La pluie en France — Les villes où il pleut le plus et celles où il pleut le moins

Jean-Raymond Plumandon, La Nature N°1238 — 20 Février 1897
Mardi 12 janvier 2010 — Dernier ajout jeudi 15 août 2024

Jean-Raymond Plumandon, La Nature N°1238 — 20 Février 1897

Tout le monde a pu remarquer que le phénomène de la pluie est fort variable [1] suivant les localités que l’on considère. En France, il pleut souvent dans certaines régions, rarement dans quelques autres. Quand la pluie tombe, ici elle est très faible ; là, elle est tellement forte qu’elle occasionne des désastres. Le même département présente quelquefois ces grandes différences de fréquence, d’intensité ou d’abondance. Il est donc difficile de caractériser une région tout entière, sous le rapport de la pluie, d’après les mesures effectuées dans une seule station pluviométrique. Il faut un très grand nombre de stations quand la surface territoriale à étudier possède une vaste étendue. En toute rigueur même, les résultats obtenus ne devraient s’appliquer qu’à la localité qui les a fournis.

Le service pluviométrique organisé en France a cependant permis de reconnaître qu’il y a dans notre pays huit régions qui offrent ordinairement des maxima principaux de pluie : ce sont celles qui avoisinent les Pyrénées occidentales, les Cévennes, les Alpes, le Jura, les Vosges, le Plateau Central, les monts du Morvan et ceux de la Bretagne. Cela confirme le principe, déjà souvent vérifié, que la pluie augmente avec l’altitude. Dans nos plaines du Nord-Ouest et du Nord, la hauteur annuelle de pluie reste quelquefois au-dessous de 500 millimètres, tandis qu’elle dépasse souvent 2 mètres dans les stations élevées de nos départements montagneux.

Toutefois, si le principe est vrai d’une manière générale, il souffre aussi de nombreuses et importantes exceptions. C’est ainsi qu’à Vialas, dans le département de la Lozère et dans le bassin de l’Ardèche, à 522 mètres seulement d’altitude, il tombe, annuellement et en moyenne, 1655 millimètres de pluie, alors qu’on en constate seulement 952 millimètres à Florac, qui est situé à 25 kilomètres de distance, dans le même département. et à 551 mètres d’altitude. Bien plus, Bayonne reçoit 1255 millimètres d’eau pluviale, soit 500 millimètres de plus que Florac, et 400 millimètres de moins que Vialas, quoique son altitude ne soit que de 12 mètres. Dira-t-on que Bayonne est située tout près de la mer, et au pied des Pyrénées ? On pourra répondre que Perpignan se trouve dans une situation absolument analogue, à 32 mètres d’altitude, et qu’on y relève à peine 546 millimètres d’eau de pluie, c’est-à-dire moins de la moitié de la quantité recueillie à Bayonne.

On trouve des anomalies de même ordre si l’on étudie avec quelques détails la fréquence de la pluie. En général la pluie est plus fréquente à mesure que le relief du sol augmente ou qu’on se rapproche de la mer, mais les exceptions sont aussi remarquables que dans le cas précédent. À Bordeaux, il y a 205 jours de pluie par an, tandis qu’on n’en compte que 142 à Lorient, 125 à Bayonne, 89 à Perpignan, et 131 à Bagnères-de-Bigorre, dont l’altitude atteint 553 mètres.

La quantité de pluie n’est même pas toujours en rapport avec le nombre des jours pluvieux. Vialas, qui compte 94 jours de pluie, Nantua qui en a 136, Gérardmer qui en subit 147, fournissent respectivement 1653, 1254 et 1550 millimètres d’eau ; tandis que les 205 jours pluvieux de Bordeaux n’en produisent que 764 millimètres.

Toutes ces singularités, que l’on pourrait croire créées par le hasard ou par des conditions absolument locales, relèvent cependant au premier chef de causes générales que nous connaissons encore imparfaitement, mais que nous faisons plus que soupçonner, Il est bien certain que si la topographie environnante joue quelquefois un rôle important dans le régime pluvial d’une localité, il faut aussi lui adjoindre l’influence primordiale qui appartient à la situation géographique de cette localité, c’est-à-dire à la position qu’elle occupe par rapport aux trajectoires ordinaires des dépressions atmosphériques, grandes ou petites.

