Quel est le plus vieux arbre du monde ? Le plus vieux arbre qui ait résisté à la durée des temps, c’est bien certainement le Bô-Gaha ou le bô sacré, qu’a vu et décrit. M. Jules Leclercq, correspondant de l’Académie de Belgique. Cet arbre, affirme-t-on, a authentiquement vingt-deux siècles !
C’est une des grandes curiosités de Ceylan que l’on a oublié de nous montrer, au moins en effigie, pendant l’Exposition. L’arbre n’eût pas fait tort au thé de Ceylan remarquable par son amertume.
L’arbre vit encore à Anuradhapura, l’ancienne capitale des rois de Ceylan : C’est un Ficus religiosa provenant d’un rameau cueilli à l’arbre même sous lequel s’est reposé Gautama le jour où il devint un Bouddha, Planté en l’an 288 avant Jésus-Christ, dans la dix-huitième année du règne de Devenipiatissa, il est âgé aujourd’hui de 2189 ans, Cet arbre extraordinaire semble vouloir donner raison à cette prophétie du roi qui le planta : « Il fleurira et verdira jusqu’à la fin des temps ». M. Leclercq raconte que le bô sacré fut honoré sous toutes les dynasties et épargné par toutes les invasions. Depuis vingt-deux siècles, des millions de pèlerins sont venus de tous les points de l’Inde s’agenouiller au pied de l’arbre vénérable. Encore aujourd’hui ses feuilles sont pieusement recueillies par les pèlerins qui les vénèrent comme de saintes reliques. La renommée dc cet arbre date de loin, Di’s le cinquième siècle de l’ère chrétienne le voyageur chinois Fa-Hian venait le visiter.
Le bô d’Anuradhapura, d’où proviennent tous les autres bôs qui ornent les temples de Ceylan, est certainement l’arbre historique le plus vieux du monde. On a assigné aussi des milliers d’années d’ ancienneté au dragonnier d’Orotava, au châtaignier de l’Etna, à l’arbre de la Vierge en Égypte, aux cèdres du Liban, aux wellingtonia de Californie, aux eucalyptus de Tasmanie, aux baobabs du Sénégal, etc. Mais ces estimations sont fondées sur de simples conjectures, tandis que l’âge du bô sacré est fixé par les textes les plus authentiques que puisse exiger l’homme. M. J. Emmesson a choisi, dans la multitude des anciens textes, 25 extraits relatifs à ce vétéran de la végétation depuis l’arrivée du rameau à Ceylan jusqu’au dernier roi de Kandy, le Radjah Sinha, qui, en 1739, fit écrire sur un roc qu’il avait voué certaines terres à l’arbre sacré.
Aujourd’hui, le bô d’Anuradhapura n’offre plus qu’une ruine végétale au milieu des innombrables ruines des monuments qui l’entourent. Ses branches sont soutenues à l’aide de gros piliers, le tronc est étançonné par des ouvrages de maçonnerie formant une sorte de pyramide dont la hauteur s’accroit de siècle en siècle, Des autels sont dressés tout autour et les pèlerins y déposent leurs offrandes. L’arbre est enfermé dans un enclos. Pour pénétrer dans l’enceinte sacrée, on franchit le porche d’un temple auquel sont attachés les prêtres chargés de l’entretien du bô. M. Leclercq a emporté un souvenir de sa visite, une feuille offerte par un des prêtres à robe jaune, moyennant une roupie. La feuille est de la grandeur de la paume de la main, en forme de cœur, assez semblable à une grande feuille de bouleau ; sa tige est si mince qu’elle s’agite constamment comme la feuille du tremble. C’est, disent les croyants, qu’elle se réjouit d’avoir donné son ombre à Bouddha.
Cet arbre de vingt-deux siècles authentiques me laisse tout de même un peu rêveur. Est-ce bien possible, même pour un arbre sacré ? Vingt-deux siècles ! Après tout dans le pays des fakirs, tout n’est-il pas possible ?