Les gazogènes

A. Lepoivre, La Nature N°3067, 3068, 3069. Mars à Mai 1941
Jeudi 26 mai 2011 — Dernier ajout lundi 4 mars 2024

1. Historique

Les gazogènes ne sont pas d’invention récente : c’est un Wurtembergeois, Faber de Faur, qui, en 1837, eut l’idée de fabriquer de l’oxyde de carbone pour le chauffage des fours de fusion et d’affinage de la fonte. Son procédé fut amélioré par Ebelmen : le combustible (anthracite, coke) était plus ou moins complètement brûlé dans un premier four, puis le gaz passait dans un deuxième foyer contenant du coke maintenu incandescent par sa combustion partielle, rendue possible par une entrée d’air ménagée entre les deux foyers. Les deux réactions fondamentales :

(1) C + O2 = CO2 (anhydride carbonique)

(2) CO2 + C = 2 CO (oxyde de carbone)

étaient produites dans des foyers différents.

Il ne s’agissait alors que de fabriquer du gaz analogue à celui des hauts-fourneaux destiné à chauffer des fours ; les perfectionnements apportés aux gazogènes sont liés aux progrès des moteurs à explosion.

C’est en 1860 que Lenoir présenta son premier moteur à gaz, bientôt suivi de ceux de Langen et Otto. Le cycle Lenoir avait un rendement déplorable et le moteur n’eut guère de succès. En 1862, l’idée géniale d’un Français, Beau de Rochas, permit d’entrevoir l’amélioration du rendement par le cycle à 4 temps. Beau de Rochas ne put d’ailleurs réaliser de moteur fonctionnant suivant ce cycle et c’est à l’Allemand Otto que l’on doit le premier moteur à 4 temps (1875). Peu après, l’anglais Clerk imaginait le cycle à deux temps.

En 1884, Crossley réussit à produire, dans un gazogène, du « gaz mixte » pour alimenter des moteurs : le combustible, minéral, était gazéifié en partie à l’air, en partie à l’eau, suivant les réactions :

(3) C + O = CO (gaz à l’air).

(4) C + H2O = CO + H2 (gaz à l’eau).

C’est enfin en 1895 que l’on construisit les premiers moteurs alimentés au gaz à l’air fournis par ces gigantesques gazogènes que sont, accessoirement, les hauts-fourneaux. Les constructeurs Letombe, Cockerill, Deutz, réalisèrent des moteurs remarquables.

Parallèlement aux recherches sur l’emploi des gaz de hauts-fourneaux et de fours à coke, des savants, Letombe, Aimé Witz, Hugo Güldner, Deschamps, Riché, poursuivaient l’étude des gazogènes ; en 1900, Riché reprenait et améliorait le gazogène à deux cuves d’Ebelmen et le complétait par un épurateur chargé d’arrêter les poussières et les goudrons emportés par le gaz sortant des foyers, impuretés que le moteur ne peut supporter.

Longtemps, on conserva les deux foyers, et le gazogène, lourd et encombrant, ne pouvait convenir qu’aux installations fixes de quelque importance. La réunion des deux foyers en un seul constitua un gros progrès qui permit d’envisager le montage de gazogènes sur des voitures. Dans ce but, les constructeurs orientèrent leurs recherches vers l’allégement et la simplification des appareils, la souplesse et la sûreté de marche : en 1910, on put, à Paris, placer un gazogène sur l’autobus « Montmartre-Place Saint-Michel ».

Depuis, l’emploi des gazogènes à bois et à charbon de bois s’est amplifié, sous la vigoureuse impulsion du Corps forestier. Parmi les constructeurs, il en est qu’il faut citer : Berliet, Panhard et Levassor, Gohin-Poulenc, Libault, Sabatier, etc… , car ils ne ménagèrent ni leur temps, ni leurs efforts, ni leurs moyens financiers.

C’est grâce à un tel concours d’énergies que le Maréchal Pétain pouvait affirmer dès 1936, dans une étude souvent reproduite, que « la preuve est faite que la technique du gazogène est au point ».

2. Constitution d’un gazogène

On sait qu’un gazogène a pour objet de transformer aussi complètement que possible des combustibles solides en combustibles gazeux propres à l’alimentation des moteurs à combustion interne ; le gaz fourni doit donc être combustible, froid, dépourvu d’impuretés (poussières, eau, goudrons, etc … ) puis être additionné d’air en proportion convenable pour que la combustion soit complète dans le moteur.

Une installation de gazogène doit donc comporter (fig. 1) un générateur de gaz, un refroidisseur, un épurateur et un mélangeur ; ce dernier est parfois complété par un ventilateur d’allumage, un carburateur à essence, un compresseur.

Production du gaz. - La gazéification du combustible est une combustion qui s’opère non avec de l’oxygène pur, mais avec de l’air pour lequel nous adopterons la formule approximative O + 2N2.

La combinaison du carbone et de l’air peut donner naissance soit à de l’anhydride carbonique :

(5) C + 2(0 + 2N2) = CO2 + 4N2

soit à de l’oxyde de carbone :

(6) C + (0 + 2N2) - CO + 2N2.

La première réaction ne fournissant que des gaz incombustibles, c’est la seconde que l’on doit s’efforcer de produire. Cependant, il ne faut considérer ces deux réactions que comme encadrant ce qui se passe en réalité ; il est certain que les deux modes de gazéification se réalisent simultanément dans un foyer de gazogène, mais l’anhydride carbonique est réduit par les charbons incandescents, suivant la réaction :

(7) CO2 + 4N2 + C = 2CO + 4N2

qui d’ailleurs ne peut être effective que si le foyer est à une température suffisamment élevée.

Finalement, à ne considérer que la gazéification intégrale du carbone pur et anhydre avec de l’air pur et sec, on voit que le gaz est formé d’un tiers d’oxyde de carbone et de deux tiers d’azote. Comme le pouvoir calorifique de l’oxyde de carbone est de 3 030 cal.kg./m3. (à 0° et sous la pression atmosphérique normale), la présence de l’azote a pour effet de ramener le pouvoir calorifique du gaz à 1010 cal.kg./m3, dans les mêmes conditions de température et de pression. En réalité, il peut atteindre de 1 100 à 1 250 cal.kg./m3 pour le gaz de charbon de bois et de 1 200 à 1 350 cal.kg./m3 pour le gaz de bois.

En effet, l’air est toujours un peu humide, le charbon de bois peut contenir jusqu’à 8 % d’eau (1), et on admet que la teneur en eau d’un bois sec pour gazogène peut atteindre 20 % [1]. Au voisinage du foyer, l’eau se vaporise et, si la température est assez élevée et que la vapeur traverse le foyer, elle est dissociée par les charbons incandescents, suivant la formule (4). D’autres réactions pourraient être envisagées, mais nous nous en tiendrons à celle-ci, qui nous montre que la gazéification à l’eau introduit dans le gaz de l’oxyde de carbone et un nouveau combustible, l’hydrogène et cela sans air, donc sans azote et le pouvoir calorifique est relevé ; ceci est d’autant plus appréciable que, la réaction étant endothermique, le gaz sort du gazogène à une température plus basse et le rendement est amélioré ; enfin la vapeur d’eau brise les mâchefers et ceux-ci sont plus faciles à extraire.

On a songé à injecter de la vapeur d’eau dans le foyer des gazogènes à charbon de bois : l’opération est facile et efficace dans les appareils fixes alimentant des moteurs à vitesse constante. Dans les moteurs automobiles, au contraire, la vitesse est essentiellement variable et le réglage est très difficile ; des essais ont été faits par plusieurs constructeurs, mais il ne semble pas que l’on ait obtenu pleine satisfaction.

D’autre part, dans le cas du bois, le combustible distille et émet des vapeurs acides, des goudrons que l’on oblige à traverser le foyer : les pyroligneux, sous l’action de la chaleur, subissent une sorte de « cracking » qui donne naissance à des gaz combustibles et notamment à des carbures d’hydrogène.

C’est ainsi que l’on arrive à produire un gaz dont le pouvoir calorifique est supérieur à celui du gaz qui correspond à la réaction (6). Suivant le combustible employé, la composition du gaz est la suivante :

Gaz de charbon de bois :
Oxyde de carbone CO. 28 à 32 %
Hydrogène . 4 à 10 -
Gaz carbonique CO2 3 à 1 -
Azote . 57 à 65 -
Gaz de bois :
Oxyde de carbone CO. 21 à 24 %
Hydrogène 17 à 18,5 -
Carbures d’hydrogène. 1,5 à 3 -
Gaz carbonique CO2 7 à I0 -
Azote 47 à 55 -

Pour que la vapeur d’eau soit dissociée, que les pyroligneux soient détruits dans le foyer, les gazogènes fonctionnent généralement par combustion inversée (fig. 2), c’est-à-dire que l’air pénètre au-dessus du foyer pour que les gaz ne puissent partir qu’après avoir traversé toute la masse incandescente. La combustion directe (fig. 3), c’est-à-dire avec introduction d’air sous le foyer, ne pourrait être employée avec le bois qu’à la condition d’épurer chimiquement le gaz et cela conduirait à des appareils lourds et volumineux, impossibles à placer sur un véhicule. Au contraire, la combustion directe peut être utilisée avec le charbon de bois, mais à condition que celui-ci soit assez sec ; le gazogène Malbay (fig. 4) notamment fonctionne par tirage direct, mais on remarquera que la vapeur d’eau, formée au-dessus du foyer, traverse néanmoins une couche de charbons incandescents où elle se dissocie. Le gazogène Cesbron fonctionne également par tirage direct.

