Comme si le sous-sol alsacien, en bon patriote qu’il est, avait réservé celte agréable surprise pour fêter le premier anniversaire de la réunion de notre chère province à la mère-patrie, ce fut au début de décembre 1919 que les mineurs de Péchelbronn mirent à jour la première source jaillissante qu’on ait découverte en Alsace.
Son débit est de 30 tonnes par jour en pétrole brut, chiffre qui augmente, dans de fortes proportions, le rendement total de la concession. La moyenne des années écoulées de 1882 à 1917 avait été de 17543 tonnes.
L’Alsace possède trois principaux centres pétrolifères : Péchelbronn, Biblisheim, et Dürrenbach. Le premier est, de beaucoup, le plus important.
On en jugera en comparant ce chiffre de 17543 tonnes au rendement moyen des puits de Biblisheim, qui, pendant la même période, n’a été que de 3777 tonnes.
Quant à la troisième concession, d’exploitation moins ancienne, elle n’a fourni qu’une moyenne annuelle de 963 tonnes, pour les années écoulées de 1892 à 1917.
Les plus récentes statistiques, que nous trouvons dans l’Historique de Péchelbronn, dont l’auteur, M. Paul de Chambrier, fut longtemps le directeur technique de l’exploitation du même nom, accusent un rendement de 42 805 tonnes aux mines de Péchelbronn, pour les dix premiers mois de 1918.
Le nom de Péchelbronn, qui est, pourtant, d’origine fort ancienne, comme nous allons le voir, ne figure pas sur les cartes géographiques, même sur les plus détaillées.
A près avoir désigné longtemps un simple trou de source (sa signification, en dialecte alsacien, est source de bitume), il fut appliqué à tout l’ensemble d’une concession qui s’étend sur les territoires d’une trentaine de bourgs ou villages.
La ville la plus rapprochée est Soultz-sous-Forêts, située dans le département du Bas-Rhin, à mi-chemin entre Haguenau et Wissembourg. La raffinerie de Péchelbronn est reliée à Soultz, depuis quelques années, par une voie ferrée longue de 4 kilomètres, et aussi par une pipe-line qui alimente de pétrole brut la raffinerie de Soultz.
Nous trouvons, dans l’ouvrage de M. P. de Chambrier, des détails très intéressants sur le passé multi-séculaire des mines alsaciennes, dont l’existence paraît avoir été connue bien avant le Moyen Age.
Un prêtre alsacien, professeur aux universités de Strasbourg, de Bâle et de Heidelberg, Jacob Wimpheling, publia, en 198, un ouvrage où l’on apprend que les paysans « se servaient depuis longtemps du bitume de Péchelbronn », qui s’écrivait alors Bechelbronn.
En 1584, paraît à Francfort un ouvrage « scientifique ». dont l’auteur, un médecin de Worms, célèbre les « vertus spirituelles et corporelles » de l’eau bitumineuse de Péchelbronn.
En 1592, un autre livre, dont l’auteur est le bailli de Wœrth, ville voisine, mentionne les différents usages auxquels se prête la source.
Les paysans en tirent une « graisse minérale » dont ils se servent pour graisser les roues des voitures et pour guérir les plaies. Il parle aussi d’un médecin qui distille la roche molle bitumineuse, qui affleure aux alentours du mince filet d’eau.
Il obtient ainsi une huile, qu’il décore du nom pompeux de Mumiam veram natiram, et qu’il vend comme une panacée contre la goutte, les enflures et le lumbago.
Il est curieux de remarquer, en passant, que, dans tous les pays de la terre, qu’il s’agisse de l’Europe, de l’Asie ou de l’Amérique, l’huile de terre a servi, tout d’abord, de remède, et que ce n’est que longtemps plus tard que l’homme a découvert ses propriétés combustibles et éclairantes.
Rappelons, à ce propos, que la fontaine pétrolifère de Galvan (Hérault) voyait accourir les malades bien avant la période gallo-romaine, et que, de temps immémorial, les Indiens de Pennsylvanie et de l’Ontario utilisaient les suintements de pétrole, recueillis dans des puits, comme remèdes contre diverse maladies.