D’après ce que nous venons de dire, on reconnaîtra qu’on se heurte à de grandes difficultés quand on cherche à tracer exactement une carte pluviométrique dans laquelle les hauteurs de pluie seraient représentées par des courbes continues. Mais il est relativement facile de dresser une carte sur laquelle on se contentera d’inscrire, près des localités importantes, les quantités annuelles de pluie et les nombres annuels de jours de pluie qu’on a observés, en moyenne, dans ces localités. C’est un projet que nous avons commencé à mettre en exécution, d’après les observations publiées par le Bureau central météorologique, pour près de 2000 stations réparties dans toute la France. Nous extrayons des préliminaires de ce travail les deux tableaux suivants qui représentent les villes d’une certaine notoriété où il pleut le plus et celles où il pleut le plus souvent.

ABONDANCE DE LA PLUIE
LocalitésAltitudesQuantités de pluieNombre de jours de pluie
Gérardmer 685 mètres 1550 mm 147
Pontarlier 823 1370 143
Nantua 484 1254 136
Bayonne 12 1253 125
Chambéry 283 1210 142
Bagnères-de-Bigorre 553 1178 131
Château-Chinon 540 1169 142
Tulle 246 1120 143
Besançon 251 1092 159
Aurillac 666 991 135
FRÉQUENCE DE LA PLUIE
LocalitésAltitudesNombre de jours de pluieQuantités de pluie
Bordeaux 74 mètres 205 764mm
Brest 56 189 960
Clermont-Ferrand 388 169 618
Pontarlier 823 163 1370
Le Havre 89 159 911
Besançon 251 159 1092
Cherbourg 20 158 873
Epinal 333 157 979
Bar-le-Duc 186 156 946
Gérardmer 683 147 1550

Ce premier résultat a été déduit d’une statistique comprenant cinquante stations et quinze années d’observations (1880-1894). S’il n’atteint pas l’exactitude que nous obtiendrons plus tard pour notre carte, il doit s’en écarter très peu, car nous avons choisi les cinquante stations utilisées dans les régions qui présentent habituellement des maxima de pluie, tant sous le rapport de la quantité que sous celui de la fréquence.

Nous donnons ci-dessous un second tableau, qui concerne quelques-unes des principales villes de France et qui permet de faire quelques comparaisons intéressantes avec les deux précédents [2] :

Villes Altitudes Quantités annuelles de pluie Nombres annuels de jours de pluie
Paris 56 mètres 481mm 136
Lyon 175 739 146
Marseille 74 547 72
Bordeaux 74 764 205
Toulouse 194 642 124
Cherbourg 20 873 158
Besançon 251 1092 159
Le Havre 89 911 159
Saint-Etienne 550 741 117
Brest 56 960 189

Au premier examen des tableaux on voit que c’est Bordeaux qui compte le plus grand nombre de journées pluvieuses ; Brest vient ensuite, et Clermont-Ferrand en troisième ligne. C’est cependant cette dernière localité qui reçoit le moins d’eau pluviale après Marseille et Paris. Enfin on peut encore constater que Marseille a trois fois moins de jours pluvieux que Bordeaux, et qu’elle est, parmi les villes que nous avons considérées, celle où il pleut le moins et le moins souvent.

Pour terminer, nous ferons remarquer que nous avons volontairement laissé de côté les observatoires installés au sommet des montagnes, à cause de leur situation exceptionnelle, dans des endroits peu habités. Nous ajouterons cependant, pour achever de caractériser d’une manière sommaire la répartition des pluies en France, que les quantités d’eau pluviale, ainsi que les nombres de jours pluvieux enregistrés par ces observatoires, ne dépassent guère les valeurs atteintes dans quelques stations de moyenne altitude. Le sommet du mont Ventoux, qui s’élève à 1900 mètres, a 108 journées pluvieuses qui fournissent 1544 millimètres d’eau. Le Pic-du-Midi, dont l’altitude atteint 2859 mètres, reçoit seulement 1541 millimètres d’eau répartis sur 185 journées. Enfin le Puy de Dôme, dont la cime ne dépasse pas 1465 mètres, est l’observatoire qui subit le plus grand nombre de jours de pluie ou de neige : on en compte 256 qui donnent en moyenne 1586 millimètres d’eau météorique.

Jean-Raymond Plumandon, Météorologiste à l’Observatoire du Puy de Dôme.

[1sur ce point, vous pouvez également lire : Variation annuelle de la pluie, Jean-Raymond Plumandon La Nature N°1264 — 21 août 1897 et, si vous êtes convaincus qu’on avait jamais vu un été aussi pourri, l’article Au mois d’août 1931 est fait pour vous.

