Le Lamier blanc (Lamium album) est la plante qui présente le cas le plus curieux et le moins discuté de mimétisme, c’est-à-dire de ressemblance protectrice. Elle vit toujours au voisinage de l’homme, près des villages, le long des murs, au milieu des orties auxquelles elle ressemble par son aspect général d’une manière étonnante. Les feuilles sont opposées, de même forme que celles de l’ortie et dentelées tout à fait de la même façon, ce qui lui a valu son nom vulgaire d’Ortie blanche. Elle bénéficie de ce masque trompeur : les animaux la laissent en paix et bien des personnes, trompées par l’apparence, hésitent à y toucher craignant la présence de poils urticants qui n’existent pas.
Un examen, même superficiel, montre cependant qu’en dehors de la forme et de la disposition des feuilles, le lamier blanc n’a rien de commun avec l’ortie. Il appartient à une famille botanique très différente, celle des Labiées.
Sa tige est carrée, ses fleurs, qui s’ouvrent d’avril en octobre, sont blanches, assez grandes disposées au-dessus des feuilles en une couronne qui en comprend dix à douze. Le calice présente cinq dents aiguës ; la corolle, gamopétale, est à deux lèvres ; la supérieure entière et voûtée, l’inférieure bilobée. Les quatre étamines inégales sont soudées à la corolle et leurs anthères noires ressortent très vivement sur le fond du blanc capuchon formé par la lèvre supérieure. L’ovaire, libre, surmonté d’un très long style qui vient porter le stigmate jusqu’au-dessus des anthères, est divisé extérieurement en quatre parties. Le fruit est formé de quatre akènes aplatis sur leur face supérieure.
Cette plante, qui n’a reçu jusqu’à présent aucune application industrielle en Europe, peut être employée comme textile. En Chine, on en extrait une filasse qui sert à la fabrication de très belles toiles.
Le lamier blanc possède, comme un grand nombre de labiées, des propriétés médicinales. L’infusion de ses fleurs est diurétique, c’est de plus un hémostatique puissant. D’après M. J. Fardel, de Lille, voici comment il faut le préparer et l’employer pour cet usage. On coupe la tige à 0,15m du sommet, on la pile avec ses fleurs dans un mortier ou on la sectionne en menus fragments. on presse et l’on recueille le suc dans de petits flacons de 100 grammes au plus, que l’on plonge entièrement dans un bain-marie. Après dix minutes d’ébullition, on bouche hermétiquement et l’on conserve dans un endroit sec, à l’abri de la chaleur et de la lumière. Un demi-verre à madère de cette préparation suffit à arrêter, au bout de quelques minutes, une hémorragie abondante. Si, contre toute attente, la première dose ne suffisait pas, on en prendrait une seconde à quinze minutes d’intervalle. Chaque bouteille doit être petite, de manière à être vidée aus1 sitôt que débouchée, afin d’éviter toute fermentation.
Si l’on est un peu chimiste, on peut opérer autrement et préparer l’alcaloïde du lamier blanc, hl lamine, qui en est le principe actif. Pour obtenir la lamine on fait bouillir, pendant plusieurs heures, les sommités fleuries écrasées ou coupées en menus fragments dans l’eau additionnée d’acide chlorhydrique. On filtre la liqueur, puis on précipite par un lait de chaux et l’on filtre de nouveau.
Le résidu qui est sur le filtre est repris par l’alcool bouillant qui dissout l’alcaloïde, et la solution alcoolique est additionnée d’acide sulfurique étendu et en léger excès. On fait bouillir et par refroidissement le sulfate de la-’ mine, peu soluble, se dépose en cristaux qu’on pourra utiliser comme principe hémostatique, soit en cachets, soit en solution. Jadis on attachait une importance plus grande qu’on ne le fait aujourd’hui aux propriétés médicinales de nos espèces indigènes. Les recherches de la chimie moderne, et les études plus complètes de la flore exotique ont rejeté dans l’oubli une quantité de plantes intéressantes que nos pères connaissaient sous le nom de simples.
Ferdinand Faideau