L’accès de l’air au foyer est provoqué par la dépression qui règne dans la tubulure d’admission au moteur : le tirage est dit aspiré ; il est dit tirage pulsé quand l’air est envoyé au foyer par une soufflerie. Ce dispositif n’est guère employé que pour les gazogènes de chauffage.

Refroidissement du gaz. - Le gaz sort du foyer à une température voisine de 500° C. Il doit être refroidi pour les raisons suivantes :

  1. Le gaz de bois contient toujours de la vapeur d’eau qui n’a pas été dissociée dans le foyer et qu’il faut condenser ; le gaz de charbon de bois est généralement filtré sur des toiles de coton qui seraient rapidement détruites si des gaz chauds les traversaient.
  2. Un mètre cube de gaz mesuré à 0°C sous la pression atmosphérique puis porté à 400°C sous la même pression, occupe 2,5 m3 ; si à 0° le pouvoir calorifique est de 1 200 cal./kg par exemple, il n’est plus que de :

    à 400° et le moteur alimenté avec un tel gaz verrait sa puissance décroître dans la proportion de 2,5 à 1.

  3. Les gaz froids étant moins visqueux que les gaz chauds, leur épuration est plus facile.

Les refroidisseurs sont toujours simples : ils opèrent boit par détente dans des « boîtes à poussière », soit par contact prolongé avec une paroi métallique refroidie par l’air extérieur (tube avec ou sans ailettes faisant le tour du véhicule).

Comme nous le montrerons, les gazogènes à charbon de bois avec entrée d’air par tuyère supportent mal l’humidité du combustible, aussi le refroidissement ne doit pas amener le gaz au-dessous d’environ 80° avant le passage des toiles filtrantes, car il faudrait craindre leur colmatage. Les deux dispositifs suivants sont usités :

a) il y a deux refroidisseurs, un avant et un après les toiles ;

b) le refroidisseur comporte un « by-pass » (fig. 5 ; voir aussi fig. 16) muni d’un robinet R fermé l’été, ouvert l’hiver : pendant la période froide, la partie du gaz qui suit le by-pass rejoint le gaz trop refroidi par le long circuit et revaporise les gouttelettes d’eau qui ont pu se former.

Épuration du gaz. - L’aspiration du moteur entraîne avec le gaz, des poussières et, dans le cas du bois, des vapeurs ; le rôle de l’épurateur est de retenir ces impuretés dont le moteur ne saurait s’accommoder.

Le gaz de bois ne devrait pas en principe contenir de pyroligneux, mais en pratique, des vapeurs d’eau, d’acide, de goudrons sont entraînés ; leur élimination ne peut se faire qu’après une condensation, qui s’opère principalement dans le refroidisseur. Pour retenir les gouttelettes liquides, on dirige le gaz sur des parois en chicane (tôles percées de trous non en regard, anneaux Raschig [2], grains de liège [3], coke, tournures, fibres, etc … ) : l’eau adhère aux parois sur lesquelles elle ruisselle en entraînant les poussières et les goudrons ; parfois on donne au gaz un mouvement de rotation à l’aide de tôles enroulées en hélice : la force centrifuge projette les gouttelettes liquides sur une paroi qui les retient.

La figure 6 représente l’épurateur d’un gazogène Berliet, qui comporte deux couches d’anneaux Raschig ou bien une d’anneaux et une autre de grains de liège. Signalons que cet épurateur doit, chaque semaine (ou après 1 000 km.) être lavé à grande eau, sans sortir les anneaux. II en est de même des caissons garnis de tôles perforées, que l’on doit sortir des caissons.

En principe le gaz de charbon de bois ne contient pas de vapeur d’eau et il suffit de retenir les poussières.

La plupart des constructeurs combinent les divers procédés suivants :

  1. Le gaz suit une colonne verticale de bas en haut : les grosses poussières ne peuvent suivre et retombent.
  2. Le gaz débouche dans une chambre à poussière relativement spacieuse où il se détend, se refroidit, perd de la vitesse et abandonne des poussières.
  3. Le courant gazeux subit de nombreux changements de direction (parois fixes en chicanes) : les chocs arrêtent les grains de poussière.
  4. On imprime au gaz un mouvement de rotation soit à l’aide d’une tôle directrice fixe (cyclone), soit à l’aide de palettes tournantes (ventilateurs) : la force centrifuge sépare le gaz et les poussières ; ces appareils sont lourds et encombrants car, pour qu’ils soient efficaces, le parcours du gaz doit être très long et le mouvement rapide ; on les emploie peu sur les véhicules à gazogène.
  5. Le gaz barbote (fig. 7) dans un liquide (eau, huile, gaz-oïl) ; pour éviter la formation de grosses bulles contenant beaucoup de poussières non mouillées, une toile métallique noyée devant le débouché du tuyau d’amenée doit diviser le courant gazeux ; ces appareils doivent être attentivement surveillés : si le niveau du liquide baisse par suite d’entraînement de gouttelettes, il n’y a plus d’épuration.
  6. Le gaz traverse une matière épurante : coke, poudre de liège, charbon de bois pulvérisé.
  7. Des toiles de coton en tissu serré, pelucheux, ou des feuilles de papier arrêtent les grains les plus ténus.
    Leur efficacité peut être accrue par l’emploi d’une matière épurante pulvérulente qui vient former une sorte de feutre poreux sur les toiles de coton.
    Les toiles ne sont jamais employées avec le bois, car l’humidité du gaz colmaterait les tissus.
  8. Les toiles métalliques placées entre les toiles de coton et le moteur, jouent plutôt le rôle d’anti-retour de flamme ; pour remplir réellement un rôle de filtrage elles doivent être très fines : certaines ont 120 mailles au mm2, et ne laissent passer que les grains inférieurs à 5/100 de mm. : si elles se bouchent, c’est que les filtres-toiles sont en mauvais état (d’où leur nom de filtre de sécurité).

La figure 8 donne la vue en coupe de l’épurateur Panhard et la figure 9 représente le filtre Gohin-Poulenc. Les toiles doivent être sorties, aspirées ou brossées après un parcours d’environ 2 000 km. La matière épurante, poudre de liège ou de charbon de bois, du filtre Gohin-Poulenc se remplace lorsqu’elle devient noire (poudre de liège) ou lorsqu’elle contient de petits grains à arêtes vives, ce que l’on constate en faisant couler la poudre entre les doigts.

Le mélangeur. - Il a pour rôle :

  1. De mélanger l’air et le gaz en proportion convenable pour que la combustion soit complète dans le moteur.
  2. D’introduire le mélange au moteur en quantité proportionnelle à la puissance demandée : comme dans le moteur à essence, une pédale d’accélération commande un papillon P (fig. 10) qui ouvre plus ou moins la tuyauterie d’admission au moteur.

Pour fixer l’ordre de grandeur du volume d’air à fournir à 1 m3, de gaz, écrivons la réaction de combustion du gaz théorique CO + 2N2, de pouvoir calorifique 1 010 cal.kg./m3 :

CO + 2N2 + 0 + 2N2 = CO2 + 4N2

Il faut donc 56 : 67,2 = 0,833m3 d’air pour brûler 1m3, de gaz et le pouvoir calorifique du mélange est :

$$$ \frac{1010}{1 + 0,833} = 551 cal.kg.m^{-3}$$$.

Pratiquement, le gaz contient de l’hydrogène et des carbures qui, eux aussi, ont besoin d’air pour brûler et de plus on fournit de l’air en excès de sorte que Je mélange formé est en moyenne de 1,1m3 à 1,2m3 d’air pour 1m3 de gaz. D’autre part, comme le gaz a un pouvoir calorifique supérieur à 1 010 cal.kg./m3, le pouvoir calorifique du mélange s’établit entre 560 et 600 cal.kg./m3 ; il dépend du combustible (bois, charbon plus ou moins humide ou plus ou moins bien calibré) de l’état de propreté du foyer et des filtres, de l’habileté du conducteur à régler l’admission d’air au mélangeur, de la vitesse du moteur [4].

Nous rappellerons, pour nous en servir plus loin, que le pouvoir calorifique du mélange air-essence s’écarte peu de 850 cal.kg./m3.

De même qu’un carburateur est la rencontre d’un tuyau d’essence (gicleur) et d’un tuyau d’air, le mélangeur (fig. 10) est la jonction d’un tuyau de gaz et d’un tuyau d ’entrée d’air.

