L’ascension de longue durée du ballon « Le Zénith »

La Nature - N°97 - 10 Avril 1875
Vendredi 20 février 2009 — Dernier ajout mardi 6 février 2024

Si la science commence à entrevoir les lois qui président aux mouvements de l’Océan, c’est que des navigateurs ont sillonné la surface de ses eaux, dans leur étendue tout entière ; c’est que des observateurs ont jeté la sonde dans leurs abîmes, ont mesuré leur température à différentes profondeurs.

Si nous voulons connaître l’atmosphère qui enveloppe notre globe, qui règle le cours des saisons, qui entretient la vie, il faut procéder de la même façon ; il faut la parcourir sur de vastes étendues, le sonder de bas en haut, depuis la surface de Ia terre jusqu’à ses plus hautes régions.

De là, la nécessité de deux modes d’exploration par les aérostats : ascensions de longue durée, ascensions à grande hauteur.

Les expéditions aériennes des Biot et des Gay-Lussac, des Robertson, des Welsh, de MM. Barral et Dixie, de M. Glaisher, en Angleterre, ont glorieusement ouvert la voie de l’exploration scientifique de l’atmosphère. Dans ces dernières années un grand nombre d’autres voyages aéronautiques, ayant pour but d’étudier les phénomènes aériens, ont été exécuté, en France, notamment par MM. C. Flammarion,Wilfrid de Fonvielle, etc. ; des résultats intéressants ont été obtenus ; mais bien des obstacles, bien des entraves arrêtent l’observateur livré à ses propres ressources.

Depuis le siège de Paris, les aérostats ont particulièrement attiré les regards. Une société savante : la Société française de navigation aérienne a été fondée. Présidée l’an dernier par un des plus illustres membres de l’Institut, M.Janssen, qui, par ses grands travaux et sa mâle énergie, s’est assuré déjà l’admiration de la postérité ; présidée cette année par un autre membre de l’Académie des sciences, M. Hervé-Mangon, dont le rare dévouementà le science est connu de tous, dont le rôle si actif dans l’organisation de la poste aérienne, pendant la guerre, ne sera pas oublié, la Société de navigation aérienne a vite attiré dans son sein la plupart de ceux qui se préoccupent de l’aéronautique et de l’étude de l’atmosphère.

L’an dernier, c’est sous ses auspices que MM. Crocé-Spinelli et Sivel, ont exécuté ce magnifique voyage en hauteur, dont tout le monde connaît les résultats [1]

Grâce aux remarquables travaux physiologiques de M. Paul Bert, et à l’inhalation de l’oxygène [2], les intrépides et savants voyageurs ont pu, atteindre l’altitude de 7,300 mètres, et rapporter de leur expédition le fruit d’observations nombreuses et fécondes. Cette année, la Société de navigation aérienne a étudié un nouveau programme d’ascensions scientifiques : il a été décidé que deux voyages aériens seraient successivement exécutés a l’aide du ballon le Zénith cubant 3,000 mètres, et construit par M. Sivel : l’un de longue durée, l’autre de grande hauteur. Grâce au concours de l’Académie des sciences, de l’Association scientifique de France, de l’Association française pour l’avancement des sciences, de quelques savants éminents, MM. Dumas, Hervé-Mangon, Henry Giffard, docteur Paul Bert, Dupuy de Unie, docteur Hureau de Villeneuve, secrétaire général de la Société, d’Eichthal, docteur Marey, Houel, La valley, Duval, Mailly, Chabrier, etc., les conditions nécessaires à l’exécution de l’entreprise ont été rapidement assurées.

Le premier voyage du ballon le Zénith a répondu aux espérances de la Société de navigation aérienne ; il a eu lieu pendant 22 h. 40 m., dépassant ainsi de beaucoup la durée des Plus longues ascensions accomplies jusqu’à ce jour ; il a permis aux membres de l’expédition d’entreprendre, sans interruption, une série d’observations, et d’exécuter de nombreuses expériences.

Le départ a eu lieu le 23 mars, à l’usine à gaz de le Villette, où la Compagnie parisienne e fourni le gaz de l’éclairage nécessaire au gonflement. A 6 heures 20 minutes du soir, le ballon s’élève majestueusement dans l’espace, emportant dans sa nacelle les aéronautes désignés par la Société de navigation aérienne : MM. Sivel, Crocé-Spinelli, Albert Tissandier, Jobert et moi, 1100 kilogrammes de lest formé de sable fin, des instruments et des appareils de physique et de chimie.

