Célèbre fondateur de la chimie moderne ; né à Paris, le 26 août 1743, décapité le 8 mai 1794. Son père, qui possédait une fortune assez considérable, acquise dans le commerce, l’avait placé au collège Mazarin où il fit de brillantes études. Le voyant animé d’un zèle ardent pour les sciences, il eut le bon esprit de lui laisser la libre disposition de son temps et le choix de sa carrière ; Le jeune Lavoisier fut initié aux sciences vers lesquelles il se sentait porté : Lacaille lui enseigna les mathématiques et l’astronomie ; il travaillait dans le laboratoire de Rouelle au jardin des plantes ; il accompagnait Bernard de Jussieu dans ses herborisations ; il assistait Guettard dans ses excursions géologiques. Il ne vivait pour ainsi dire qu’avec ses maîtres, se soustrayant aux exigences de la société. Aussi, dès l’âge de vingt-et-un ans fut-il à même de concourir pour un prix académique relatif à l’éclairage de Paris. C’est à cette occasion qu’il s’enferma durant six semaines dans une obscurité complète, pour donner à la vue la plus grande sensibilité afin de mieux juger la différence des lumières des lampes, Son mémoire fut récompensé d’une médaille d’or et imprimé par ordre de l’Académie.
Après divers mémoires sur les couches des montagnes, sur l’analyse des gypses des environs de Paris et plusieurs articles sur le passage de l’eau à l’état de glace, sur le tonnerre, sur les aurores boréales, etc., il fut admis à l’Académie (1768). Le titre d’académicien fut pour lui un encouragement plutôt qu’une récompense. La chimie devint dès lors son étude favorite, et pour se livrer à ses goûts et subvenir aux frais d’expériences coûteuses qu’il projetait, il demanda et obtint, en 1769, une place de fermier général ; en 1771, il épousa la fille d’un fermier général, Mlle Paulze, qui lui assura un revenu de près de 80,000 livres. Dès lors ; il put entreprendre ses longues expériences qui devaient le conduire à la rénovation de la chimie. Tout en donnant la majeure partie de ses journées à ses devoirs d’administration, il consacrait, tous les soirs, plusieurs heures à ses expériences de chimie, à ses projets de réforme d’une science encombrée de faits contradictoires et inextricables, Trois grands problèmes connexes avaient fixé l’attention de Lavoisier : la nature de l’air, l’augmentation de poids des métaux par la calcination et l’insuffisance de la théorie du phlogistique. Dès 1770, il avait quelque raison de croire que l’air n’est pas un corps simple, que les métaux absorbent pendant leur calcination une partie de l’air et que la théorie du phlogistique est une erreur. Pendant douze ans, il travailla sans relâche à ces problèmes, dont la solution complète devait servir de base à sa théorie ; mais il ne voulait émettre ses idées que quand ses preuves seraient irréfutables.
En 1772 (date qu’il a pris soin de conserver par un pli cacheté déposé à l’Académie), il établit nettement que les corps, en brûlant, augmentent de poids par suite de la combinaison, de la fixation d’air et qu’on peut faire reparaître sous sa forme première. Mais il attendit jusqu’en 1783 pour exécuter la théorie du phlogistique. C’est dans cet intervalle qu’il publia plus de quarante mémoires relatifs à l’établissement de sa doctrine et qu’il en remplit les mémoires de l’Académie. Enfin, il fit paraître ses réflexions sur le phlogistique, travail où il résume toute sa doctrine, attaque celle de son adversaire et l’écrase sous le poids de ses preuves irréfutables et de sa logique inexorable. Pour lui, tous les phénomènes de la chimie sont dus à des déplacements de matière, à l’union ou à la séparation des corps : rien ne se perd, rien ne se crée, la matière étant indestructible ; voilà sa devise : tous les corps se transforment sans rien perdre de leur poids ; c’est la pierre angulaire de son système. A ces idées théoriques, il joint l’emploi constant et judicieux de la balance qui devient, en ses mains, un puissant instrument de contrôle, une sorte de réactif infaillible. Devant les hommes les plus éminents de la science, qu’il réunissait tous les dimanches chez lui, on discutait en commun, et les expériences s’exécutaient presque aussitôt dans le laboratoire. Citons les principaux travaux de Lavoisier : la découverte de l’oxygène, qu’il fit en même temps que Priestley, mémorable expérience dans laquelle il réalisa successivement