Dès le premier printemps, dans les prames et dans les bois frais, parmi les violettes et les ficaires, s’épanouissent les fleurs des primevères « aux coupes d’or et aux lèvres écarlates ». Les oiseaux commencent à gazouiller dans les bois, le coucou fait entendre son chant monotone, c’est le réveil de la nature, la jeunesse de l’année.
Notre primevère la plus commune, la Primevère officinale (Primula officinalis), doit, sans doute, son nom vulgaire de Coucou à ce qu’elle s’épanouit précisément au moment où cet utile oiseau revient sous nos climats.
Le coucou est une plante vivace dont les feuilles rugueuses, brusquement rétrécies en pétiole, forment, au ras du sol, une élégante rosette. La tige aérienne est très courte, presque nulle ; en revanche, la tige souterraine ou rhizome, très développée, s’allonge indéfiniment sans jamais sortir de terre. Les fleurs groupées en ombelle, au nombre de huit à douze, sont portées au sommet d’une hampe rigide, de 15 à 20 centimètres de hauteur. Leur corolle est légèrement odorante ; elle compte cinq pétales soudés en un tube entouré par un calice gamosépale formant une longue et large collerette.
Le pistil est formé d’une seule masse arrondie formant un ovaire libre à placentation centrale et surmonté d’un style terminé par une petite boule visqueuse, souvent colorée en jaune par le pollen qu’elle a reçu. L’androcée comprend cinq étamines soudées au tube de la corolle.
Les coucous, ainsi que la plupart des primevères, sont hétérostyles et Darwin a montré que cette disposition est très favorable à la prospérité de l’espèce. Ses expériences ont, en effet, prouvé que la fécondation croisée, entre fleurs à long style et fleurs à court style, donne plus de graines que la fécondation croisée entre fleurs de même forme et que, de plus, ces graines sont plus grosses et les plantes qui en proviennent, plus vigoureuses.
La Primevère élevée (P. elatior) est aussi très commune, sauf dans l’Ouest et dans la région méditerranéenne ; elle se distingue de la précédente par la teinte plus pâle de ses fleurs, son calice non renflé, la forme de ses feuilles et sa taille un peu plus grande.
La Primevère à grandes fleurs (P. grandiflora) est une jolie plante assez rare, sauf dans l’Ouest et le Nord-Ouest. Sa corolle, d’un jaune très pâle, atteint souvent plus de 3 centimètres de diamètre et il n ’y a jamais qu’une fleur épanouie, que deux ou trois boutons s’apprêtent successivement à remplacer.
En dehors de ces trois espèces des prés et des bois, toutes les autres formes françaises sont des plantes de montagne qui croissent dans le Jura et jusqu’à environ 1500 mètres dans les Alpes et les Pyrénées. Parmi ces formes des stations élevées, on peut citer la Primevère à feuillles entières (P. integrifolia), petite plante de 4 à 8 centimètres, à fleurs roses, qu’on trouve dans les Pyrénées ; la Primevére visqueuse (P. visscasa), la Primevère marginée (P. marginata) dont les feuilles sont comme bordées d’une couche de poudre blanche ; la Primevère farineuse (P. farinosa), aux fleurs roses ou violacées, aux feuilles recouvertes d’un enduit blanc sur leur face inférieure ; la Primevère auricularre ou Oreille d’ours (P. auricula), etc.
Le dépôt d’apparence poussiéreuse que l’on trouve sur les feuilles de beaucoup de primevères de montagnes, est des plus intéressants. C’est un enduit graisseux qui joue le même rôle protecteur que le revêtement cireux d’un grand nombre de plantes et empêche, comme lui, les feuilles d’être mouillées par l’eau.
Ce dépôt farineux est blanc ou jaune d’or ; il est formé de petites écailles de matière grasse, presque cristallines et solubles dans l’alcool à froid.
On rencontre des primevères dans les régions arctiques et sur les montagnes du monde entier, parfois jusqu’à la limite des neiges éternelles, La Primevère des neiges (P. nivalis), dont notre gravure reproduit l’aspect, croit sur les montagnes les plus élevées de la Daourie. Ses feuilles en rosette sont denticulées ; sa tige aérienne presque nulle ; la hampe florale, très droite, est terminée par une ombelle de petites fleurs pourprées.
Les primevères, très employées comme plantes ornementales, n’ont pas d’applications industrielles ou médicinales. Seule, la primevère officinale ou coucou possède des fleurs qui exercent sur le système nerveux une action calmante, analogue à celle du tilleul. L’infusion en vase clos de ces fleurs possède une belle couleur jaune d’or, une odeur et une saveur des plus agréables.
On est arrivé par la culture à obtenir des variétés innombrables de primevères. Le coucou lui-même est très employé pour orner les rochers. On en possède aujourd’hui des races à fleurs blanches, jaunes, purpurines, rouges ou violettes ; d’autres sont doubles, semblant formées de deux ou trois collerettes emboîtées. Ces dernières variétés ne peuvent se reproduire que d’éclats.
Les autres espèces les plus employées sont l’Oreille d’ours et la Primevère de Chine (P. sinensis).
Les auricules ou oreilles d’ours sont cultivées depuis les temps les plus reculés, ce qui explique les variations nombreuses qu’elles ont subies ; variations portant non seulement sur la couleur des fleurs, mais même sur leur volume, leur disposition, leur forme, leur composition. Elles fleurissent toutes d’avril en mai, redoutent peu le froid ; l’humidité est, au contraire, leur plus grande ennemie.
La primevère de Chine est une très belle plante d’appartement, annuelle ou bisannuelle, mais qu’on rend aisément vivace en coupant les tiges à mesure que les fleurs se flétrissent. Elle fleurit de décembre à janvier et jusqu’en avril.
F. FAlDEAU.