[2En complément à l’article : Un tableau regroupant les informations de pluviométrie moyenne actuelle pour 46 grandes agglomérations françaises pour la période 1961-1990 d’après les informations lues sur Infoclimat.fr et Météofrance

{{}} Ville Hauteur de pluie Nb de Jours de pluie Durée
d’insolation

(heures /an)
Nb J
avec faible
ensoleillement
Nb J
avec fort
ensoleillement
1 Biarritz 1483 143 1877 130 69
2 Aurillac 1232 135 2084 126 103
3 Besançon 1138 140 1797 152 69
4 Pau 1133 130 1852 134 72
5 Brest 1109 155 1492 164 38
6 Limoges 1049 136 1860 146 78
7 Grenoble 965 110 2020 126 84
8 Mont de Marsan 948 126 1852 128 61
9 Bordeaux 923 125 1992 115 75
10 Deauville 870 138
11 Lyon 843 107 1932 136 75
12 Bastia 835 68 2533 70 115
13 Nice 803 63 2668 66 142
14 Dieppe 799 129
15 Nantes 788 118 1690 142 49
16 Rouen 785 131 1518 168 39
17 Millau 779 101 2121 125 102
18 Metz 766 124 1605 167 49
19 Albi 761 106 2077 119 94
20 Nancy 759 124 1638 163 53
21 La Rochelle 755 115 2055 116 77
22 Dijon 744 115 1789 147 66
23 Bourges 739 119 1787 147 63
24 Saint-Auban 738 77 2758 65 160
25 Alençon 735 119 1615 157 48
26 Orange 722 69 2596
27 Caen 711 123 1624 151 39
28 Le Havre 709 125
29 Saint-Etienne 706 98 2007 124 83
30 Tours 694 113 1799 145 62
31 Cherbourg 688 119 1596 169 31
31 Carcassonne 688 92 2106 113 88
33 Lille 686 121 1617 157 42
34 Toulon 685 61 2793 64 160
35 Dunkerque 676 118
37 Toulouse 655 146 2010 121 81
36 Montpellier 655 60 2618 77 142
38 Rennes 649 115 1626 150 41
39 Paris 641 111 1630 156 47
40 Ajaccio 640 72 2726 64 150
41 Orléans 637 113 1710 151 54
42 Strasbourg 610 111 1633 167 53
43 Avranches 607 119
44 Clermont-Ferrand 592 90 1898 133 69
45 Marseille 555 56 2801 63 161
46 Perpignan 547 56 2392 86 114

Cela permet de comparer les variations pluviométriques de ces villes sur les périodes (1880-1894) et (1961-1990). (cf. La pluie à Nice, Jean-Raymond Plumandon, La Nature N°1414 - 30 juin 1900)

CLIMATOLOGIE DE FRANCE (1961-1990) regroupe des cartes de météofrance donnant pluviométrie, ensoleillement et vent par mois et moyenne annuelle

La région la plus pluvieuse d'Europe - Petit article publié dans le numéro du 30 janvier 1906 de la Revue Générale des Sciences Pures et Appliquées Pluies intenses - Nombre de jours sur la période 1979-2008 avec les précipitations au moins égales à 100mm en 24h. Document Météofrance Pluviométrie de la France et d'une partie de l'europe - Carte extraite du « Monde Physique » T. 5 de Amédée Guillemin

Vos témoignages

  • bjr ou pleut il 365 jour par an en bretagne ??? merci

  • Comment peut on connaitre le nombre de jours annuel de pluie sur une journéee entière .Car, je pense que dans votre tableau, un jour supplémentaire est compté même si il ne pleut que 2 heures ! ! !

    • Bonjour,

      Les météorologues comptent comme jour de pluie, non pas la durée de pluie dans la journée mais la quantité. Est compté comme jour de pluie toute journée où la hauteur de pluie tombée est supérieure à un millimètre. Pour le reste, ils s’intéressent à l’ensoleillement en comptabilisant le nombre d’heure de soleil dans une journée.

