On sait que l’amiante est une matière minérale naturelle de nature fibreuse et soyeuse qui est susceptible d’être tissée. La propriété que possède celte substance d’être incombustible ou tout au moins de ne fondre que sous l’action d’un feu très intense, la rend particulièrement précieuse.
On peut, au moyen de l’amiante, confectionner des tissus ou des papiers incombustibles ; mais malgré l’intérêt que présentent de semblables produits, ils ont toujours été à peu près délaissés et sont tombés dans l’oubli.
Dans ces derniers temps, MM. Hamelle et A. FleuteIot ont fait revivre une industrie trop négligée en fabriquant à l’aide de la matière minérale dont nous parlons, un grand nombre de produits utiles. Avant de les faire connaître, rappelons la nature et les propriétés de l’amiante.
L’amiante, qui signifie inaltérable, ou l’asbeste, qui veut dire inextinguible, sont les désignations d’une même substance qui se rattache à une espèce minéralogique appelée trémolite ou grammatite (Haüy). Cectte substance minérale est formée de silice, de magnésie, de chaux, d’alumine et d’oxyde de fer ; elle se présente fréquemment sous forme de filaments flexibles, soyeux, dont la masse est aussi souple que l’étoupe de lin ou de soie. Cette matière étrange a de tout temps attiré l’attention par son incombustibilité, qui la distingue si nettement des matières organiques, auxquelles elle ressemble par ses caractères extérieurs.
« L’asbeste, dit M. G. Delafosse dans son Cours de minéralogie, n’est pas toujours blanc, souple et soyeux, comme celui que l’on désigne plus particulièrement sous le nom d’amiante. Il devient quelquefois dur, épais, coloré, et selon sa texture, sa forme et sa consistance, il prend les noms de bois, de liège, de cuir, de carton ou de papier fossiles. La variété d’amiante la plus belle et la plus recherchée est une substance blanche ou grise, qui se sépare en filaments déliés, soyeux, longs et flexibles, susceptibles de se filer à la manière du chanvre et du coton, sinon seuls, du moins lorsqu’on les mêle à une petite quantité de ces matières végétales qu’on fait ensuite disparaître en les brûlant. L’amiante résiste à la flamme de nos foyers ordinaires ; mais il fond quand on l’expose à un feu plus intense, celui du chalumeau par exemple. »
Les anciens connaissaient l’amiante, ils n’ignoraient point l’art de le tisser. Avec la toile d’amiante ils confectionnaient des linceuls, dans lesquels on faisait brûler le corps de ceux que la mort venait d’enlever. On en fabriquait aussi des nappes et des draps qu’il suffisait de jeter au feu quand ils étaient sales, remplaçant ainsi le bain de lessive par une flamme. — Les anciens avaient encore des lampes perpétuelles dont la mèche était formée d’un tissu d’amiante et dont la substance combustible provenait de sources de bitume.
L’amiante tapisse de ses filaments les fissures des roches magnésiennes, telles que les serpentines, les schistes talqueux et chloriteux. On en rencontre dam les montagnes de la Corse, en Savoie, dans le Piémont, en Italie, dans les Alpes du Saint-Gothard. On le trouve aussi très abondamment dans le Canada.
Pour donner une idée des applications auxquelles se prête l’amiante, il nous suffira d’énumérer les produits que MM. Hamelle et Fleutelot ont soumis à notre appréciation :
1° Échantillons d’amiante naturel du Canada, d’Italie fibreux et vitreux. — C’est l’amiante du Canada de nature fibreuse et soyeuse qui donne les meilleurs résultats et permet la filature et le feutrage (voy. fig. n°1). - L’amiante d’Italie (n° 2) se file difficilement ; l’amiante vitreux n’a aucune consistance et se pulvérise sous le doigt, il ne semble pas devoir être utilisé.
2° Amiante en corde nattée pour presse-étoupe de machine à vapeur. — Cette corde remplace le bourrage d’amiante de coton, qui n’a plus de consistance dès que l’enveloppe est détériorée par la vapeur (n°3).
3° Toile d’amiante pur. — Ce tissu est employé pour la filtration des acides (n°4). Il sert aussi comme mèche incombustible dans plusieurs appareils et, entre autres, dans l’appareil Bourbon de Perpignan, pour la destruction du phylloxéra. Cette toile d’amiante pourrait être employée comme rideau dans les théâtres. L’emploi du rideau en toile métallique n’empêche pas la fumée de s’échapper et de produire l’asphyxie des spectateurs dans la salle. Avec un rideau en toile d’amiante on remédierait à ce grave inconvénient.
4° Carton amiante. — Ce carton sert à faire des joints pour machine à vapeur et tuyauterie en général. Il résiste à l’action de la chaleur et même en plein fourneau.
5° Feutre d’amiante. — Ce feutre est employé pour les rouleaux de calandre à Lyon : c’est M. GautiIlon, apprêteur de cette ville, qui, le premier, a eu l’idée d’appliquer ce feutre d’amiante aux rouleaux de calandre, lesquels ont besoin de résister à une température qui va quelquefois jusqu’à 300 degrés. Il sert aussi pour remplacer les feutres de laine dans certaines piles où les liquides acidulés détériorent promptement le feutre ou les tissus d’origine animale ou végétale. On fabrique aussi du mastic d’amiante pour des joints et des tubes.
6° Papier d’amiante. — Ce papier est très intéressant ; il offre l’aspect du papier ordinaire (n° 5), mais quand on le place dans une flamme, quand on le jette au milieu de charbons incandescents, il ne brûle pas : il reparaît avec sa blancheur primitive quand il est refroidi. On nous apprend que M. Glück, ingénieur civil, a trouvé une encre avec laquelle on peut écrire sur cc papier sans crainte que le feu le plus ardent ne détruise l’écriture. Il y aurait là des recherches Lien curieuses à entreprendre pour la confection des billets de banque, des titres, etc., qui se trouveraient protégés, dans certaines mesures, de l’action du feu. Nous répéterons ici qu’un feu violent pourrait les fondre et les vitrifier.
On voit que les applications de l’amiante sont très variées et que ce produit est capable de rendre bien des services à l’industrie.