Ce dernier comporte un papillon A de réglage d’air ; en effet, l’air doit être fermé, au moment de l’allumage du foyer (voir plus loin). En marche normale, l’air doit être ouvert aussi largement que possible : on se guide pour cela sur le bruit du moteur ou sur la façon dont il entraîne le véhicule. Il est normal que, après une longue randonnée, on soit obligé de réduire l’air de plus en plus, car le foyer s’est encrassé. Sur la plupart des gazogènes il y a intérêt à réduire l’air au cours d’une longue descente ; en effet, à ce moment le moteur est alimenté comme au ralenti (P presque fermé) et il aspire faiblement, de sorte qu’en fermant l’air, la dépression se fait sentir surtout sur le foyer, qui se maintient assez vif pour que, en arrivant en bas de la côte, il puisse immédiatement fournir le gaz demandé pour la reprise.

Manœuvres de départ. - Voici la suite des manœuvres à effectuer pour allumer le générateur et partir directement au gaz.

  1. Fermer l’air (A), supprimer le ralenti de P, et vérifier que l’accélérateur essence p est fermé ; ouvrir le volet V du ventilateur et mettre en route ce dernier (actionné à main ou électriquement) ; présenter une torche enflammée à l’entrée d’air du foyer ; après trois ou quatre minutes, présenter la torche à l’échappement du ventilateur : si le gaz brûle en ronflant, avec une belle flamme bleu ou ronge, le gaz est de bonne qualité ; on peut fermer V et cesser de ventiler.
  2. Pour lancer le moteur, mettre le contact, donner un peu d’avance à l’allumage, actionner le démarreur en même temps qu’on accélère à fond (sur P, pour que l’aspiration soit aussi forte que possible sur le foyer) et qu’on ouvre l’air A progressivement.
    Le démarrage direct sur le gaz exige une forte batterie et un bon démarreur : il faut que le moteur soit entraîné franchement pour que le foyer, sous son aspiration, puisse immédiatement remplacer le gaz absorbé par le moteur ; le lancement à la main directement sur le gaz est presque impossible, car le moteur ne peut être entraîné assez vivement.
  3. Régler l’air et l’avance à l’allumage en accélérant puis régler le ralenti de P sans accélérer ; après quelques minutes de route, on reprendra le réglage de l’air et de l’avance.

Sur la plupart des véhicules, on a conservé la possibilité d’alimenter le moteur à l’essence, pour permettre de petits déplacements du véhicule, ainsi que l’allumage du gazogène en cas de défaillance de la batterie ou du démarreur. Voici, dans ce dernier cas, les manœuvres à effectuer :

  1. Fermer P et A puis réduire au minimum l’avance à l’allumage et lancer le moteur à l’essence en ouvrant légèrement p ; lorsque le moteur est chaud, accélérer légèrement à l’essence, ouvrir un peu P à l’aide de la manette de ralenti : le moteur aspire alors sur le carburateur et sur le générateur ; présenter une torche à l’entrée du foyer et la retirer dès que l’on aperçoit un peu de braise rouge.
  2. Accélérer encore un peu plus à l’essence et quand le moteur est lancé accélérer à fond sur la pédale : le moteur aspire alors très fort sur le foyer qui grandit, mais comme il ne donne presque pas de gaz, le moteur faiblit : lâcher la pédale avant que le moteur soit arrêté et refaire la manœuvre dès que le moteur est de nouveau lancé ; après une dizaine de manœuvres analogues, essayer d’ouvrir l’air A : si le moteur ne faiblit plus, on peut fermer l’essence et effectuer les réglages d’air, d’avance et de ralenti.

On peut aussi, lorsque la batterie est un peu faible, préparer le gaz au ventilateur, lancer le moteur à l’essence et passer sur le gaz comme il vient d’être dit.

Les mélangeurs sont en général un peu plus perfectionnés que ne l’indique le schéma de la figure 10. Très souvent, les deux accélérateurs P et p sont solidaires l’un de l’autre et un robinet à trois voies (fig. 11) ou des volets conjugués (fig. 12) permettent la marche à l’essence ou au gaz ou encore une alimentation mixte. Les manœuvres diffèrent peu de celles qui ont été indiquées ci-dessus.

Parfois aussi le papillon d’accélération P (sur le mélange air-gaz) et le papillon de réglage d’air A sont solidaires, c’est-à-dire qu’ils se ferment et s’ouvrent simultanément mais un dispositif permet de limiter l’ouverture de l’air, et même de bloquer le papillon A dans la position de fermeture au moment de la mise de feu au foyer.

3. Conditions à remplir par une installation de gazogène

Nous avons vu ce que pouvaient être les gaz produits suivant les combustibles employés : pour les utiliser au mieux dans le moteur, l’installation doit répondre à un certain nombre de conditions générales que nous allons indiquer ; on verra par là que les difficultés à vaincre sont nombreuses ; nous dirons qu’elles ne sont pas toutes complètement surmontées.

  1. Le gazogène doit fournir un gaz à pouvoir calorifique élevé et de qualité constante : la transformation du combustible solide en combustible gazeux doit viser à réduire au minimum les composants inertes (anhydride carbonique, azote et vapeur d’eau) : la température du foyer doit être élevée pour faciliter les réductions et dissociations, et la section d’admission d’air étudiée soigneusement.
  2. Le gazogène doit être puissant et léger : le volume du foyer est fonction de la puissance nécessaire à l’avancement du véhicule ; le constructeur, par une étude soignée des formes, par une large utilisation des métaux légers, pourra concilier ces deux conditions de puissance et de légèreté.
  3. Le gazogène doit être souple, c’est-à-dire fournir le gaz en quantité proportionnée au régime du moteur, aussi bien à vive allure qu’au ralenti, et surtout permettre le passage rapide d’un régime à l’autre ; or, il faut bien dire que les reprises sont moins énergiques qu’avec l’alimentation à l’essence, car le volume du foyer et par conséquent le débit de gaz, ne peuvent varier aussi rapidement que le débit d’un gicleur d’essence, en raison de l’instabilité et de la complexité du processus de gazéification.
    On remarquera d’ailleurs que la constance de la qualité du gaz, la puissance et la souplesse dépendent de la propreté du foyer et des épurateurs : le conducteur a une grosse influence et bien des déboires sont dus à la méconnaissance des exigences des gazogènes, parfois à des négligences.
  4. Le combustible doit descendre facilement, sans former de voûte au foyer : le tracé du raccordement de la trémie au foyer devra tenir compte du calibre du combustible employé et du talus naturel que celui-ci forme en s’éboulant.
  5. L’appareil doit être étanche : toute l’entrée d’air, soit au foyer, soit aux épurateurs est une cause de diminution de puissance.
  6. Enfin, les opérations de décrassage du foyer, de nettoyage des filtres doivent pouvoir être effectuées rapidement.

Il est utile de montrer que les divers types de gazogènes ont ce caractère commun que la plupart des incidents : allumage difficile, manque de puissance, l’alenti mal tenu, échauffement de certaines régions, etc. peuvent être attribués à trois causes :

1° Le combustible :

a) s’il manque, le feu s’établit à la surface du combustible et la trémie chauffe ; en outre la puissance baisse progressivement ;

b) si le combustible est d’un calibre trop petit, l’air ne passe pas assez vite, le combustible brûle mal et le moteur est sans puissance ;

c) si au contraire le combustible est trop gros, l’air circule trop vite, la combustion est incomplète et le foyer produit peu de gaz ; de plus, les gros morceaux arrêtent la descente du combustible : le foyer n’étant plus alimenté, il se forme une voûte qui subsiste jusqu’au moment où une secousse brutale la rompt ; quelquefois, il est nécessaire d’arrêter le véhicule et de briser la voûte avec un ringard ;

d) si la teneur en eau est exagérée, l’allumage est difficile et la marche est irrégulière, car le foyer est alimenté tantôt avec du combustible mouillé, tantôt avec du combustible sec.

2° Le manque d’entretien : si le foyer est encrassé, la production de gaz est insuffisante et le moteur ne tire pas ; parfois l’enveloppe du foyer rougit : ce fait peut se produire si, en un point du foyer, le passage est libre et forme chalumeau ; d’autre part, si les épurateurs sont sales, on conçoit que le gaz ne puisse passer facilement et ici encore, le moteur est sans puissance. Rappelons que si le filtre de sécurité se bouche, le conducteur doit immédiatement vérifier les filtres car ils sont en mauvais état et le moteur peut en souffrir.

3° Un gazogène présente toujours un assez grand nombre de portes pour le chargement et le nettoyage. Ces portes doivent être étanches ; si en effet un joint est mauvais, comme la pression intérieure est plus faible que la pression atmosphérique, de l’air entre et provoque toujours une chute de puissance :

a) si la prise d’air accidentelle a son siège au générateur, l’excès d’air entraîne une production exagérée d’anhydride carbonique : si l’entrée d’air se produit à la porte de chargement, le feu remonte dans la trémie, qui chauffe de plus en plus et parfois il se produit des explosions, sans gravité du reste, dans la trémie ; si le joint défectueux est situé au voisinage du foyer (tuyère mal vissée, porte de cendrier mal fermée, bride du tuyau de départ de gaz mal serrée, etc … ), la tôle du foyer rougit, le refroidisseur ne peut remplir son rôle et l’épurateur, qui est normalement tiède, devient brûlant ;

b) une prise d’air dans une région froide de l’installation est moins grave : si la prise d’air est importante, le mélange est trop pauvre et le moteur ne peut être lancé ; si elle est faible, le moteur tourne mais sans grande puissance, et notamment, le ralenti est difficile à tenir ; on remarque souvent que, dans ce cas, le papillon d’air A doit être presque fermé.

