Les cerfs-volants japonais

La Nature N°699 — 23 octobre 1886
Dimanche 6 novembre 2011

Nous ayons récemment parlé de la théorie des cerfs-volants et des expériences exécutées dans le courant de cette année à l’aide d’un appareil de grande dimension construit par M. Maillot [1]. Il nous paraît intéressant d’appeler l’attention sur les remarquables cerfs-volants japonais qui diffèrent absolument des nôtres par leur forme, par le mode de leur confection, et qui fonctionnent dans des conditions de stabilité parfaite.

Nous avons récemment expérimenté ces petits cerfs-volants dont nous nous étions procuré deux spécimens différents chez les marchands, si nombreux aujourd’hui, d’articles japonais. Le premier d’entre eux a la face légèrement bombée (fig. 1), il est formé d’une carcasse de jonc très mince, recouverte d’un papier de couleur, très solide et très léger, dans la fabrication duquel excellent les industriels de l’extrême Orient. La partie bombée a l’aspect d’un personnage fantastique, muni de deux ailes dont le contour est fait de jonc. Le papier des ailes n’est pas tendu, il forme poche, l’air s’y engouffre et s’échappe par des orifices ménagés à leur extrémité.

Il est probable que les courants d’air ainsi formés aux deux extrémités de l’aile contribuent puissamment à assurer la stabilité du système.

Ce cerf-volant japonais s’élève très facilement, et lorsqu’il plane à une certaine hauteur, il offre assez bien l’aspect d’un oiseau aux ailes étendues ; quand il y a de la brise, sa force ascensionnelle est considérable, et nous avons pu enlever, avec un de ces appareils de petite dimension, des objets d’un poids appréciable. Nous signalerons à ce sujet une expérience amusante ; elle consiste à attacher une lanterne vénitienne contenant une bougie allumée à la partie inférieure du cerf-volant. Cette lumière, quand on fait l’expérience pendant la nuit, s’aperçoit seule dans l’espace et produit un singulier effet, qui ne manque pas de faire pousser des cris de joie aux jeunes spectateurs, indispensables témoins de semblables essais.

On remarquera que le cerf-volant japonais n’a pas de queue, ni aucun appendice de ce genre, ce qui ne l’empêche pas de très bien fonctionner.

Un second spécimen (fig. 2), est à peu près semmblable au précédent. Il n’en diffère que parce que sa face antérieure est plane au lieu d’être bombée ; les ailes latérales sont disposées de la même manière. Notre dessinateur a représenté sur sa composition le cerf-volant tenu debout au premier plan, afin que l’on puisse voir sa disposition ; il a montré, en outre, l’aspect et l’inclinaison qu’il prend à l’extrémité de la cordelette à laquelle il est fixé, lorsqu’il fonctionne au milieu de l’air.

Les habitants de l’extrême Orient sont nos maîtres, paraît-il, dans l’art de construire les cerfs-volants ; un voyageur de nos amis, qui a parcouru la Chine et le Japon, nous assurait avoir vu dans le cours de ses trajets, d’autres cerfs-volants différents de ceux que nous voyons chez les marchands européens. Il serait intéressant d’avoir des renseignements précis à ce sujet, et nous accueillerons avec empressement ceux que pourraient nous envoyer nos lecteurs de ces pays lointains. Chez nous, d’ailleurs, la forme des cerfs-volants est assez variable ; en outre du cerf-volant classique, terminé par une longue queue de papier, on connaît les cerfs-volants carrés, et les cerfs-volants hexagonaux ou octogonaux, analogues à celui que M. Maillot a adopté dans ses intéressantes expériences. Il ne nous parait pas bien difficile de construire des cerfs-volants semblables à ceux des Japonais, et d’essayer de leur donner des dimensions plus considérables. Il y aurait là une série d’études attrayantes, qui ne manqueraient pas d’éclairer une question encore peu connue bien qu’elle remonte à une époque fort ancienne.

Les Japonais confectionnent un autre système d’appareil aérien que nous représentons ci-contre (fig. 3), C’est un poisson en papier peint, qui atteint parfois plusieurs mètres de longueur ; sa plus petite dimension est environ de 0,50 m. Il est creux intérieurement, ouvert à ses deux extrémités et forme ainsi une sorte de tube avec un renflement intérieur. On attache cet appareil à l’extrémité d’une longue perche, et quand il y a du vent, l’air oriente le système dans le sens de son mouvement ; il gonfle en même temps ce poisson de papier, en entrant par l’orifice antérieur et en sortant par l’orifice postérieur. Rien n’est plus curieux que de voir ce gros poisson s’animer en quelque sorte sous l’action du vent ; il est fort bien proportionné, peint avec beaucoup d’art et prend l’aspect d’un être vivant. Ce poisson japonais n’est pas seulement un objet d’amusement ; il constitue une excellente girouette et c’est à ce titre que nous le recommandons à nos lecteurs.

Nous rappellerons à ce sujet que la girouette la plus sensible consiste en un simple ruban léger attaché à l’extrémité d’une baguette qui doit dépasser les objets environnés et en dominer le faite.

La direction que prend le ruban indique le sens du courant aérien. Ce petit appareil, comme le poisson japonais, ne peut pas fonctionner quand il pleut, mais ses indications sont très précises, et d’une grande sensibilité, si le ruban est mince et léger, il fonctionne par temps calme alors que les girouettes ordinaires restent absolument immobiles.

G. T.

[1Voy. n° 695, du 25 septembre 1886, p. 269.

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