Sans nous attarder à mentionner les autres traités du XVIe siècle qui parlent du pétrole alsacien, constatons que la première concession d’exploitation de la source qui nous occupe remonte à 1627. Jusqu’à preuve du contraire, c’est la plus ancienne concession de gisement pétrolifère enregistrée par l’histoire.
Elle fut accordée, par le comte de Hanau-Lichtenberg, seigneur du pays, à un certain Michel Wecker , qui s’occupait depuis longtemps de la vente des produits de la source. Il les écoulait principalement en Hollande.
L’acte de concession, valable pour vingt ans, mentionne que l’huile précieuse, découverte par suite d’une bénédiction de Dieu le Tout-Puissant, provient d’un or sulfuré, et qu’elle possède, parmi ses nombreuses propriétés, celle de rendre l’eau imputrescible pendant cinq ou six ans.
Hélas ! La bénédiction ne s’étend pas au concessionnaire,qui, par manque de capital, abandonne bientôt son entreprise. Ce n’est que soixante-dix ans plus tard, en 1700, qu’un chimiste d’Oberbronn, nommé Aulber, sollicite et obtient une concession héréditaire.
Il installe un atelier, où il décante l’huile, avant de la vendre à Francfort. Mais sa petite usine, qu’il appelle « le Laboratoire », est pillée et incendiée en 1702 par des soldats anglais, au cours de la guerre de la Succession d’Espagne. Une autre tentative prend place en 1720. Le nouveau concessionnaire, qui porte le nom prédestiné de Fours, échoue lamentablement après six mois d’exploitation.
Mais, voyons à quels procédés primitifs les exploitants ont eu recours jusqu’ici. De mémoire d’homme, ils n’en connaissent qu’un, qui est de creuser autour de la source un puits large de 5 pieds il son sommet, et. profond de 12 pieds.
Pour prévenir les accidents, les autorités communales de Lampertsloch, le village voisin, ont fait établir un garde-fou autour du trou. L’huile s’amasse sur la surface de l’eau, et on la recueille à la cuiller.
Les paysans s’avisent plus tard d’un procédé moins simpliste. Fixant une planchette au bout d’un bâton, ils la font glisser sur la surface, et raclent ensuite au couteau les gouttes d’huiles qui adhèrent aux fibres de bois.
Ils recueillent ainsi jusqu’à 4 livres d’huile par jour. Quand ils constatent enfin, après deux ou trois générations, que le rendement est tombé à rien, ils creusent un nouveau puits à quelques pas de l’ancien.
Mais le sort de Péchelbronn va se décider rapidement, alors que sa source est sur le point de tomber dans l’oubli. ln enfant du pays, Jean-Théophile Hœffel, étudiant en médecine à Strasbourg, a choisi, pour sa thèse latine de doctorat, l’étude des sources du Hanau.
Il la présente à la Faculté de Médecine en 1754. C’est la première fois que les sources bitumineuses sont étudiées scientifiquement, et qu’une tentative rationnelle est faite pour en expliquer la formation.
Il a étudié les affleurements de sable bitumineux ou d’asphalte non seulement dans le voisinage de la source, mais encore à plusieurs kilomètres de distance. Et il précise l’endroit où un puits rencontrera d’abondants gisements d’asphalte, prédiction scientifique qui fut réalisée longtemps plus tard.
Le rendement de la source de Péchelbronn est tombé à un litre. Il fait vider entièrement le puits, et, supprimant ainsi la contre-pression de l’eau, il obtient un rendement dix fois plus grand.
Pour sa thèse, il aborde l’étude chimique de l’huile minérale , et effectue des distillations très compliquées. Véritable novateur, il obtient du pétrole lampant, dont il décrit la combustion, mais, ne se rend pas compte de l’importance de sa découverte.
Un an plus tard, ses idées sont mises en application. Un médecin grec, Eyrinis, entreprend l’exploitation à ciel ouvert du minerai bitumineux, puis, creuse une galerie à flanc de colline. C’est à cette date (1735) que s’ouvre l’histoire industrielle de. Péchelbronn.
En 1740, on établit aux abords des gisements un atelier où le sable bitumineux est traité à l’eau bouillante, et où l’on obtient de l’huile de pétrole et autres produits en distillant l’huile brute dans un alambic de fonte.