Nous nous élevons dans l’atmosphère, traversant Paris, où des milliers de lumières scintillent comme les constellations d’un ciel étoilé ; nous passons lentement au-dessus du jardin des Tuileries, au-dessus du dôme des Invalides, et bientôt le spectacle de la grande métropole disparait à l’horizon, pour céder la place au tableau non moins majestueux de la campagne. Le soleil jette ses dernières feux sur les brumes lointaines, amassées en grandes nappes de vapeurs, l’obscurité se fait, et nos lampes de Davy, nous éclairent seules au milieu de la nuit. Après avoir mis en ordre la nacelle, rangé méthodiquement les sacs de lest, nous commençons à procéder à nos expériences.

M. Sivel, à qui nous devons, par son énergie, par son amour de le science , par son infatigable persévérance, le succès de l’ascension, s’occupe de déterminer la direction de notre roule, au moyen de la boussole et d’une cordelette longue de 800 mètres, qui traînant à terre, se dirige, toujours à l’arrière de la nacelle. M. Crocé-Spinelli, commence ses observations spectroscopiques, à l’aide de deux beaux appareils de modèle différent, qu’il doit à M. Duboscq. Jobert lance par dessus bord les imprimés, imaginés par lui, destinés à être recueillis à terre, et à étre renvoyés à Paris, avec les indications de la pression barométrique, de la température, de l’état du ciel, sur tous les points au-dessus de, quels a passé le Zénith . M. Albert Tissandier dessine, d’après nature, les paysages aériens, le déformation de la lune qui vient de paraître au-dessus des nuages. Quant à moi, je fais passer successivement 100 litres d’air, à l’aide d’un aspirateur à retournement, dans des tubes à pierre ponce imbibée de potasse, où l’acide carbonique absorbé, sera dégagé plus tard dans le laboratoire et dosé à l’état gazeux., par une nouvelle méthode que nous avons étudiée, M. Hervé Mangon et Moi (Nous décrirons prochainement cette nouvelle méthode,et et nous publierons les résultats obtenus qui nécessitent des dosages minutieux.)

Il faut, en outre, noter constamment la pression barométrique, dont une lampe des mines éclaire le cadran, inscrire la température qui, pendant la durée de la nuit, atteint le minimum de 4 degrés et demi au-dessous de zéro, prendre les degrés des deux thermomètres à boule sèche et à boule mouillée du psychromètre dont l’eau malheureusement ne va pas tarder à geler, mais que l’hygromètre à point de rosée de Regnault remplacera avec avantage ; il faut descendre de le nacelle un long fil de cuivre de 200 mètres, et y approcher fréquemment un électroscope à feuille d’or, pour relever l’état électrique de l’air ; il faut enfin considérer ce spectacle infini du ciel resplendissant, où l’étoile filante trace parfois sa courbe lumineuse, de le terre que les rayons argentés de la Lune éclairent d’une pâle lueur, et qui, par une illusion de la vision, se creuse sons le nacelle, en prenant l’apparence d’une immense lentille concave. Que de fois ne nous a-t-on pas dit, au retour de notre voyage, que la nuit devait être longue et le froid mordant. Jamais, au contraire, le temps ne s’est écoulé plus vite pour chacun de nous, jamais les heures n’ont été mieux remplies. Le ballon, grâce à l’habileté de M. Sivel, se maintient sur une ligne horizontale de 700 mètres à 1100 mètres d’altitude, et déjà nous sommes persuadés que notre séjour dans l’atmosphère sera prolongé.

Au moyen d’un appareil imaginé par un des membres les plus actifs de la Société de navigation aérienne, M. Penaud, et que MM. Crocé.Spinelli et Jobert font fonctionner, nous pouvons constamment déterminer, du haut des airs, la Vitesse de notre marche. Cet instrument est formé d’un limbe gradué au centre duquel se meut une alidade mobile autour d’un axe. lin observateur vise, sous un angle de 30°, un objet visible sur terre, dans le sens de la marche du ballon ; quand cet objet a passé sur la ligne de l’alidade, il remonte celui-ci à 60°, puis il attend que le même objet ait été exactement relevé une seconde fois. Un autre observateur a noté le temps écoulé entre les deux lectures ; à l’aide des deux angles, et connaissant en outre l’altitude, une simple formule trigonométrique permet de déduire la vitesse de l’aérostat. Cette expérience, exécutée à plusieurs reprises, a donné des chiffres très précis, comme on a pu le vérifier après l’expédition.

