Les circonstances actuelles montrent que, dans l’ordre économique, il y a grand intérêt à ne pas négliger les ressources que les forces naturelles mettent gratuitement à la disposition de l’homme pour lui permettre de produire, à volonté, la chaleur et la lumière dont il a besoin.
Dès l’apparition de la machine dynamo-électrique, on eut l’idée de tirer parti du vent comme force motrice pour l’actionner. Les Danois, passés maîtres dans l’art d’utiliser les moulins à vent, n’ont pas négligé cette application. La Nature a donné des détails, en 1914, sur l’installation d’un grand moulin à vent contribuant, pour une large part, à l’alimentation d’une station centrale destinée à l’éclairage d’une ville danoise.
En France, ce procédé ne s’est pas généralisé jusqu’à présent, parce que le problème du moteur éolien associé à la dynamo est resté sous la dépendance de la suppression des poulies et engrenages qui encombrent ces deux appareils, les compliquent et leur font perdre toutes leurs qualités naturelles de simplicité et de souplesse.
Cependant, un chercheur, M. P. Fayard de Mille, qui a longuement étudié cette question, a trouvé le moyen de supprimer les fâcheux intermédiaires entre le moteur à vent et la dynamo ; comme, généralement, la dynamo doit tourner cent fois plus vite que le moteur à vent de même puissance, il a fallu recourir à un type de dynamo spécial et modifier profondément la structure du moteur à vent pour ramener ces deux mécanismes à la même vitesse. L’emploi des dynamos multipolaires permet de réduire sensiblement la vitesse de rotation de ces machines, mais, cependant, sans dépasser une certaine limite imposée par le poids, le rendement et l’économie.
Restait donc la seule ressource d’accélérer la vitesse du moteur à vent, tout en améliorant son agencement en vue de la régularité, de la solidité et du rendement.
La puissance d’une hélice de moteur à vent est proportionnelle à sa surface qui, elle-même, est proportionnelle au carré de son rayon ; mais sa vitesse de rotation est. inversement proportionnelle à ce rayon. Pour augmenter la vitesse sans réduire la surface, il n’y a donc qu’un moyen : diminuer le rayon et augmenter le nombre des hélices, sans toutefois, perdre la force fournie par le vent.
Les recherches expérimentales de M. Fayard de Mille ont montré qu’en calant l’induit de la dynamo directement sur l’axe du moteur à vent, portant six hélices suffisamment espacées, on réalise un appareil aéro-électrique qui satisfait aux conditions de rendement, de fonctionnement régulier et de sécurité, chargeant parfaitement de petits accumulateurs a l’aide d’un conjoncteur-disjoncteur automatique.
Cette combinaison échappe, dans une large mesure, à la loi connue en aéro-dynamie sous l’appellation de Loi des Cubes. C’est cette loi qui s’oppose à ce que les gros oiseaux, et même les gros insectes, volent aussi aisément que les petits, et qui, jusqu’en ces dernières années, a mis obstacle à la construction de très grands aéroplanes, alors que les Hélicoptères, ces petits jouets connus depuis longtemps, volent parfaitement.
C’est en vertu de la Loi des Cubes que le poids, le prix, mais non la solidité, d’une hélice sont proportionnels au cube de ses dimensions, tandis que sa puissance motrice ou réceptrice, n’est proportionnelle qu’à sa surface, c’est-à-dire au carré de ses dimensions, d’où il résulte que ses faiblesses croissent, avec ses dimensions, plus vite que ses qualités, et que plus une hélice est grande plus se réduisent les avantages de son emploi, à la différence de ce qui se présente dans les machines de capacité, comme les machines à vapeur. C’est pourquoi les machines à vapeur se sont substituées aux moteurs à vent.
Le moteur à vent muni de six hélices au lieu d’une seule, pour réaliser la même surface utile, a donc un diamètre bien plus petit et, dès lors, échappe, dans une large mesure, à la Loi des Cubes dans le rapport de $$$ \frac{\sqrt{6} }{\sqrt{1} }= 2,449$$$. Il est plus économique, plus robuste, plus gouvernable et enfin d’allure plus régulière, en raison de l’incessante variabilité des courants d’air naturels en un point trop restreint. Il ne paraît pas douteux, aujourd’hui, que pour donner tous les résultats pratiques que l’on doit trouver dans leur emploi, les moteurs à vent doivent subir une transformation imposée par la Loi des Cubes. Cette transformation rationnelle est encore justifiée par ce fait que l’action du vent sur des surfaces successives est elle-même sous la dépendance des principes, observations et phénomènes qui se résument comme suit :
1° La pression du vent sur une surface plane, qui lui est opposée, normalement, est proportionnelle à l’ étendue de cette surface.
2° Jusqu’à 30° la pression du vent sur cette surface est indépendante de l’angle d’incidence ;
3° Il n’y a pas entraînement de mouvement entre des couches d’air voisines : à 10 cm d’un vaste courant d’air artificiel de 15 m à la seconde, sans aucun cloisonnement, l’air est parfaitement calme ;
4° Les filets élémentaires constitutifs d’un courant d’air naturel, par certains vents — surtout les vents du Midi — ne sont ni parallèles entre eux, ni constants en vitesse et en direction.
De ces observations, il résulte qu’on peut orienter l’axe d’un moteur à vent à six hélices, suffisamment espacées, soit dans la direction même du vent, soit sous une inclinaison de 20 à 30° ; les hélices ne se contrarient pas dans leur fonctionnement ; le travail produit est plus constant qu’avec une seule hélice ; enfin l’appareil est plus solide et résiste mieux aux coups de vent qui ne l’atteignent pas sur toute sa surface au même instant. Tous les avantages que l’on doit demander au moteur à vent — pour résoudre le problème dont une solution entièrement satisfaisante n’avait pu être obtenue jusqu’ici — se trouvent donc réalisés. Pour fixer les idées par un exemple, un dispositif de dimensions pratiques, mesurant 10 m2 de surface des voiles avec hélices de 1,60m de diamètre produira, par un vent modéré de 5 à 10 mètres par seconde, un travail utile de 5 à 20 hectowatts avec une dynamo à six pôles ayant un rendement de 0,66.
Si l’on considère qu’il passe sur le toit de chaque maison, surtout dans certains pays, plus de force qu’il n’en faut pour procurer à ses habitants toute la chaleur et toute la lumière nécessaires à leurs besoins ; que le moteur à vent permet de capter cette force, et la dynamo de la transformer et de la conduire à pied d’œuvre, on peut être surpris que la captation usuelle de l’énergie, dans de telles conditions ne soit pas un fait accompli. Dans les circonstances actuelles, en présence de la cherté des combustibles et des difficultés de s’en procurer, il est à peine besoin de faire remarquer combien serait précieuse l’utilisation ainsi généralisée d’une force que la nature, souvent avec une persistante importunité, met si amplement à notre disposition.
Henri Blin.