Les jardiniers de l’extrême Orient, et notamment ceux du Japon, ont une habileté proverbiale qui a été constatée par tous les voyageurs. On sait qu’ils sont très versés dans la culture ; mais on ignore généralement qu’ils connaissent des procédés leur permettant d’atrophier artificiellement les végétaux, de les empêcher de croître, de les rendre difformes et de leur donner ainsi cet aspect bizarre et fantastique, qui est en quelque sorte la caractéristique de l’art au Japon et en Chine.
M. E. A. Carrière a publié sur ce sujet très peu connu, des renseignements fort intéressants que nous lui empruntons en partie dans la présente notice.
« Nous nommons nanisation, dit le savant directeur de la Revue horticole, l’ensemble des procédés usités par les Japonais pour maintenir certains végétaux à des dimensions plus ou moins réduites, procédés dans lesquels ils excellent, et dont on peut dire qu’ils ont fait un art. On peut partager cet art en deux séries : l’une qui consiste à rapetisser les plantes, tout en leur conservant leur aspect naturel ; l’autre qui tout en les nanisant, en modifie les formes. Faute d’une appellation précise, nous donnons à l’ensemble des moyens que comprend cette dernière série, le nom de monstruosisme, qui, du reste, paraît assez bien approprié, puisque, en effet, il ne s’agit pas seulement de rapetisser les végétaux, mais encore de leur donner bien avant l’âge, l’aspect de vieillards rachitiques et difformes, comparés aux individus de ces mêmes espèces qui ont poussé en liberté. »
On se demandera comment les Japonais obtiennent ces curieux résultats. M. Carrière essaye d’en donner l’explication à l’aide de quelques hypothèses. On peut supposer que lorsque les Japonais veulent empêcher la croissance d’un végétal, ils choisissent des essences et probablement des variétés qui s’y prêtent, et dont la nature permet de les maintenir à l’état nain, tout en contrariant leur végétation. Alors ils en contournent ou rattachent les branches, et les munissent de ligatures, pour leur faire prendre une forme déterminée. On peut aussi admettre qu’ils les privent de nourriture et ne leur donnent que ce qui est absolument nécessaire à l’entretien de la vie. Ce fait explique comment on voit parfois des végétaux âgés de près d’un siècle et même plus, qui sont très petits et peuvent vivre dans des pots de dimensions relativement très restreintes ; la tige parfois remplit entièrement ces pots comme dans un des spécimens représentés sur la gravure ci-dessus (n° 4).
Malgré tout cela, il faut reconnaître que le climat du Japon se prête merveilleusement à un semblable traitement, si contraire au développement normal, car dans des pays chauds, arides, fortement insolés, il est très douteux que ces arbres pourraient supporter cette culture anormale.
De tous les végétaux, les Conifères paraissent être ceux sur lesquels les Japonais exercent surtout l’art du nanisme et du monstruosisme, et ce sont principalement des Pins qu’ils soumettent à ce traitement. Les dessins ci-contre montrent des exemples très remarquables des résultats obtenus ; la tige très réduite est placée plus ou moins haut, à l’extrémité de racines qui semblent nager dans l’air (n° 3), et qui, supportées par des tuteurs, descendent et viennent s’implanter dans la terre, pour y puiser leur nourriture. On ne distingue même plus le point de séparation de la tige et de la racine. L’individu n° 3 n’avait pas moins de 70 centimètres de hauteur ; il était âgé de quarante ans. La plante figurée n° 1, a environ trente-cinq ans. Le jeune pin n° 2 est un spécimen qui a été apporté à Paris lors de l’Exposition de 1878 ; il avait, paraît-il, dix années d’existence.
L’arbuste représenté à la droite de notre gravure (n° 4), d’après des renseignements certains, est âgé d’au moins cent ans ; il a 1,20m de hauteur et le vase qui le contient, 50 centimètres de diamètre.
Nous ajouterons en terminant, que les Chinois comme les Japonais excellent à naniser les arbres, et que ce besoin de rapetisser les choses, s’étend non seulement aux végétaux d’ornement, mais encore aux arbres fruitiers.