On voit, par cette brève analyse des incidents possibles, que le conducteur doit apporter tous ses soins au choix du combustible, à l’entretien des organes et à la confection des joints.

4. Description de quelques gazogènes

1. - Gazogène à bois. — Type Berliet (Imbert-de Diétrich). — Ce gazogène comprend deux parties :

  1. La trémie B qui reçoit le bois par la porte de chargement A ; elle est entourée de la chambre concentrique C, dans laquelle circule, en courant ascendant, le gaz venant du foyer, avant de se rendre aux refroidisseurs et épurateurs.
  2. Le foyer F, relié à la trémie par un cône guidant la descente du combustible. L’air pénètre au foyer par une série de buses D portées par une couronne tubulaire K reliée à l’extérieur par une boite à clapet battant qui supprime les retours éventuels de flamme et de fumée ; l’allumage se fait par l’ouverture de ce clapet.

Deux portes E (une seule est visible sur la figure), et la porte du cendrier H, servent au nettoyage du foyer.

Le foyer est chargé initialement d’environ 20 kg. de braisette de boulanger ou de charbon de bois sec, en morceaux de la grosseur d’une noix ; la braisette doit atteindre le niveau ab à l’intérieur du foyer : elle a pour effet de faciliter l’allumage ; à l’extérieur, le niveau de la braisette doit s’élever à la hauteur cd de l’étranglement du « diabolo » du foyer : nous verrons son rôle. Le chargement s’achève avec du bois qui doit répondre aux conditions précisées plus loin.

Le gazogène étant allumé par un des procédés indiqués précédemment et le moteur étant alimenté au gaz, l’aspiration créée par le moteur appelle, par les buses, l’air nécessaire à la combustion : la zone de combustion s’établit à leur niveau.

Les gaz chauds descendent (combustion inversée), passent sous le diabolo, traversent la braisette et, en remontant dans la chambre annulaire, chauffent, à travers la tôle intérieure, le bois de la trémie.

Le bois nouvellement chargé commence par sécher (zone de séchage au niveau de B), puis, au fur et à mesure qu’il descend, distille des pyroligneux (zone de distillation entre B et C), de sorte qu’il arrive au foyer sous forme de charbon de bois, condition nécessaire pour l’accomplissement rapide des réactions chimiques génératrices d’oxyde de carbone.

D’autre part, les produits gazeux abandonnés par le bois descendent aussi, aspirés par le moteur et doivent traverser le foyer : l’étranglement du diabolo donne au gaz une grande vitesse, qui assure une température élevée dans cette région que nous appellerons zone de réduction, car elle est le siège des réactions (4) et (7), ainsi que de la destruction des pyroligneux.

La partie évasée du diabolo facilite le dégagement des cendres.

Au cours de la traversée de la braisette, les gaz abandonnent les pyroligneux qui ont pu traverser le foyer sans être détruits. Le rôle de cette braisette est donc de première importance, aussi, chaque matin, le conducteur doit, par les portes E, la visiter et compléter le niveau ; de plus, tous les 4 à 500 km. et au moins une fois par semaine, il doit vider complètement le foyer et la trémie et refaire le chargement, après s’être assuré que toutes les cendres sont tombées et qu’aucune buse n’est obstruée. Le combustible est le bois : toutes les essences conviennent, sauf le châtaignier, qui, en distillant, donne beaucoup trop d’acide pour qu’on puisse assurer sa destruction complète et qui de plus brûle mal ; le chêne, s’enflammant difficilement, ne doit pas être employé seul.

Les bois durs (chêne, charme, orme, acacia, frêne, érable, etc … ) sont plus lourds, plus difficiles à enflammer, mais brûlent plus lentement que les bois tendres (bouleau, tremble, saule, etc … ) ou résineux (pin, sapin, mélèze, épicéa). En conséquence les premiers donnent un plus grand rayon d’action-chargement et sont plus économiques que les autres, mais ces derniers assurent de meilleures reprises ; chaque fois qu’on le pourra, on mélangera donc les diverses essences, sans toutefois que la proportion de bois durs soit inférieure à 50 %.

Les bois doivent être découpés en morceaux dont les dimensions peuvent varier entre 25 et 80 mm. : ici aussi le mélange de morceaux de diverses grosseurs

est à conseiller, pour les mêmes raisons que les mélanges d’essences.

Le découpage se fait à la scie pour les bois secs (la scie Gloppe est spécialement étudiée pour ce travail) ; les bois verts sont de préférence coupés avec des appareils à gros débits (superdécoupeuse J. D. de la société des Carburants champenois, découpeuse de Romanet, serpe-hélice Salomon).

Le bois dit « sec II pour gazogène, ne doit pas contenir plus de 20 % d’eau. Le séchage en forêt demande 7 à 8 mois : il est préférable de couper le bois vert en petits morceaux dès l’abattage et de le faire sécher sur des planchers à claire-voie abrités sous un hangar dont le toit est à deux pentes : la plus rapide, en tuiles, ardoises ou tôles, orientée du côté des pluies, la plus douce étant vitrée ; en couches de 0, 80m de hauteur, on peut compter 4 m2 de plancher par tonne de bois. On peut aussi mettre le bois dans des sacs en filet et les suspendre dans un hangar.

II. - Gazogènes à charbon de bois. - Nous distinguerons deux types de gazogènes à charbon de bois, selon que l’air pénètre au foyer sur toute la périphérie ou par un petit bout de tuyau ou tuyère.

1° Gazogène à entrée d’air périphérique. Type Panhard. - Le foyer (fig. 14), assez volumineux, est limité par une garniture réfractaire entourée d’une enveloppe en tôle, ménageant une couronne autour de la garniture, pour le passage de l’air, qui y pénètre par une ouverture latérale susceptible d’être fermée par un clapet manœuvré depuis la planche de bord. La trémie, amovible, est fixée par trois boulons sur l’enveloppe extérieure du foyer. Le charbon repose sur une grille que l’on peut faire basculer à l’aide d’un levier extérieur.

L’air admis dans la couronne, sous l’aspiration du moteur, monte et un déflecteur, solidaire de la trémie le dirige vers le foyer, dans lequel il pénètre par l’espace annulaire libre entre le bord inférieur et le bord supérieur du réfractaire, d’où le nom « entrée d’air périphérique ». Cet espace mesure environ 200 mm. de diamètre sur 2 cm. de hauteur.

La combustion, puis la réduction de l’anhydride carbonique et de la vapeur d’eau émise, s’opère dans le foyer et le gaz, traversant la grille, passe dans le cendrier et se rend aux épurateurs et refroidisseurs. La combustion est donc inversée. La forme du foyer facilite le dégagement des cendres.

Sur la trémie est soudé un starter, sorte de tuyère coudée de façon à déboucher au niveau de l’entrée d’air périphérique, dans l’axe du foyer. L’orifice extérieur est muni d’un clapet battant, qui se soulève quand, après avoir fermé le clapet d’entrée d’air normal, le moteur tourne ou lorsque l’on met le ventilateur en marche.

On se sert du starter, en fermant l’air normal :

a) pour l’allumage du foyer et la préparation du gaz ;

b) pendant quelques minutes après le démarrage, jusqu’au moment où le charbon contenu dans le foyer est complètement incandescent ;

c) pour obtenir des reprises un peu plus énergiques ou vaincre un supplément de résistance (montée) ;

d) au cours d’une longue descente, pour maintenir le foyer assez chaud pour que, en bas de la côte, le gaz soit produit en quantité suffisante et que le moteur ne « cale » pas ;

e) quand le moteur tourne au ralenti.

2° Gazogène à entrée d’air par tuyère. Type : « Gohin-Poulenc », - Le générateur (fig. 15) comprend un réservoir en tôle mince soudé au foyer en tôle épaisse, garnie, souvent, d’ailettes de refroidissement. L’air accède directement au foyer par, une tuyère dont le diamètre varie de 15 à 25 mm, avec la puissance du moteur ; cette tuyère pénètre à peu près jusqu’au milieu du foyer. Le départ du gaz est diamétralement opposé à la tuyère et à un niveau généralement plus bas. Une grille verticale fait obstacle à l’aspiration des cendres et des petits morceaux de charbon. Enfin une porte latérale permet le décrassage ; le charbon repose directement sur le fond du générateur.

Il n’y a, ici, aucune garniture réfractaire : la masse incandescente, dont la forme approximative est donnée par la figure 4 de notre article sur le charbon de bois, est entourée de charbon non enflammé.

Comparaison des deux types de gazogènes.