Nous parlerons tout à l’heure des résultats généraux de notre ascension ; continuons actuellement notre voyage qui s’exécute toujours par un vent N.-N..-E., dans le direction de la Rochelle et de l’Océan.

A 4h30 du matin, un spectacle grandiose va se présenter à nos yeux. La lune qui n’a pas cessé de briller dans l’azur du ciel, s’entoure d’un halo resplendissant, d’un cercle de feu, dû à la réfraction de la lumière à travers les paillettes de glace suspendues dans l’atmosphère ; ce cercle est blanc comme de l’argent, il se découpe sur un fond obscur, grandit à vue d’œil, en prenant bientôt l’aspect d’une ellipse. Peu à peu, une croix de lumière étend ses quatre branches autour de la lune et complète ce tableau étrange, plein de majesté, qu’ont admiré parfois les explorateurs des régions polaires. ( Voy. les gravures ci-contre.)

L’atmosphère offrait à ce moment un aspect particulier ; au-dessus de la terre une buée semi-transparente d’environ 500 mètres d’épaisseur avait diminué d’opacité au moment du lever de la lune, ce qui aurait déterminé une ascension de l’aérostat. Elle allait se dissiper complètement deux heures après le , lever du soleil. Quelques cirrus suspendus dans les hautes régions de l’air étaient très.visibles pendant la durée du halo et restèrent dans l’atmosphère, avec plus de persistance que le buée inférieure, jusqu’à 11h 1/2. En s’abaissant à l’horizon, ces cirrus prirent l’aspect d’une longue chaîne montagneuse couverte de pics glacés. Pendant quelques minutes même, l’illusion fut si complète, que nous crûmes voir apparaitre au loin le massif pyrénéen. Ajoutons enfin que d’autres cirrus très-élevés, se montrèrent encore dans le ciel vers trois heures de l’après-midi. Le halo et le croix lumineuse, qui ont graduellement apparu, disparaissent de même, lentement et progressivement ; la lueur se dissipe avec l’apparition du soleil, qui se montre bientôt au-dessus des nuées lointaines. La terre s’éclaire, et l’Océan ouvre au loin l’immensité de ses eaux. Nous sommes, en effet, en vue de la Rochelle, et à ce moment M. Sivel observe avec attention la direction du Zénith. Par bonheur le vent s’est relevé vers le nord et lance l’aérostat vers le sud. Nous allons pouvoir côtoyer le mer pendant de longues heures, nous en rapprocher et ne jamais le perdre de vue.

Aussitôt que le soleil a dépassé la ligne de l’horizon, l’atmosphère, toujours sécha à la hauteur de 1850 mètres où nous planons, en charge subitement d’électricité. Les feuilles d’or de l’électroscope approché de notre fil de cuivre. dévient en effet de 0m,06. La quantité d’électricité décroît successivement, pour devenir très-faible, jusqu’au moment où nous passerons au-dessus de le Gironde, qui réfléchit les rayons solaires avec intensité, et produit une élévation de température considérable.

Cette traversée du grand fleuve, exécutée à 10 heures du matin, en vue de le tour de Cordouan, est certainement un des moments les plus émouvants de notre voyage. Le Zénith s’engage sur la Gironde à l’endroit de sa plus grande largeur, il y passe majestueusement et n’atteint l’autre rivage que 55 minutes après. Pendant que nous planons au milieu du fleuve, des bateaux à voile en sillonnent la surface deux navires à vapeur eu descendent le cours, ils passent juste au—dessous de notre nacelle, et à ce moment ils font hisser trois fois leurs pavillons tricolores. Nous répondons à ce salut sympathique en agitant nos mouchoirs. Ce fleuve vu en plan, ces navires lilliputiens, ce phare de Cordouan, réduit à la proportion d’une épingle brillant sur un fond brumeux,cette onde jaunâtre que rident les vagues, se colorent par les tons chauds d’un beau soleil et forment un de ces tableaux délicieux, qui laissent dans l’esprit les impressions les plus humbles.

Pendant cette partie du voyage, nous avoua opéré le lancement successif des quatre pigeons voyageurs que nous avait confiés M. Cassier, un des colombophiles du siège de Paris. Le premier pigeon a quitté la nacelle à 9 heures du matin, les trois autres ont été lâchés avant et après la traversée de la Gironde. Le dernier pigeon ne s’est pas élancé immédiatement dans l’espace ; il est resté juché sur le bord de la nacelle, en proie à une hésitation très apparente. Les quatre oiseaux messagers se sont rapprochés de terre en décrivant de grands circuits dans l’atmosphère, mais aucun d’eux n’est revenu au colombier. Il est a présumer qu’ils auront été désorientés par l’influence d’une longue nuit passée dans les airs, et qu’en outre la distance qui les séparait de Paris était déjà trop considérable pour qu’ils aient pu retrouver leur chemin.