  • Existe t’il des relevés en fonction des horaires ? Je serai intéressé de savoir si le lever ou le coucher du soleil à une influence sur les précipitations. Peut-on constater des heures creuses ? Y a-t’il une répartition des pluies dans la journée ? (A l’aube, début de journée, ou la nuit par exemple)

  • Article intéressant ! J’ai tout de même relevé quelques points qui demandent des précisions : Quelques écart dans les données pour une même ville et selon les tableaux : par ex dans l’avant dernier tableau il est indiqué 547mm de précipitation annuelle pour Marseille et 72 jours de pluie alors que dans le dernier tableau (données des 45 plus grandes villes de france) il est donné 555mm et 56 jours de pluie (??) Ensuite pour ce dernier tableau je ne comprends pas la signification de la petite case après celle qui concerne le nombre de jours de pluie par an. Je pensais à une moyenne mensuelle comme ça à l’air d’être le cas pour la colonne précédente (quantité annuelle/quantité mensuelle) En tous cas merci pour ces précisions !

    • Attention ! le grand tableau donné en annexe contient des valeurs modernes ( 1961-2000), alors que les autres tableaux ont été dressés par Jean-Raymond Plumandon en 1897 d’après les relevés effectués sur la période 1880-1894. Dans les deux cas, ce ne sont que des valeurs moyennes sur des périodes relativement courtes. Il faut ajouter à cela que bon nombres de stations météo ont été déplacée depuis la fin du XIXè siècle.

  • * Bonjour à tous

    Est-il permis, de compléter si cela est possible cet article passionnant, au sujet de la valeur des précipitations relevées à l’Observatoire du Puy de Dôme comme étant les plus importantes. C’est ignorer celles du Mont Aigoual guerre plus haut (1565 m ) dont voici le tableau fournis par Météo France et emprunté au site Wikipédia. Période 1971 à 2000

    Relevé météorologique du Mont Aigoual, 1565 m (normales 1971-2000)

    mois jan. fév. mar. avr. mai jui. jui. aoû. sep. oct. nov. déc. année
    Température minimale moyenne (°C) -3,6 -3,6 -2,4 -0,8 3,4 6,7 9,9 10,1 7,2 3,5 -0,7 -2,4 2,3
    Température maximale moyenne (°C) 0,8 0,7 2,4 4,2 8,8 12,7 16,4 16,3 12,7 9,1 3,9 2,3 7,5
    Précipitations (mm) 216,1 168,2 135,2 180,4 173,4 107,9 59,4 78,1 167,1 288,8 243,5 227,6 2 045,6

    Source : Météo France

    • Je me permets de vous faire remarquer que Jean-Raymond Plumandon, l’auteur de l’article, n’écrit pas que c’est à l’observatoire du Puy-de-Dôme qu’il pleut le plus mais, je site, « …le Puy de Dôme, …, est l’observatoire qui subit le plus grand nombre de jours de pluie ou de neige : on en compte 256 … »

  • Bonjour, Tableaux de fréquences, et abondances : Pontarlier : 143 ou 163 jours de pluie ? personnellement j’aurais tendance à dire 163, à vérifier ! merci

  • Est ce une erreur de saisie ou y a-t-il un complot de manipulation des stats par la mafia de Gironde ? Pour Bordeaux, le dernier tableau donne 135 jours de pluie annuels contre 205 dans 2 autres. Différence moindre sur la quantité.

    • Vous faites bien de relever ce point. Étant donné que cette valeur est reprise dans le corps de l’article, l’hypothèse de l’erreur de typo peut être écartée.

      • 205 est la valeur fournie par La Nature N°1238 du 20 Février 1897 pour la période 1880-1894.
      • 125 est la valeur fournie par MétéoFrance pour la période 1961-1990.

      Je ne peux proposer que trois hypothèses :

      1. La station météo de Bordeaux a été déplacée.
      2. Il a plu beaucoup plus souvent dans la période 1880-1894 que durant la période 1961-1990 qui a permit de construire le tableau présenté en annexe.
      3. La définition météorologique d’un jour de pluie a changé depuis 1897.
  • Merci beaucoup pour cet article et ce travail de synthèse ! Petite précision concernant Saint-Etienne. Les chiffres publiés dans cet article sont en fait ceux de l’aéroport de la ville (Andrézieux-Bouthéon) situé 15km au NO de la ville. Et entre l’aéroport et la ville il y a régulièrement des différences de pluviométrie. Sur la période 1973/2002, la pluviométrie annuelle moyenne de la ville s’élève à 864mm contre 713mm à l’aéroport (Andrézieux-Bouthéon). Soit 150mm d’écart en moyenne à l’année. De plus, l’aéroport ne s’élève qu’à 400m d’altitude contre 588m pour la station de mesure de la ville.

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