Considérons deux moteurs identiques (même alésage, même course, même vitesse, même taux de compression), l’un alimenté par un gazogène à entrée d’air périphérique, l’autre par un gazogène à tuyère ; ces deux générateurs devant fournir le même volume de gaz devront recevoir le même volume d’air, et la vitesse de l’air étant en raison inverse des sections de passage, elle sera dans la tuyère considérablement plus grande que dans l’entrée périphérique. Cette considération va servir pour indiquer les caractères de chaque type :

  1. Le générateur à entrée d’air périphérique nécessite un foyer volumineux, car il est parcouru lentement par les gaz ; au contraire le foyer à tuyère est relativement plus petit.
  2. Pour que le gaz se forme rapidement dans le foyer à tuyère, il faut une grande surface de contact entre l’air et le charbon incandescent, et celui-ci doit être très divisé : ce sont ces gazogènes qui utilisent le calibre n° 1 (8 à 30 mm.) ; au contraire, si le foyer est volumineux, un charbon fin freinerait trop la vitesse de l’air : le calibre n° 2 (25 à 70 mm.) convient aux gazogènes à entrée d’air périphérique.
  3. Lorsqu’on accélère, la vitesse de l’air augmenté dans les mêmes proportions que la vitesse du moteur, mais c’est l’écart entre la nouvelle vitesse et l’ancienne qu’il faut considérer ; cet écart est faible dans l’entrée périphérique. La température du foyer s’élève un peu, son volume ne change pas et la reprise serait molle, si on ne faisait intervenir le starter. Au contraire, l’écart des vitesses est très grand dans les tuyères : la température croît et le feu se communique aux couches noires entourant la masse incandescente ; le foyer grossissant, la reprise est meilleure. La tuyère est donc un élément de souplesse de marche.
  4. Dans un foyer volumineux, la vitesse des gaz étant réduite, les réactions de réduction de l’anhydride carbonique et de la vapeur d’eau, la destruction des goudrons si le charbon n’est pas parfaitement cuit, ont plus de temps pour se produire que dans un foyer à tuyère : ces derniers tolèrent donc moins bien l’humidité du charbon et les incuits.
  5. La température étant fonction de la vitesse de l’air est plus basse dans un foyer volumineux (1 100° à 1 200°) que dans un foyer à tuyère (1 400° à 1 500°) ; dans le premier, les cendres restent pulvérulentes et sont faciles à extraire : chaque matin, le conducteur bascule deux ou trois fois la grille, enlève les cendres du cendrier et le foyer est propre. Dans un générateur à tuyère, les cendres fondent, forment une masse pâteuse quand le foyer est chaud et un mâchefer très dur quand le foyer est éteint ; le décrassage est long et pénible ; pour simplifier l’opération, sur certains générateurs on a prévu la possibilité de passer une trappe (fig. 15) au-dessus de la tuyère, de sorte que le foyer seul est à vider et le charbon qu’il contient est seul à demander le passage au tamis.
  6. Le volume du foyer des gazogènes à entrée périphérique exige la protection des tôles par une gaine réfractaire qui alourdit l’appareil d’environ 40 kg. Sans grand inconvénient sur un véhicule lourd, cette augmentation de poids devient relativement sensible quand il s’agit d’une voiture de tourisme.
  7. La tuyère plongeant dans un foyer à haute température, sa protection apporte une difficulté : son refroidissement.

La tuyère Gohin-Poulenc en cuivre rouge est à double paroi, avec circulation d’eau venant soit du radiateur du moteur, soit d’un radiateur séparé.

La tuyère Gazauto (fig. 16) est un tube de cuivre rouge épais garni intérieurement d’ailettes longitudinales qui évacuent rapidement la chaleur prise au foyer pour la transmettre à l’air frais.

La tuyère Sabatier-Décauville est en acier et présente une chicane obligeant l’air à circuler trois fois sur la longueur de la tuyère ; le refroidissement est efficace, mais l’air étant freiné par les changements de direction, on perd un peu de l’avantage des tuyères d’améliorer les reprises.

Bois ou charbon de bois ? — La question est fort controversée et nous éviterons de prendre une position nette dans la discussion : notre ambition est de mettre en évidence les avantages et les inconvénients de chacun de ces combustibles, de façon à guider les usagers dans leur choix.

a) Le bois n’est pas fragile et sa manutention est propre ; le charbon est friable, sale, mais la présentation en sacs de papier fort, ou en caissettes pliantes, une manutention dépourvue de brutalité, atténuent cet inconvénient.

b) L’emploi du bois permet d’éviter les frais de carbonisation, la perte des calories nécessaires à cette opération, ainsi que la perte au concassage ; par contre il nécessite une opération de débitage dont il faut tenir compte dans les calculs de prix de revient ; néanmoins, à égalité de puissance, le prix du bois consommé est inférieur au prix du charbon de bois.

e) Le bois contient beaucoup d’eau et toute la vapeur d’eau n’est pas dissociée. Il en résulte :

  1. que le gaz de bois doit être soigneusement asséché ;
  2. que les rechargements doivent être fréquents, sinon la qualité du gaz varie ;
  3. que pendant les arrêts et les ralentis prolongés (longues descentes), l’eau continue à s’évaporer, la vapeur traverse un foyer moins actif, de sorte qu’au moment de la reprise, le moteur reçoit du gaz humide et repart mal. Cet inconvénient est supprimé avec le mélangeur Renault à « by-pass » (fig. 17) : quand on lâche l’accélérateur, le papillon E se ferme et la soupape C s’ouvre, de sorte que le moteur, par le « by-pass » G aspire uniquement sur le foyer, car le clapet J retombe par son poids, empêchant l’aspiration d’air par les orifices B réglables : ainsi le foyer demeure suffisamment vif pour assurer une bonne reprise ;
  4. la présence de l’eau permet d’ailleurs la production d’un gaz plus riche qu’avec le charbon de bois.

d) En principe, le charbon de bois ne distille pas dans le gazogène, tandis que le bois émet des vapeurs chargées d’acide et de goudron. Si ces vapeurs ne sont pas détruites dans le foyer, les épurateurs doivent empêcher leur accès au moteur, sinon celui-ci est vite mis hors d’usage ; et si les épurateurs reçoivent des acides, ce sont eux qui se détériorent rapidement ; on voit ici l’importance que prend la braisette dont on doit garnir extérieurement le diabolo (fig. 13). D’autre part, la destruction des pyroligneux dans le foyer concourt avec la vapeur d’eau à l’enrichissement du gaz.

e) On a pu constater, au cours de nombreuses expériences que, à 1 L d’essence équivalent : soit 3 kg de bois (environ 10 dm3.) ; soit 1,5 kg de charbon de bois (environ 7 dm3). La provision de bois à emporter est donc double de la provision de charbon ; en volume, l’encombrement est à peu près le même pour les deux combustibles.

f) Pour la même raison le transport du combustible de la forêt au lieu d’utilisation est plus onéreux pour le bois que pour le charbon.

g) Le nettoyage des appareils à charbon est plus simple, plus rapide, plus propre, moins fréquent que celui des appareils à bois ; la durée des appareils est aussi plus grande.

h) Le charbon est très hygroscopique et sa conservation demande des soins que n’exige pas le bois.

De nombreux véhicules marchent au bois à la grande satisfaction des usagers, mais il semble préférable d’utiliser ce combustible dans des installations fixes — dans lesquelles un abondant lavage du gaz assure l’élimination complète des pyroligneux — ou tout au plus de l’utiliser pour alimenter des moteurs de véhicules s’éloignant peu du garage, par exemple, dans les fermes, dans les entreprises qui disposent de déchets de fabrication. Le gazogène à bois doit trouver un large débouché dans les applications rurales, entreprises artisanales, tracteurs agricoles ou forestiers : il sera plus spécifiquement le gazogène agricole.

Moteurs utilisant le gaz de gazogène.

— Ces moteurs fonctionnent, comme le moteur à essence, suivant le cycle à 4 temps de Beau de Rochas :

  • 1er temps admission d’un mélange air-essence ou air-gaz ;
  • 2e temps compression de ce mélange ;
  • 3e temps explosion et détente ;
  • 4e temps échappement des gaz brûlés.

Dans ces moteurs, la compression a une importance considérable : nous appellerons V le volume de la cylindrée et v le volume de la chambre de compression ; le taux de compression t est le rapport entre le volume V + v enfermé. dans le cylindre quand le piston est en bas de sa course et le volume v enfermé dans la chambre de compression quand le piston est en haut, soit :

$$$ t = \frac{v + V}{v} = 1 + \frac{V}{v}$$$

Le moyen le plus précis de déterminer ce taux est de placer le piston successivement en ses points haut et bas et pour chaque position de verser de l’huile dans le moteur ; comme il est plus facile de peser l’huile que de mesurer son volume, le taux de compression se calculera en fonction des poids p et P correspondant aux volumes v et V :

$$$ t = 1 + \frac{V}{v}$$$

La théorie du moteur est basée sur l’hypothèse d’un moteur parfait dans lequel on admet que :

  1. La compression et la détente sont adiabatiques, suivant la loi $$$ pv^{\gamma} = constante.$$$
  2. Les gaz qui évoluent (avant et après l’explosion) ont des propriétés physiques voisines de celles de l’air et l’on considère que le moteur fonctionne comme la compression et l’explosion, se refroidirait en travaillant, pendant la détente sans travailler et pendant l’échappement, cette fois les calories apportées par la combustion du mélange, diminuées de celles emportées par les gaz d’échappement, seraient intégralement transformées en travail.
  3. La combustion, l’ouverture et la fermeture des soupapes sont instantanées et se produisent au moment précis où le piston passe à un point mort ; de plus, les « laminages » ou pertes de charge au passage des soupapes, sont nuls.
  4. Enfin, le cylindre est parfaitement étanche, il n’y a pas de frottement et les organes accessoires n’absorbent aucune puissance.