l’analyse et la synthèse de l’air (1777), et sépara l’air vital de l’azote ; la propriété que possède l’oxygène d’engendrer des acides ; la découverte des propriétés et la composition, par synthèse, de l’acide carbonique par la combustion du diamant. Le phénomène de l’augmentation du poids des métaux par la calcination, était connu avant Lavoisier, mais lui seul a su en voir la portée et en faire sortir une brillante interprétation pour l’établissement de sa doctrine. Il a montré, en effet, que dans toute calcination des métaux, dans toute combustion, un gaz provenant de l’air se combine avec le corps brûlé ; et c’est pour reconnaître la nature de ce gaz, qu’il fit l’analyse de l’air qui le conduisit à la découverte de l’oxygène et à la composition de l’acide carbonique, tandis que Priestley, qui avait de son côté découvert l’oxygène, n’avait tiré aucune conséquence de ce fait. Lavoisier couronna son œuvre en décomposant l’eau par le fer ; il en fit ensuite la synthèse. Il trouva que l’eau est formée de 12 volumes d’oxygène et de 23 d’hydrogène (au lieu de 24 qui est le nombre exact). Comme conséquences des résultats précédents, il donna l’explication des phénomènes chimiques de la respiration, de la combustion et de la fermentation. Il établit d’une manière rigoureuse, que dans cette dernière opération l’alcool et l’acide carbonique qui prennent naissance aux dépens du sucre, correspondent exactement au poids du sucre lui même. Enfin il créa, avec Guyton de Morveau, la nomenclature chimique qui venait compléter son œuvre ; ses derniers travaux avaient pour objet la respiration et la transpiration des animaux. Il recueillit sa doctrine dans son Traité de chimie, 2 in-8°, 1789, ouvrage qui eut un grand succès dans toute l’Europe .. Partout on professa les idées du chimiste français, la doctrine pneumatique ou antiphlogistique ; quelques années après, le phlogistique tombait dans l’oubli.
Indépendamment de ses découvertes en chimie, Lavoisier fit aussi, en physique, des travaux remarquables qui se rattachent à sa doctrine et la complètent. En 1780, il fit avec Laplace, des expériences de précision (à l’aide du calorimètre) sur la chaleur spécifique du corps, les premières sur ce sujet : puis sur les chaleurs latentes et sur la détermination des coefficients de dilatation des corps solides.
C’est ainsi que par cet ensemble de travaux concourant au même but, Lavoisier a fondé, sur des bases solides, sa célèbre doctrine qui a eu pour conséquence les immenses progrès accomplis en chimie depuis un siècle.
Il a aussi publié un traité de la richesse territoriale de France, ouvrage dont l’Assemblée Constituante décréta l’impression aux frais de l’État.
Le 2 mai 1794, tous les fermiers généraux furent mis en accusation sur des motifs ridicules. Lavoisier, qui s’était d’abord caché pendant quelques jours, ayant appris que M. Paulze, son beau-père, et les vingt-huit autres fermiers généraux étaient arrêtés, alla se constituer prisonnier. Le 6, un arrêt du tribunal révolutionnaire les condamna tous en masse à la peine capitale. On dit que Lavoisier demanda un sursis pour terminer quelques travaux qui pouvaient être utiles à la Nation ; « La France n’a pas besoin de chimistes » répondit un de ses juges, et le 8 mai Lavoisier montait à l’échafaud. Cette mort, dans de telles circonstances, après les services que Lavoisier avait rendus et ceux qu’il pouvait rendre encore, à l’âge de cinquante-et-un ans, est une tache ineffaçable pour la Révolution. Le lendemain, le mathématicien Lagrange, apprenant cette mort, s’écriait en frémissant d’indignation : « Un instant leur a suffit pour faire tomber cette tête, et cent ans ne suffiront pas pour en produire une pareille. »
On n’a pas érigé de statue à Lavoisier, et il ne reste de lui qu’un portrait peint par David. Mais un monument digne de lui a été élevé par les soins de M. Dumas, de l’Académie des sciences, c’est la publication, aux frais de l’État, de ses œuvres complètes, en 3 vol. in-4° avec planches.
Le 1er volume, publié en 1864, contient le Traité de chimie, les Opuscules physiques et chimiques ; le 2e, paru en 1862, renferme les Mémoires de physique et de chimie ; le 3e, publié en 1865, contient les Mémoires et rapports sur divers sujets de chimie et de physique pure et appliquée à l’histoire naturelle générale et l’hygiène publique,
C. Decharme