On compte, en France seulement, une cinquantaine d’espèces de trèfles ; il en existe plusieurs centaines dans le monde entier. La forme de leurs feuilles varie à l’infini ; certains trèfles les ont très allongées, presque filiformes ; chez d’autres, elles sont à peu près triangulaires ; la plupart ont des feuilles rondes, qui forment un charmant contraste avec l’herbe fine au milieu de laquelle ils poussent et qu’ils parent de leurs bouquets de fleurs. Ces dernières aux minuscules corolles, n’offrent pas moins de variétés dans leurs nuances ; on y rencontre le blanc pur, le jaune franc, le rouge incarnat, le rose tendre et toutes les nuances intermédiaires.
La forme des fruits et leur groupement fournissent aussi d’intéressantes observations : les uns sont lisses, d’autres bosselés ; ceux-ci fortement velus. Telle espèce, comme le trèfle incarnat, dresse vers le ciel ses fruits murs ; telle autre, comme le trèfle enterreur, les enfonce dans le sol pour en faire mûrir la graine. Leur réunion, chez le Trifolium fragiferum, des environs do Paris, simule une fraise .. « Tout l’art avec lequel les joailliers assemblent les pierreries, dit Bernardin de Saint-Pierre, disparaît auprès de celui avec lequel la nature assortit les fleurs, Je montrais à J.-J. Rousseau des fleurs de différents trèfles que j’avais cueillies en me promenant avec lui ; il y en avait de disposées en couronnes, en demi-couronnes en épis, on gerbes, avec des couleurs variées à l’infini. »
Après avoir indiqué les caractères qui éloignent les unes des autres les différentes espèces de trèfles, il ne sera peut-être pas inutile de citer ceux qui les rapprochent ; c’est-à-dire les caractères communs à tout le genre. Il comprend des herbes à fleurs petites groupées, en capitule, en grappe serrée ou en ombelles. Les fleurs, à corolle persistante, s’accroissent et deviennent membraneuses après la floraison ; le fruit ne dépasse pas ou dépasse à peine le calice qui l’entoure et le protège ; les feuilles sont munies de stipules soudées au pétiole ; enfin, sur les dix étamines, qui composent l’androcée, neuf sont réunies par leurs filets ; une seule est libre.
On sait que les folioles de la plupart des trèfles présentent de curieux mouvements. Pendant le jour, quand la lumière reste constante (expérience avec un éclairage artificiel), elles sont le siège d’une lente flexion alternative vers le bas et vers le haut. Au coucher du soleil, elles prennent la position de sommeil, c’est-à-dire qu’elles se tournent vers le haut, de manière à appliquer leurs faces supérieures l’une centre l’autre.
Un petit nombre de trèfles sont utilisés en horticulture, parmi lesquels il convient de citer : le trèfle rampant, espèce indigène à fleurs blanches, dont une variété à feuilles pourpres est utilisée comme bordure, le trèfle à port de lupin (T. lupinaster) et le T. hedysaroides, de Sibérie, aux jolies fleurs purpurines qui font l’ornement des massifs ; enfin, le trèfle orangé de Grèce, espèce annuelle, qui forme de jolies bord mes, grâce à ses Items nombreuses, d’un jaune orangé, réunies en petites grappes arrondies.
Dans certaines parties de la Chine, on cueille les jeunes feuilles tendres de trèfle et on les consomme ainsi que nous faisons en France pour les épinards.
En Égypte, les femmes du peuple, qui ne peuvent acheter de henné pour leur toilette, se tatouent les pieds et certaines parties du visage, au moyen de piqûres d’aiguilles, sur lesquelles elles frottent ensuite des feuilles de trèfle pilées, qui donnent une belle teinte verte.
Le trèfle a surtout une grande importance en agriculture, soit comme fourrage, soit qu’on l’enfouisse en vert comme engrais. Cette dernière pratique, usitée depuis des siècles, n’a trouvé que récemment une explication scientifique par la découverte du Bacille racidicole, qui forme des nodosités sur les racines des légumineuses et fixe l’azote de l’atmosphère dans le sol. Le trèfle enrichit donc en azote le sol dans lequel il vit. Cependant, il ne faut pas le cultiver trop longtemps dans le même terrain, car ce dernier est bientôt atteint de ce qu’on a appelé Je mal de trèfle et devient stérile.
Le trèfle est le meilleur des fourrages ; malheureusement il craint beaucoup la sécheresse, en raison du faible développement de ses racines et, pris en trop grande abondance, il provoque la météorisation des ruminants. D’après Alpb. de Candolle, la culture du trèfle des prés n’existait pas dans l’antiquité, bien que la plante fût connue alors. L’usage s’en est introduit dans les Flandres au XVIe siècle. Le trèfle incarnat ou farouch ; spontané en Galice et en Catalogne, a été cultivé à l’origine, dans la région des Pyrénées.
Ajoutons, en terminant, que certains auteurs ont voulu voir, dans la feuille du trèfle, si gracieusement découpée, le prototype du lis héraldique. Quant au trèfle des cartes à jouer, il proviendrait, d’après le bibliophile Jacob, de la fleur de sureau héraldique d’Agnès Sorel.
F. FAIDEAU