Cette date donne donc aux raffineries de Péchelbronn cent quatre-vingts ans d’existence, qui font d’elles la plus ancienne distillerie de pétrole du monde. En 1745, elle se servait déjà des produits de sa distillation, en les coupant d’huiles végétales, pour éclairer la mine et les ateliers.
Il nous est impossible de suivre, pas à pas, le développement de cette industrie alsacienne. Ses progrès furent souvent retardés par des accidents, qui se multipliaient à mesure que les puits prenaient de la profondeur.
Dans bien des cas, il fallait se résoudre à abandonner puits et galeries, envahis par des eaux contre lesquelles les pompes à bras ou à balancier étaient impuissantes. A partir d’une certaine profondeur, le grisou fit de constantes apparitions, et l’on eut à déplorer de fatales explosions.
En janvier 1867, à 83 m. de profondeur, les ouvriers rencontrèrent une poche de pétrole, la première dans l’histoire de la mine, puisqu’elle n’avait exploité jusqu’alors que de l’huile de suintement. Dès ce moment, le rendement augmenta dans de grandes proportions.
Avec l’adoption d’un matériel perfectionné, la production marcha bientôt à pas de géant. De 1867 à 1888, elle avait été de 14 427 tonnes de graisse vierge, Mais, maintenant que le profondeur des puits permettait d’atteindre l’huile brute légère, lu production passait à 33 267 tonnes d’huile brute légère pour la période 1882-1889.
A cette dernière date, la famille Le Bel, qui possédait en propre la concession des mines depuis 122 ans, et en avait dirigé l’exploitation de père en fils, vendait ses droits et propriétés, pour une somme de 3 millions de marks, à une société anonyme, en prenant soin qu’elle ne fut constituée que par des Alsaciens.
Tout en poursuivant l’extraction du sable pétrolifère par puits et galeries, la Société Péchelbronner Oelbergwerke poussa activement l’extraction du pétrole brut , en multipliant les sondages, et en généralisant, pour cette extraction, l’emploi de pompes puissantes.
La production d’huile brute doubla presque en un an, passant de 6181 tonnes en 1899 à 11 703 tonnes en 1890. Jusqu’en 1898, elle se maintint entre 11 600 et 13 000 tonnes, Puis, de 1898 à 1905, elle atteignit une moyenne annuelle de 15000 tonnes.
En 1906, la Société exploitait par pompage 74 sources, dont la profondeur variait entre 100 et 362 m., les plus productives étant celles situées entre 130 et 250 m.
Mais, en pleine prospérité, la Société alsacienne se voyait contrainte à la liquidation. Les pétroliers américains l’obligeaient à limiter sa production d’huile brute ; le fisc allemand venait de réduire de 10 marks à 6 marks par 100 kg les droits d’entrée sur les pétroles étrangers.
Perdant confiance en l’avenir, les administrateurs accueillaient les offres d’une Société prussienne, la Deutsche Tiefbohr-Aktiengesellschaft, qui, moyennant payement d’une somme de 12 300 000 marks, acquit les droits, installations et outillage de l’ancienne Société.
Les 3 000 actions de celle dernière, émises à 1000 marks, avaient rapporté, pendant seize années, 7608 marks chacune. Leur cours avait atteint, en 1904, le chiffre de 4750 marks.
Nous arrivons à la dernière phase de l’exploitation des gisements alsaciens, phase qui s’étend de 1906, date de la fondation de la Société prussienne, à 1918, date de sa mise sous séquestre.
La nouvelle Société s’empressait d’importer un outillage de sondage mécanique. Les sondages devenaient plus nombreux ct plus profonds, quelques forages étant poussés jusqu’à plus de 1000 m.
La production augmentait dès lors dans des proportions considérables. De 17 227 tonnes qu’elle était en 1906, elle passait à 390497 en 1913. Après une notable diminution s’échelonnant sur les trois années suivantes, elle atteignait 39 667 tonnes en 1917.
Ces chiffres ne concernent que la concession de Péchelbronn. Si nous y ajoutons la production de Biblisheim et de Dürrenbach, concessions qu’avaient achetées la même société, nous trouvons que la production totale des trois concessions alsaciennes passa de 22 023 tonnes en 1906 à 46911 tonnes en 1917.