Dans ces conditions, la théorie mathématique du moteur établit que le rendement thermique théorique, ou fraction de l’énergie calorifique transformée en travail par le moteur parfait, ne dépend que du taux de compression et a pour expression :

$$$ r = 1 - \frac{1}{t^{\gamma - 1}}$$$

On prend habituellement pour $$$ \gamma = \frac{C}{c}$$$ rapport des chaleurs spécifiques de l’air à pression constante et à volume constant, la valeur $$$ \gamma = 1,3$$$, pour tenir compte de la variation de C et de c avec la température.

Voici, pour divers taux de compression, les valeurs du rendement :

t = 4 6 8 10
r= 33% 41,6% 46,5% 49,9%

On voit immédiatement l’avantage des hautes compressions ; avec l’essence on ne peut cependant pas dépasser le taux 6 (ou 7, avec culasse spéciale et grâce à l’emploi de supercarburants) en raison du phénomène de la détonation ; avec le gaz de gazogène, on ne dépasse guère le taux de 8 : au delà, le moteur devient saccadé, notamment au ralenti, et l’allumage pose des problèmes complexes.

Le moteur réel diffère sensiblement du moteur parfait, car aucune des hypothèses faites à propos de ce dernier ne peut être réalisée, de sorte que le rendement net est bien inférieur au rendement théorique ; les imperfections du moteur réel sont à peu près indépendantes du constructeur et l’on a constaté que le rendement spécifique effectif, ou fraction de la puissance du moteur parfait donnée par un moteur réel de même dimension était d’environ 64 %, de sorte que les rendements nets, pour les taux précédemment indiqués, sont

t = 4 6 8 10
R= 21,1% 26,6% 29,76% 31,94%

Ces rendements ne concernent que le moteur, c’est-à-dire la transformation de l’énergie calorifique du gaz ou de l’essence en travail utile disponible sur l’arbre. Le rendement net de l’ensemble gazogène-moteur s’obtiendrait en multipliant ces nombres par le rendement propre du gazogène (0,65 à 0,75), car la transformation du combustible solide en combustible gazeux ne peut se faire sans pertes : imbrûlés, production de gaz carbonique, chaleur emportée par les cendres et les gaz, chaleur rayonnée par les parois du générateur, etc…

Avance à l’allumage. - Le mélange gazeux ne brûle pas instantanément en totalité, dès que l’étincelle se produit par hypothèse exactement lors du passage du piston au point mort ; pendant la durée de la combustion, réduite mais non nulle, le piston se déplace et, de ce fait, la pression maximum est inférieure à la pression que, théoriquement, on devrait avoir (64 kg./cm2 avec le taux 6 et le mélange air-essence).

On atténue ce défaut en faisant de l’avance à l’allumage, c’est-à-dire en faisant éclater l’étincelle un peu avant le passage du piston au point mort.

La valeur de l’avance à l’allumage est d’autant plus grande que le mélange est pauvre et brûle lentement : l’avance à l’allumage est donc plus grande avec le gaz de gazogène qu’avec l’essence : avec un moteur alimenté au gaz de bois (alésage 110 mm, course 160 mm, nombre de tours 1 100 par min, taux de compression t = 8,89) l’avance a été de 17,3 mm, soit près de 11% de la course ou une avance angulaire de 38° mesurée sur l’axe du vilebrequin ; cette valeur de l’avance semble être un maximum ; elle pourra varier, notamment, en sens inverse du taux de compression.

Chaque fois que le moteur devra être alimenté uniquement à l’essence, il importera de réduire le plus possible l’avance à l’allumage : au lancement du moteur, on s’exposerait à des retours de manivelle, en marche, le moteur ne tarderait pas à cogner.

Considérons deux moteurs ayant même puissance et tournant à la même vitesse ; l’un est alimenté à l’essence, son taux de compression est 6 et son rendement 26,6 : quand il a aspiré 1,1m3 de mélange, il a reçu 850 calories [5] et en a transformé 850 × 0,266 en travail utile ; l’autre moteur est alimenté au gaz de gazogène et nous admettrons que le pouvoir calorifique du mélange air-gaz a une valeur moyenne de 580 calories ; le taux de compression est 8 et le rendement 29,76 ; quand ce moteur aspire 1 m3, il transforme en travail 580 x 0,2976 calories. Si les cylindrées étaient égales, le deuxième moteur serait plus faible que le premier ; pour que les puissances soient égales, il faut que les cylindrées soient dans le rapport :

Si les deux moteurs ont la même course, les alésages sont dans le rapport 1,14. Ce rapport pourra être diminué si l’on peut augmenter la vitesse du moteur à gaz.

Ceci nous montre :

  1. qu’un moteur à gaz neuf conçu pour marcher au gaz avec le taux de compression 8 devra être un peu plus volumineux que le moteur à essence réalisant la même vitesse ;
  2. qu’un moteur à essence doit être transformé pour marcher au gaz. Pour conserver la puissance, il faudrait pouvoir porter le taux de compression, par exemple de 6 à 8 et augmenter l’alésage de 14 % : ces deux modifications étant rarement praticables, il en résulte que l’adaptation d’un moteur entraîne une perte de puissance.

La nécessité de corriger le moteur découle encore de la remarque suivante : supposons en effet que, sans toucher au moteur, on cesse d’alimenter à l’essence pour alimenter au gaz, les moteurs tournant encore à la même vitesse ; les cylindrées et les rendements restant identiques, les puissances seront dans le rapport : 580/850 = 0,68 , autrement dit, la perte de puissance atteint 32 % valeur inacceptable.

On devra donc faire porter les corrections sur la cylindrée et sur le taux de compression.

Augmentation de la cylindrée. - Trois procédés sont à notre disposition :

a) augmenter la cylindrée géométrique : comme l’allongement de la course est impraticable, on ne peut que modifier le diamètre du cylindre par ré-alésage ou par re-chemisage. Si V’ est la nouvelle cylindrée, D l’ancien alésage et d l’augmentation d’alésage, on a :

$$$ \frac{V'}{V} = \frac{(D + d)^2}{D^2}$$$ soit $$$ 1 + \frac{2d}{D}$$$

en négligeant le terme $$$ \frac{d^2}{D^2}$$$ soit sans grande influence sur le résultat. Si, par exemple, on enlève 1,5 mm. sur l’épaisseur de la paroi d’un cylindre de 85 d’alésage [6], d = 3 mm, ce qui paraît être maximum et la nouvelle cylindrée est égale à l’ancienne multipliée par $$$ 1 + \frac{2 . 3}{85} = 1,07$$$, soit une augmentation de 7 %. Si le cylindre est à chemise rapportée, l’amélioration est plus sensible : si l’alésage peut être porté de 85 à 91, par exemple, $$$ 1 + \frac{2d}{D} = 1 + \frac{2 . 6}{85} = 1,14$$$, soit une augmentation de 14 % ;

b) amélioration de la cylindrée réelle ; le volume de mélange réellement aspiré est inférieur il la cylindrée géométrique : 1° du fait de l’échauffement du gaz par contact avec les parois et mélange avec les gaz brûlés : l’influence de ceux-ci sera diminuée par le relèvement du taux de compression, le volume des gaz résiduels diminuant et 2° du fait des laminages des gaz admis ou expulsés ou pertes de charges au passage de l’étranglement des soupapes ; pour diminuer ces pertes de charges, on peut augmenter les diamètres des sièges et des champignons, augmenter la hauteur et la durée de la levée : cette dernière opération, entraînant le remplacement onéreux de l’arbre à cames, est rarement pratiquée.

La disposition des soupapes dites « en tête », avec commande par culbuteurs permet l’emploi de soupapes larges et la transformation de ces moteurs donne plus de satisfaction que celle des moteurs sans culbuteurs ;

c) faire tourner le moteur plus vite, afin d’augmenter la cylindrée-minute : on verra comment effectuer cette transformation en parlant du véhicule.

2° Relèvement du taux de compression. - Le réalésage a pour effet de relever ce taux : en conservant les notations précédentes, le taux t augmente de la quantité

(4) $$$ T- t = \frac{2d}{D} (t- 1)$$$

T étant le nouveau taux. Par exemple, si le taux était 6, le rechemisage à 91 mm. d’un moteur de 85 donnerait le taux :

$$$ T = 6 + \frac{2 . 6}{85}.6 - 1 = 6,7$$$

et, dans le cas du ré-alésage à 88, T serait 6,35 seulement.

Le nouveau taux résultant de l’augmentation de D est généralement insuffisant ; nous ne conseillons cependant pas de le porter à une valeur supérieure à 8, d’ailleurs atteinte exceptionnellement. En effet, un taux plus élevé pourrait ne pas être supporté par le vilebrequin, et la compression augmentant la résistance électrique des gaz, il faudrait craindre des difficultés d’allumage.