Après avoir traversé la Gironde, le vent qui nous entraine nous dirige vers l’étang de Carcans, que nous apercevons bientôt, et vers l’Océan, qui n’en est séparé que par une mince langue de terre. Heureusement que quelques feux, allumés à la surface du sol, au milieu des plaines marécageuses qui couvrent les landes, laissent échapper une fumée épaisse qui se dirige dans la direction du S-O. Cette observation nous indique nettement qu’il règne à la sire- face du sol un courant aérien du N.-0., dont nous pourrons profiter pour nous éloigner de la mer.

Cependant le soleil est devenu très ardent. Le Zénith se gonfle avec rapidité ; le gaz se dilate et s’échappe par l’appendice en descendant à flot jusque dans la nacelle.

Nous montons rapidement jusqu’à l’altitude de 1,200 mètres, niveau qu’il y aurait imprudence à dépasser dans un si proche voisinage de la mer. M. Sivel donne un coup de soupape, et l’aérostat cesse bientôt de s’élever ; mais l’action du soleil produit une dilatation du gaz si considérable, que le Zénith, à peine descendu de 200 mètres, remonte encore, c’est par cinq ou six fois qu’il faut ouvrir la soupape béante, pour le faire revenir à 60 mètres au-dessus de la terre, où il est entrainé par le courant inférieur.

Ce courant inférieur était très-humide, tandis que le courant supérieur était d’une sècheresse presque absolue, comme nous l’avons constaté, M. Crocé-Spinelli et moi, l’aide de l’hygromètre à point de rosée et du spectroscope.

Le passage de l’aérostat de la couche d’air supérieur à l’autre courant fut signalé par des mouvements de rotation renouvelés et énergiques. On ressent une impression particulière quand on se trouve à la limite de séparation de deux vents ainsi superposés ; l’air est agité, le ballon frissonne et tourbillonne, son étoffe tremble, tandis qu’il est si parfaitement immobile quand il est bien équilibré de l’atmosphère. Il y a là, entre les deux courants, des remous, des vagues aériennes que l’on ne voit pas, mais dont l’aérostat subit l’influence ; il a des mouvements analogues à ceux qui existeraient à la surface inférieure d’une couche d’huile glissant sur une nappe d’eau, douée elle-même d’un mouvement rapide. Le courant inférieur va peu à peu diminuer d’épaisseur jusqu’à la fin du jour, ou il n’aura plus qu’une hauteur de 150 mètres environ, mais en même temps il gagnera de vitesse. Le courant supérieur, au contraire, va régner uniformément, c’est toujours le N.-N.-E., bien établi dans l’atmosphère c’est le courant dominant, général, que les observatoires terrestres ne voient pas cependant, plongés qu’ils sont dans le courant N.-O. intérieur, vent superficiel et probablement tout accidentel.

Pendant six heures consécutives, le Zénith a trouvé de précieuses ressources dans l’emploi de ces deux courants superposés ; huit fois successivement, il est monté dans le courant supérieur, qui le dirigeait vers la mer, pour redescendre alternativement un même nombre de fois dans le courant inférieur, qui le rejetait sur la terre ferme. La route dans la verticale est singulièrement tortueuse, comme l’indique le diagramme de l’ascension ; sa marche en projection horizontale forme une série de zig-zags, qui le rapprochent peu à peu d’Arcachon, près du bassin duquel il arrive à la On du jour, après avoir tiré des bordées comme un navire à voile.

Après ce long voyage au-dessus des maigres sapins des lande, que découpent des flaques d’eau abondantes, après un séjour de six heures dans un air brulant, où le soleil nous lançait des rayons ardents, le Zénith touche terre à Montplaisir, commune de Lanton (Gironde), dans le voisinage d’Arcachon. La brise est forte et la nacelle est emportée avec rapidité, mais l’ancre jetée par M. Sivel mord immédiatement, sans secousse, grâce à un système d’arrêt très ingénieux, formé de frotteurs qui font glisser l’ancre avec des résistances toujours croissantes, le long du càble et elle est attachée à l’aide d’une boucle. — Nous nous pendons à la corde de la soupape, et le Zénith est bientôt maîtrisé.

