On peut lire dans tout calendrier : 24 juillet, j. c, et 26 août, f. j. c. Ce qui signifie que les jours caniculaires commencent le 24 juillet et prennent fin le 26 août. Le calendrier ne se sera pas trompé cette fois. La canicule ne passera pas inaperçue en 1893. Elle a débuté gentiment, avec des températures anodines de 23 à 26° ; puis tout à coup le thermomètre s’est élevé à 28°, 29°, 30°, et nous avons eu 35° à Paris le mercredi 9 août, puis encore 38° le 17 août et enfin 36°5 le 18 août. Dans le Midi, on a noté 27 et 28° à la même date et la sécheresse est revenue intense. Chaleurs vraiment caniculaires. Il faut remonter au 8 août 1802, au 18 août 1842 et au 19 juillet 1881 pour avoir des températures équivalentes de 36° et de 37° à Paris. Donc, la canicule a été sérieuse.
L’expression « canicule » est répandue ; l’origine est moins connue. La canicule comprend la période des grandes chaleurs de l’année qui survient d’habitude de la fin de juillet au milieu d’août. Quant au mot, il est très ancien et remonte, paraît-il, à 2782 ans avant J.-C. Il nous a été donné par les Égyptiens. On sait le rôle capital que les anciens Égyptiens faisaient jouer à l’étoile si éclatante de Solh ou Solhôs ou Sirliad, d’où Sirius, qui se trouve dans la constellation du Grand Chien (Canis). C’est par les levers et les couchers héliaques [1] de Sirius que les astronomes du temps fixaient la période solhiaque dont la durée était de 1461 ans. L’année civile des Égyptiens était égale à 36S jours, ce qui les obligeait à perdre un quart de jour. Tous les quatre ans, l’année perdait un jour entier. Aussi, après la période solhiaque, tous les 1460 ans, on comptait 1460 quarts de jour en moins, soit une année. On remettait les choses au point eu ajoutant une année nouvelle ; les 1460 années solaires faisaient 1461 années égyptiennes, et le cycle caniculaire recommençait, En ce temps-là Sirius se levait au coucher du soleil vers juin-juillet. La période de grande chaleur en Égypte et le débordement du Nil survenaient à la même époque. Sirius et la constellation du Chien brillaient au ciel dès la chute du jour. De là la dénomination de jours caniculaires et de canicule. Maintenant, par suite du mouvement de précession de l’équinoxe, tout est changé et Sirius ne se lève plus qu’en décembre. La canicule des Égyptiens nous vient en plein hiver. Le nom n’en est pas moins resté aujourd’hui comme autrefois à la période estivale de chaleur maximum. Encore est-il qu’il était bon de faire remarquer que, si les choses n’ont pas changé sur la terre, la vieille expression si connue tombe à faux et n’a plus de raison d’être. Henri de Parville