Pour porter le taux T à une valeur supérieure T’, divers procédés sont en usage :

a) le plus simple est évidemment de remplacer la culasse par une autre donnant le taux cherché, mais les circonstances ne se prêtent pas à cet échange.

b) remplacer les pistons par d’autres pour lesquels la distance de l’axe au pied de bielle est plus grande de la quantité x calculée par la formule :

(5) $$$ x = C \frac{T' - T}{(T' - 1)(T - 1)}$$$

dans laquelle C désigne la course et T le taux donné parle ré-alésage ; x peut être un peu diminuée si on choisit des pistons bombés. Il faut veiller à ce que le dernier segment du piston ne sorte pas du cylindre quand le piston est au point mort haut ;

c) raboter une épaisseur x sur l’une des faces du joint cylindre-carter ou cylindre-culasse ; si le fond du piston monte trop près de la culasse, on peut creuser celle-ci avant le rabotage ;

d) employer des soupapes à champignon bombé.

Si le moteur comporte des bouchons de soupapes, les remplacer par d’autres pénétrant davantage.

Si, au lieu de se fixer le taux à atteindre, on se propose de chercher le taux T’ donné par la valeur de x que l’on peut obtenir, il suffit de résoudre l’équation (5) par rapport à T’ ; on trouve :

(6) $$$ T' = \frac{CT + x - Tx}{C + x - Tx}$$$

Nous déconseillons de souder une plaque sur le fond du piston ou dans la chambre de compression, car cela aurait pour effet de faire chauffer la paroi dont l’épaisseur aurait été renforcée.

Autres procédés pour atténuer la perte de puissance. - 1° La perte de puissance ayant pour cause l’insuffisance du pouvoir calorifique du mélange, on peut enrichir celui-ci, d’autant plus aisément que, dans la plupart des cas, le carburateur subsiste : il suffit, au moment où un effort supplémentaire est demandé au moteur, d’ouvrir un peu le papillon p (fig. 10) d’accélération sur l’essence, ou de mettre le robinet à trois voies (fig. 11) ou les papillons conjugués (fig. 12) sur la position « mixte ». L’enrichissement, en procédant comme ci-dessus, est obtenu un peu « à l’aveuglette », Il existe des appareils spécialement étudiés (par exemple le carburateur-mélangeur Solex) pour enrichir de façon rationnelle.

L’enrichissement doit évidemment rester exceptionnel, mais certains transporteurs le pratiquent systématiquement et s’en trouvent bien.

2° Les laminages nuisent au remplissage du cylindre ; le volume réellement aspiré, ramené à la pression et à la température ambiantes est inférieur à la cylindrée géométrique et de plus, le taux de compression réel est plus faible que le taux théorique, d’où abaissement de la puissance et du rendement. On peut obvier à cet inconvénient en utilisant un compresseur aspirant le mélange et l’envoyant au moteur sous une pression égale ou même un peu supérieure à la pression atmosphérique. M. le Pr Coupan, membre de l’Académie d’Agriculture, a expérimenté un compresseur alimentant, avec du gaz de gazogène, un moteur de 100 × 160, tournant à 1 300 t./min dont le taux de compression volumétrique était 4,6. Alimenté à l’essence, ce moteur développait 42 ch.

Avec le gaz de gazogène, ce moteur développe 28 ch quand le compresseur n’intervient pas (perte 14 ch, soit 33 %). Lorsque le compresseur agit de façon à annuler la dépression d’aspiration, la puissance développée est voisine de 31 ch ; enfin, si le compresseur crée une surpression de 3 m d’eau (300 g/cm2), le moteur fournit de nouveau 42 ch.

On peut remarquer que le moteur servant aux essais n’avait pas été transformé ; s’il l’avait été, le compresseur n’aurait pas dû fournir la surpression de 3 m d’eau à l’entrée du moteur.

L’intérêt du compresseur dépend en grande partie de la qualité de ses organes et du fini de sa fabrication. Pour qu’il soit efficace, sa vitesse de rotation doit être considérable ; l’étanchéité est alors difficile à obtenir, et la force centrifuge développe dans les parties tournantes des tensions qui exigent des matériaux exceptionnellement résistants ; de plus, comme le gaz contient toujours des particules solides, celles-ci, malgré leur ténuité, donnent lieu à une multitude de chocs dont la répétition risque de mettre rapidement les parties mobiles hors d’usage ; cependant certains constructeurs poursuivent la mise au point de compresseurs et les résultats permettent de prévoir la possibilité prochaine d’applications pratiques intéressantes ; la question se posera de savoir s’il est plus économique d’installer un compresseur sans toucher au moteur, ou de faire subir à celui-ci les quelques modifications que nous avons indiquées, en consentant une perte de puissance, qui, si la transformation est bien faite, ne sera pas supérieure à 15 %.

Le moteur Diesel et le gazogène. - Le moteur à huile lourde dit Diesel est plus facile à adapter que le moteur à explosion : il n’y a pas lieu, en général, de réaléser car ces moteurs ont une forte cylindrée nécessitée par l’excès d’air que le moteur doit aspirer : le ré-alésage ne sera pratiqué que si le moteur, trop ovalisé, en a réellement besoin.

Le moteur Diesel fonctionne toujours avec un taux de compression élevé : le minimum du taux de compression est 14 et il peut s’élever à 20. Il est possible et même probable, que le gaz de gazogène supporterait ces taux de compression sans cogner, mais avec de tels taux, la pression d’explosion, plus élevée que la pression de combustion dans le fonctionnement à l ’huile lourde, serait sans doute mal supportée par l’embiellage et le vilebrequin, et de plus, le moteur aurait une marche saccadée. Le taux de compression doit donc être diminué : généralement, la culasse devra être changée, notamment si l’injection n’a pas lieu directement dans la chambre ou bien si le diamètre des logements d’injecteurs ne correspond pas aux parties filetées des bougies. Si la culasse peut être conservée, il y aura lieu d’employer un joint dont l’épaisseur pourra être calculée par la formule (5) dans laquelle T’ (nouveau taux) et T (ancien taux) ont été permutés pour donner :

(5bis) $$$ x = C \frac{(T-T')}{ (T'-1)(T'-1)}$$$

La formule 6 deviendrait :

(6 bis) $$$ T' = \frac{CT + x - Tx}{C - x - Tx}$$$

La plupart des mécaniciens qui ont adapté des moteurs Diesel ont choisi un taux de 8 à 9 et sans doute ont-ils été trop prudents : l’embiellage et le vilebrequin sont, dans le cas actuel, capables de supporter davantage. Probablement ont-ils été gênés par la nécessité de remplacer les injecteurs par un appareil d’allumage à haute tension, répondant aux conditions exposées plus loin.

Le graissage. - Il n ’y a rien à changer au système de graissage et l’on peut employer, avec le gaz, les mêmes qualités d’huile que pour la marche à l’essence. On constate d’ailleurs que le moteur peut être vidangé moins souvent, car, avec le gaz, il n’y a pas à craindre, comme avec l’essence, la dilution de l’huile par l’écoulement du combustible condensé sur les parois froides du cylindre au moment du lancement.

C’est une erreur de croire que le gaz sèche les parois : il ne dissout pas l’huile comme le fait l’essence ; un dispositif de super-huilage n’est pas indispensable, mais il produira les mêmes heureux effets qu’avec tout autre combustible.

Le système d’allumage. - L’augmentation de la compression confère au gaz une résistance électrique accrue.

Si l’on conserve le système d’allumage, il y aura donc lieu de rapprocher les électrodes des bougies, dont l’écartement devra être réglé à 3 ou 4 dixièmes au lieu de 6 ; l’étincelle étant ainsi plus courte, on sera exposé à des ratés d’allumage. Il semble que l’on puisse recommander le remplacement de la magnéto ou de la bobine par une autre donnant de 16 à 18 000 V. au courant secondaire, ce qui permettrait d’obtenir une étincelle suffisamment longue et chaude. Dans ce cas, il y aurait lieu d’adopter des bougies dont l’isolant extérieur mesurerait au moins 3 cm, de façon que l’étincelle ne se produise pas entre rattache du fil et le culot de la bougie ; en outre les fils devraient être parfaitement isolés.

Modifications à apporter au véhicule dans le cas d’un moteur adapté. - Nous laissons de côté le cas du véhicule neuf, pour lequel le constructeur a fait les études nécessaires, et nous considérerons seulement les modifications à apporter à un véhicule marchant habituellement à l’essence.

Avant de démonter quoi que ce soit, il faut placer successivement chaque roue du véhicule sur un pont bascule et noter les poids ; il sera bon aussi de relever les flèches des ressorts. Après montage des appareils, on replacera chaque roue sur la bascule : il faut que les nouveaux poids soient proportionnels aux anciens, sinon le centre de gravité du véhicule est déplacé, la direction devient dure ou bien la tenue de route est moins bonne. Une trop grande différence dans les flèches des ressorts imposera la mise en place d’une lame supplémentaire. Ces opérations, nécessaires s’il s’agit d’une voiture légère, ont moins d’importance pour les véhicules lourds, et perdent toute utilité si le gazogène est placé sur une remorque.

L’emplacement du gazogène et des appareils accessoires dépend de la disposition du châssis, de la nature du véhicule et du service qu’il assure.

