Le pinson est un des oiseaux les plus répandus dans les bois et dans les jardins ; c’est aussi l’un des plus aimés.
Tout en lui est fait pour plaire ; sa grâce, sa vivacité, ses couleurs qui, sans être brillantes, sont très variées et harmonieusement mélangées, son chant même pour lequel certains amateurs manifestent un enthousiasme incroyable. Il a, de plus, une autre qualité non négligeable au point de vue utilitaire, il ne cause aucun tort à l’agriculture ; au printemps il se nourrit des graines des mauvaises herbes, pendant la saison des amours il se nourrit d’insectes et il en gave ses petits.
C’est donc plutôt un auxiliaire.
Malheureusement, beaucoup de gens préfèrent aux chants de cet aimable oiseau, sa chair délicate et une énorme quantité périt tous les ans, au grand détriment des récoltes : ainsi le paysan ignorant prépare lui-même trop souvent sa ruine ou celle de ses descendants.
Le pinson fuit nos hivers rigoureux ; dès le commencement de septembre il s’envole en grandes bandes, vers le midi de l’Espagne ou le nord de l’Afrique. Il revient au milieu de nous dès le premier printemps. Les mâles arrivent d’abord au commencement de mars, les femelles quelques jours après, car il est très rare que les deux sexes voyagent ensemble.
Bientôt après commence la construction du nid, à laquelle chaque couple accorde tous ses soins ; il est d’un très joli travail et imite d’une façon frappante un nœud de la branche sur laquelle il est posé. Les parois en sont épaisses et l’intérieur est mollement tapissé de laine et de duvet.
Pendant toute la durée de l’incubation, le mâle ne cesse, pour ainsi dire, de chanter tant que le soleil est au-dessus de l’horizon ; ses voisins lui répondent à qui mieux mieux ; ce combat, d’abord pacifique, dégénère bientôt en rixe ; les coups de bec et de griffes se succèdent rapidement, tant il est vrai que la musique adoucit les mœurs.
Le pugilat ayant cessé, le concours musical recommence jusqu’au moment où les deux adversaires fondent de nouveau l’un sur l’autre.
Les œufs, au nombre de cinq à six, sont petits ; leur coquille est d’un bleu verdâtre clair ponctué de brun.
L’incubation dure quinze jours ; les petits, au bout de peu de temps, vont chercher eux-mêmes leur nourriture. Une deuxième couvée a lieu peu de temps après qu’ils ont pris leur volée ; il faut la soigner jusqu’à la fin de l’été et même quelquefois une partie de l’automne. Ensuite a lieu le départ vers des régions plus clémentes.
Ainsi se passe l’heureuse existence des pinsons dont la gaieté est devenue proverbiale.
Le pinson s’élève facilement ; mais beaucoup d’amateurs de ces oiseaux, persuadés que la cécité les rend meilleurs chanteurs, ont la barbarie de leur crever les yeux.
C’est là une cruauté injustifiable contre laquelle on ne saurait trop protester.
Autrefois, l’élève des pinsons était pratiquée avec une véritable frénésie. « Il y avait des couteliers, des chaudronniers, des tailleur ; de limes, dit Brehm, qui tout en travaillant sifflaient à leur oiseau, pendu dans sa cage près de la fenêtre, l’air qu’il devait répéter. Le dimanche et les jours de fête, ils s’en allaient écouter les chants des pinsons des autres amateurs. On faisait plusieurs lieues pour entendre un bon chanteur ; on se battait jusqu’au sang pour ces oiseaux : un amateur offrit même et donna une vache contre un pinson. »
De nos jours encore, en Belgique, il y a des concours de pinsons. D’après Lenz on met les concurrents en ligne chacun dans une petite cage. Le concours dure une heure. Des personnes préposées à cet effet, notent combien de fois chaque oiseau dit sa chanson dans ce laps de temps, et c’est d’après le relevé qui en est fait que les prix sont distribués. Il y a des pinsons qui répètent ainsi leur phrase musicale plusieurs centaines de fois.