Examinant les nombres annuels de jours de brouillard notés à l’Observatoire du parc Saint-Maur depuis 1876, MM. Brazier et Perdereau (La Météorologie, juillet 1935) ont constaté une forte différence entre les nombres actuels et ceux qui correspondent aux premières années d’observation. Alors que la première moyenne décennale était seulement de quarante-trois jours, la dernière, atteint cent un jours. Or, une telle augmentation ne peut être considérée comme résultant d’une cause atmosphérique générale, puisque les observations faites à Châteaudun n’accusent pas un accroissement progressif de la fréquence des brouillards, et que l’accroissement du nombre de jours de brouillard à Paris, signalé par M. Besson, ne parait pas s’être produit à la même époque, ni suivant la même loi. Il faut donc admettre que pour des causes d’origine locale, la pureté de l’atmosphère de Saint-Maur a subi une notable altération depuis la fondation de l’Observatoire.
Comme beaucoup de manifestations de l’activité humaine ont pour résultat d’amener dans l’atmosphère des particules qui peuvent servir de noyaux de condensation, MM. Brazier et Perdereau ont comparé les nombres d’habitants à Saint-Maur, fournis par les recensements successifs effectués depuis 1876, avec la moyenne des jours de brouillard observés pendant les cinq années entourant la date de chaque recensement. Les comparaisons faites montrent que, tandis que la population a subi en gros un accroissement proportionnel au temps, les moyennes quinquennales des jours de brouillard ont oscillé autour d’une valeur constante jusqu’en 1906. C’est seulement à partir de cette date, où le nombre des habitants avait déjà dépassé le triple de ce qu’il était en 1876, que l’on a constaté une augmentation nette de la fréquence des brouillards, lente d’abord, mais dont la rapidité s’est accentuée à partir de 1916.
L’état hygrométrique moyen n’ayant pas varié sensiblement au Parc-Saint-Maur depuis le début des observations, la multiplication du nombre des jours de brouillard ne peut s’expliquer par une augmentation de l’humidité de l’air mais, plus vraisemblablement, par un accroissement du nombre des particules en suspension dans l’atmosphère, particules qui jouent le rôle de noyaux de condensation pour la vapeur d’eau. Les comparaisons faites montrent en effet que, non seulement l’atmosphère des environs de l’Observatoire contient en suspension un nombre de particules beaucoup plus important qu’autrefois, mais encore qu’une bonne part de ces particules possède la propriété de condenser la vapeur d’eau avant que la saturation soit atteinte. La pollution semble s’être particulièrement développée au cours de l’année 1922.
« Il serait intéressant, ajoutent les auteurs, de connaître l’origine et la nature des particules qui altèrent la pureté de l’atmosphère de Saint-Maur. Mais à cet égard les procédés de la statistique ne peuvent fournir que des indications assez vagues et, faute d’expériences directes, on doit se contenter presque uniquement d’hypothèses. Est-ce la multiplication des fumées émanées des foyers domestiques qu’il faut incriminer ? Doit-on invoquer une augmentation de l’activité industrielle dans les parages de l’Observatoire ? Ne serait-ce pas le développement intense de la traction automobile dans les années qui ont suivi la guerre qui aurait amené cl qui entretiendrait dans les couches d’air oit ’nous respirons de nombreux centres de condensation plus ou moins hygroscopiques fournis tout à la fois par les gaz d’échappement des moteurs et les poussières soulevées par le passage des véhicules ? Toutes ces causes doivent avoir eu leur part dans l’altération que nous avons mise en évidence. »
Ils ajoutent : « Si nos déductions sont exactes, la pollution de l’atmosphère doit être malheureusement considérée comme acquise. Le degré auquel elle est parvenue représente en effet unie sorte d’état d’équilibre entre la vitesse avec laquelle l’air se purifie par le jeu des phénomènes naturels et celle avec laquelle les particules qui altèrent sa pureté y sont déversées. Pour qu’un retour en arrière pût se produire, il faudrait, soit que la vitesse de pollution diminuât, ce qui ne paraît pouvoir s’obtenir que par une limitation des manifestations de l’activité humaine qui la produisent, soit que l’on trouvât le moyen de venir en aide à là nature et d’activer son action purifiante par des procédés dont l’étude ne saurait être trop encouragée. »