Pour les voitures de tourisme, le générateur et l’épurateur peuvent être placés de part et d’autre du capot dans des échancrures à pratiquer dans les ailes, ou bien ils peuvent être placés dans la malle arrière, un intervalle suffisant étant alors ménagé entre eux pour éviter le réchauffage du gaz ; dans le premier cas, la charge est bien répartie, mais le générateur, petit, n’assure pas un grand rayon d’action ; dans le second cas, l’essieu arrière est surchargé et cela peut nuire à la tenue de route. Le gazogène sur remorque, à une ou deux roues, est une solution qui évite tout changement à la carrosserie. La remorque à une roue est, dans les manœuvres, plus facile à conduire que la remorque à deux roues.

S’il s’agit d’un camion, il est tout indiqué de placer les appareils de chaque côté de la cabine du conducteur (fig. 18-19), un peu en arrière, en rognant un peu sur la caisse, ou en la reculant sur le châssis.

La même disposition peut être adoptée pour un autobus, si les voyageurs montent à l’arrière ; s’ils montent à l’avant, la gazo-malle est préférable, ou encore la remorque.

Quelle que soit la solution adoptée, les régions très chaudes des installations seront séparées de la carrosserie par un carton d’amiante de 3 à 5 mm d’épaisseur. Si une tôle doit masquer les appareils, elle sera percée d’évents d’aération. Des dégagements seront prévus pour faciliter les visites, les nettoyages, les manœuvres ; des protections seront établies contre les projections d’eau et de boue.

Nous avons dit précédemment que, en faisant tourner le moteur plus vite, on pouvait diminuer la perte de puissance : il suffit, pour cela, d’augmenter la démultiplication donnée par le couple conique, c’est-à-dire d’augmenter le rayon de la couronne du différentiel et de réduire le rayon du pignon d’attaque.

En effet, augmenter le rayon de la couronne revient à diminuer l’effort résistant opposé par la dent de la couronne à la dent en prise du pignon d’attaque, et par conséquent, l’effort moteur à fournir sur cette dernière dent. Le moteur, ayant un effort moindre à fournir, peut ainsi tourner plus vite : la cylindrée-minute augmente et il en est de même de la puissance, le moteur devient plus nerveux, les reprises plus franches et les performances du véhicule se rapprocheront de celles de l’ancien véhicule à essence.

On ne saurait évidemment exagérer cet accroissement de la démultiplication : on est tout d’abord limité par l’emplacement disponible à l’intérieur du carter ; d’autre part, il n’est pas désirable de faire tourner le moteur au delà d’un certain régime, car les pertes par frottement croissent au point de dépasser le gain réalisé, le rendement du moteur diminue et la consommation augmente.

Tracteurs agricoles et forestiers. - Ces engins étant en général de gros consommateurs d’essence, l’installation d’un gazogène sur ces appareils présente un très grand intérêt, mais ne va pas sans quelques difficultés. La disposition, notamment, du bloc-carter gêne considérablement la mise en place du gazogène ; dans cette conception, le châssis habituel des voitures automobiles est remplacé par un caisson en fonte qui supporte le moteur à une extrémité, l’essieu moteur à l’autre et contient, dans des compartiments étanches, toutes les transmissions.

D’autres difficultés sont à vaincre : le gazogène ne doit pas diminuer la visibilité et le conducteur doit être protégé des radiations du générateur.

Sur la plupart des tracteurs, les 2/3 du poids total sont reportés sur les roues motrices et les jantes ne doivent pas transmettre au sol une pression supérieure à 30 kg. par cm. de largeur de jante. Il n’y a donc en général qu’une faible marge de surcharge pour l’installation des appareils. D’autre part, si le gazogène est placé à l’avant, la charge supplémentaire sur l’essieu directeur rend la manœuvre pénible ; si par contre le gazogène est monté à l’arrière, la tendance au cabrage augmente et l’essieu avant étant soulagé, la direction devient trop libre : le mieux est donc de placer les appareils entre les roues, le générateur et l’épurateur se faisant équilibre, mais la place disponible n’est jamais bien considérable (fig. 20-21).

L’installation est beaucoup plus facile sur les tracteurs à quatre roues motrices et directrices (fig. 22) et surtout sur les tracteurs à chenilles, car l’équilibrage des charges est beaucoup moins pressant.

La perte de puissance conserve ici toute son importance et le mécanicien chargé de la transforma lion doit apporter tous ses soins au moteur.

Le choix du combustible est commandé par les facilités d’approvisionnement : si le cultivateur dispose d’une étendue boisée suffisante, s’il est à proximité d’une scierie, il aura tout avantage à utiliser le bois qu’il préparera dans les journées creuses d’hiver ; il pourra d’ailleurs fabriquer lui-même son charbon, s’il le désire ; toutefois, le charbon, en raison de son affinité pour l’eau, ne doit pas être préparé trop longtemps d’avance. Si le choix se porte sur le charbon, le gazogène à tuyère devra être préféré, notamment au point de vue des labours, en raison de la plus grande vivacité des reprises.

Les péniches. - Il existe déjà quelques péniches équipées avec des gazogènes, mais en nombre très restreint ; pourtant l’emploi du bois ou du charbon de bois serait particulièrement avantageux ici.

Le moteur à gazogène n’est pas plus difficile à conduire qu’un moteur à essence et il ne comporte pas les organes délicats et coûteux — pompe et injecteurs — d’un moteur Diesel. L’encombrement du combustible n’est pas à considérer, car le volume de la soute est insignifiant par rapport à la capacité utile, et d’ailleurs des postes de distribution seraient faciles à établir dans les principaux ports fluviaux. Le danger d’incendie n’existe pas comme avec l’essence ou le gaz-oïl. Enfin les gaz d’échappement ne peuvent pas polluer les eaux comme le font les combustibles liquides : les riverains, les pêcheurs, les amateurs de natation et de canotage verraient avec plaisir la généralisation de l’emploi du gazogène sur les bateaux.

Une seule précaution est à prendre : il est préférable d’installer le gazogène sur le pont, mais cela n’est pas toujours possible et le gazogène doit le plus souvent être installé dans une cabine : celle-ci devra être parfaitement aérée et on ne devra y pénétrer qu’après en avoir renouvelé l’atmosphère par un courant d’air.

Ajoutons que les moteurs à deux temps, à explosion, Diesel ou semi-Diesel, fréquents sur les péniches, ne peuvent pas, actuellement, être alimentés par gazogène ; la course de balayage devant être effectuée par le mélange air-gaz, l’atmosphère serait rapidement viciée.

Précautions à prendre avec un gazogène. - L’oxyde de carbone est un poison extrêmement violent, d’autant plus dangereux que rien ne décèle sa présence dans l’atmosphère. Cependant le gazogène ne présente aucun danger pour le conducteur et les passagers. Il y a lieu néanmoins de prendre quelques précautions :

Le véhicule ne sera remisé dans un garage où demeure un veilleur de nuit ou bien dans lequel stationnent des voitures à essence que si le foyer est éteint. Dans les autres cas, on pourra le laisser allumé, mais le matin, on ne pénétrera dans le garage qu’après l’avoir bien aéré.

L’allumage du foyer en partant à l’essence ne présente aucun danger et peut être fait dans la remise. La préparation du gaz au ventilateur ne peut être faite dans le garage qu’à la condition expresse de pouvoir présenter une torche enflammée à la sortie du ventilateur, et, au moment du lancement, à l’échappement du moteur.

Lorsqu’on ouvre la porte de chargement d’un générateur allumé, une explosion peut se produire : on n’ouvrira la porte qu’en se tenant le plus loin possible, et, si l’explosion ne se produit pas, on la provoquera en lançant une allumette enflammée dans la trémie.

Le danger d’incendie est, lui aussi, inexistant, si le générateur est isolé de la carrosserie par un espace libre suffisant et par un fort carton d’amiante ; la prise d’air du foyer doit être munie d’un clapet anti-retour de flamme ; comme on peut craindre que ce clapet ne fonctionne pas et qu’une flamme jaillit souvent du foyer quand on arrête le moteur, on cherchera, pour arrêter le véhicule, un emplacement tel que le feu ne puisse être communiqué à des herbes, aiguilles de pin, etc … ; de même, on évitera de nettoyer le foyer encore chaud à côté de matières inflammables.

A. Lepoivre, Professeur A. et M. et E. S. B.

[1Arrêtés du 14 septembre 1940.

[2Les anneaux Raschig sont de simples viroles en tôle mince d’environ 1 cm. de diamètre et 1 cm. de haut.

[3Nous déconseillons l’emploi des grains de liège : peu à peu ils se tassent et le passage du gaz étant gêné, il faut les retirer puis les remettre en place ; en outre, par temps très froid, ils se prennent en un bloc de glace qui empêche tout passage de gaz.

[4Aux allures lentes, le foyer est moins vif et la proportion d’anhydride carbonique peut augmenter.

[5Pouvoir calorifique du mélange air-essence.

[6Cette opération a été faite sur un moteur que nous connaissons.

Documents à télécharger

  • Les gazogènes (PDF, 26.9 Mio)
    Copie de l’article original tel que paru en 1941.
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