours ensemble au bord des chemins et dans les cultures ; le premier profite probablement de la répulsion qu’inspire aux animaux la saveur amère de la seconde. De même, l’euphorbe petit cyprès (fig. n°4) protégée par son latex âcre et imitée par la bugle jaune ou bugle petit pin (fig. n°3).

Ferdinand Faideau

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