Nous avons déjà mis pied à terre, lorsque quelques bergers des Landes accourent moulés sur des échasses, en Lisant entendre des cris de joie et d’étonnement ils nous prêtent de très bonne grâce futile concours de leurs bras vigoureux.

Une ascension de longue durée, comme celle que nous venons de raconter, exactement retracée à l’aide d’un diagramme, dont les éléments ont été recueillis sans interruption, ne manque pas de fournir des faits généraux offrant un intérêt réel au point de la physique du globe. Grâce aux imprimés lancés de la nacelle et retournés à Paris au nombre de soixante, de tous les points de notre route, notre diagramme indique les températures du sol en même temps que les températures de l’air supérieur.

On voit que la température de l’air était plus élevée dans tout le parcours que la température du sol. Le diagramme montre encore que le ballon, quand il était maintenu sur l’horizontale, suivait les proéminences du sol et s’élevait de lui-même, poussé par un vent ascendant quand il passait au-dessus d’une colline.

Ce fait est surtout rendu manifeste par le passage du ballon à 600 mètres au-dessus d’un monticule situé dans la Touraine, et dominant de 268 mètres le niveau de la mer. Le tracé graphique de l’ascension met en évidence la ligne courbe suivie par un courant aérien, pendant un long parcours ; le ballon s’est, en effet, fréquemment éloigné d’une direction en ligne directe ; ce tracé montre enfin les variations très-appréciables de vitesse du vent, qui fait environ cinq mètres à la seconde pendant la nuit, dix mètres au lever du jour, et qui diminue de vitesse dans les hautes régions, contrairement à ce qui a lieu le plus habituellement. La vitesse du courant N..N.E. dans les landes de la Gironde ne dépassait pas la vitesse de trois mètres à la seconde, tandis que le vent inférieur dont la vitesse s’est accrue jusqu’au moment de l’atterrissage, était d’abord de sept mètres à la seconde, pour atteindre ensuite celles de douze mètres. (Les chiffres de l’échelle des hauteurs indiquent, sur le diagramme, les mètres ; ceux qui se voient sur la ligne horizontale de terre donnent les kilomètres.)

Nous ne nous engagerons pas plus longuement dans le résumé de tes observations multiples ; il fendrait entrer dans des détails trop minutieux pour parler des effets de nuages, des déformations du soleil et de la lune par la réfraction, phénomènes dont M. Albert Tissandier a retracé le succession par le dessin, indispensable complément des études météorologiques. Mais nous devons ajouter quelques mots sur les observations spectroscopiques de M. Crocé-Spinelli. Quand le soleil et la lime ont été au-dessous de l’horizon, les spectroscopes ont montré des bandes de la vapeur d’eau extrêmement accusées.

Aussitôt que ces deux astres se sont élevés de quelques degrés seulement sur l’horizon, les bandes :ont devenues infiniment plus faibles et ont fini même par être très peu visibles, ce qui démontrait que la quantité de vapeur d’eau dans les régions supérieures de l’air était très-faible. Une telle sècheresse est un lait qui mérite d’être signalé. Le psychromètre, avant que l’eau qu’il contenait ne fût gelée, l’hygromètre de Regnault ont, comme nous l’avons vu précédemment, vérifie ces observations.

Nous aurions encore à parler des solitudes aériennes imaginées par M. Sivel, d’un appareil destiné à mesurer l’ombre du ballon que nous avons vu se dessiner sur le sol, sur les rivières, d’un remarquable thermomètre enregistreur de Negretti, destiné à prendre des températures à quelques centaines de mètres au-dessous de la nacelle, d’un nouvel anémomètre de MM. Crocé-Spinelli et Redier, nous nous réservons de décrire plus tard quelques uns de ces appareils. Nous terminons ici le résumé d’une ascension où, pendant 22 heures 40 minutes, il n’a jamais manqué ni d’expériences à exécuter, ni d’observations à entreprendre car dans l’atmosphère, si peu connu, tout est à considérer, tout est à apprendre.

Nous espérons que le Société française de navigation aérienne ne s’en tiendra pas à ces premières tentatives ; elle saura prouver dans l’avenir qu’elle était digne de prendre pour devise cette belle parole : « Toujours plus loin et toujours plus haut ! »

Gaston TISSANDIER

[1Voy. la Nature, 2e année, 1er semestre 1874,p.326.

[2Voy. 2e année, 1er semestre 1874. p.306 et suiv.

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