Déjà, depuis plusieurs années, M. P. de Chambrier, directeur technique de la concession de Péchelbrenn, avait démontré que, pour une tonne d’huile extraite par pompage, il s’en perdait cinq, inaccessibles à l’action des pompes. Il proposait donc de récupérer ces cinq tonnes perdues en les atteignant par des travaux de mine.
Mais, à l’époque où il formula sa brillante, mais audacieuse théorie, le prix de vente du pétrole et de ses produits n’était pas assez rémunérateur pour autoriser l’exploitation minière des gisements. Il le devint quelques années plus tard, avec la guerre, qui provoqua une hausse considérable.
Dès lors, la direction de Péchelbronn remit à l’étude les plans de M. de Chambrier. En 1916, elle se décidait à faire creuser un puits, qui fut inauguré le 20 avril 1917, et reçut le nom de M.Nœllenburg, directeur général de la Société.
La théorie de M. de Chambrier reçut aussitôt une éclatante confirmation. La première galerie n’avait pas encore atteint une longueur de 10 mètres, que, déjà, elle servait de galerie d’écoulement à l’huile retenue dans le sable gras.
En huit mois, on avait déjà retiré du puits Nœllenburg, 7000 tonnes d’huile, bien que la couche de sable bitumineux fût à peine entamée. Pendant les dix premiers mois de 1918, date à laquelle s’arrêtent les statistiques que nous avons pu nous procurer, la production de ce même puits fut de plus de 11 000 tonnes.
Il convient de préciser que ces chiffres ne concernent que l’huile extraite par pompage. Ils seront considérablement augmentés quand on remontera le sable d’où a suinté cette huile, pour le laver à l’eau bouillante.
Devant ces résultats, on ne peut que partager l’opinion du savant ingénieur, quand il prédit que, tôt ou tard, ses méthodes d’exploitation minière seront appliquées dans le monde entier. L’huile brute devenant plus rare, et, conséquemment, plus chère, on se résoudra à ré-exploiter les sources considérées comme épuisées en poussant des galeries qui libéreront l’huile retenue par des filons d’argile formant autant de cloisons étanches, ou par d’autres obstacles (défaut de pente, vallonnements de la couche de sable, etc.).
Si les calculs de M. de Chambrier s’appliquent à tous les gisements pétrolifères du monde, si l’huile recueillie par jaillissement ou par pompage ne représente que le cinquième de l’huile en existence dans ces gisements, c’est une formidable réserve de pétrole qui attend le pic du mineur, et qui élargit singulièrement l’horizon industriel.
Nous oserons reprocher à l’auteur de n’avoir pas poussé à fond sa très intéressante dissertation sur l’origine des gisements de Péchelbronn. Il lui paraît inadmissible - ce dont nous le félicitons, car l’hypothèse de l’origine animale ou végétale du pétrole nous a toujours semblé absurde - que l’huile de Péchelbronn « se soit fabriquée sur place, par la décomposition des restes d’animaux ou de végétaux ».
Sa conclusion, basée autant sur l’étude des couches que sur de curieuses expériences de laboratoire, que nous regrettons de ne pouvoir exposer, est que la dépression qui existait dans cette partie de l’Alsace à l’époque oligocène fut comblée par un afflux d’eau limoneuse qui transportait un sable imprégné d’huile. Quant à cette huile elle-même, « il ne lui parait pas impossible, .. qu’elle se soit formée dans les couches profondes de la croûte terrestre …. »
Cette conclusion du praticien expérimenté qu’est M. de Chambrier est une nouvelle confirmation des théories sur l’origine du pétrole que mon maître et ami, M. l’Ingénieur Henri Lenicque, a formulées récemment dans son admirable Géologie nouvelle. La Vérité est en marche !
Nous ne saurions terminer cet article sur Péchelbronn sans consacrer quelques lignes à ses raffineries, et à leur état actuel. Elles furent considérablement agrandies dès 1906, et doublèrent en sept ans leur capacité de travail.
De 1906 à 1009, elles traitaient une moyenne annuelle de 16 000 tonnes d’huile brute, chiffre qui s’éleva, de 1910 à 1914, à 24 000 tonnes. Il convient d’ajouter à ces chiffres les rendements moyens annuels des raffinerie de Soultz-sous-Forêts ( 3 000 tonnes), de Biblisheim (5 000 à 10 000 tonnes) , et de Durrenbach (5000 tonnes).
Pendant la guerre, ces raffineries (qui furent bombardées le 30 juillet 1915 par une escadrille française), se consacrèrent plus particulièrement à la fabrication d’huiles de graissage pour chemin de fer, produit dont elles tirèrent des bénéfices considérables.
En 1917, la compagnie allemande entreprit la construction d’une grande raffinerie centrale, capable de travailler 75 000 tonnes d’huile brute par année. Comme le constate M. P. de Chambrier, « la nouvelle usine n’était pas encore achevée lors de la libération de l’Alsace par l’armée française ».
En consacrant celle étude à Péchelbronn, nous n’avons pas eu la prétention d’écrire l’histoire du pétrole alsacien. Il nous eût fallu, pour cela, parler des innombrables échecs que provoqua le succès même de Péchelbronn.
Pendant les quinze dernières années du siècle passé, la Basse-Alsace vit sévir sur toute l’étendue de son territoire, une véritable oil-fever à l’américaine. Cette « fièvre de pétrole » avait été provoquée par la nouvelle, répandue surtout en Allemagne.qu’on venait de découvrir à Péchelbronn des sources d’huile à grand débit.
Des légions de prospecteurs, commandités par les banquiers de Francfort et de Berlin, accoururent d’outre-Rhin, et toute la région qui s’étendait au sud et à l’ouest de la concession de Péchelbronn se couvrit de tours de forage.
Des aventuriers appliquèrent le procédé américain de la saltedmine, qu’un traducteur inexpérimenté pourrait donner comme une mine de sel. Disons donc que « saler une mine » consiste à semer de la poudre d’or dans un terrain que le « saleur » vendra à quelque naïf comme terrain aurifère à haute teneur.
En Basse-Alsace, les « saleurs » allemands s’installaient n’importe où, mais avec un matériel fort imposant. Quand leur sondage avait atteint une vingtaine de mètres — profondeur décente — ils y versaient quelques bidons d’huile brute, et s’empressaient de convoquer l’ingénieur des mines.
Le digne fonctionnaire constatait que le sondage débitait du pétrole. Sur sa déclaration, les « saleurs » obtenaient une concession, qu’ils repassaient à leurs compères de la banque allemande. Ce n’était plus que jeu d’enfants pour former une Société anonyme à gros capital.
Ces escroqueries contèrent des sommes considérables à l’épargne allemande. On peut en dire autant des tentatives honnêtes qui s’acharnèrent vainement à la recherche du pétrole alsacien. Vers 1890, les concessions accordées formaient un total de 80 000 hectares, où celle de Péchelbronn n’entrait que pour un neuvième. Par contre, sa production d’huile brute était dix fois supérieure à celle de toutes les autres concessions réunies.
Dès 1897, toutes les sociétés fondées en Basse-Alsace depuis douze ans avaient disparu, à l’exception d’une petite société strasbourgeoise, qui exploitait le gisement de Dürrenbach, et d’une société hollandaise, concessionnaire des gisements de Biblisheim et d’Oberstritten.
Ces deux sociétés disparurent il leur tour pour se fondre avec celle de Péchelbronn, fusion qui donna naissance il la Société prussienne dont nous avons parlé plus haut.
De tous les efforts infructueux qui s’acharnèrent sur le sous-sol alsacien, un seul mérite une mention spéciale …. Mais il la mérite bien !
Un industriel de Niederbrück, près Massevaux, M. J. Vogt, s’était laissé gagner, lui aussi, par la « fièvre du pétrole ». Il se consacra, tout d’abord, à la fabrication des appareils de sondage et de pompage, et devint le principal actionnaire de la Société strasbourgeoise mentionnée ci-dessus.
Quelques années plus tard, il entreprit des sondages aux environs de Mulhouse. Il ne rencontra pas le pétrole qu’il cherchait. Mais il trouva mieux : les fameux gisements de potasse, qui ouvrent à l’Alsace un horizon industriel illimité.
Victor Forbin