La glace joue un rôle important dans l’économie domestique ; elle sert à conserver les substances alimentaires, à rafraîchir les boissons et à obtenir les préparations si connues sous le nom de glaces et de sorbets.
Dans les pays chauds, l’usage des boissons glacées est immémorial. Les écrivains hébreux en font mention comme d’un raffinement particulier aux Perses, aux Égyptiens et aux Indiens. Leurs procédés pour obtenir la glace sous leur ciel brûlant étaient simples et ingénieux et se sont conservés jusqu’à nos jours malgré tous les progrès de la chimie et l’invention des machines frigorifiques. Ils sont fondés sur l’évaporation des liquides. Par les nuits d’été, on met de l’eau dans de grands bassins très larges et peu profonds exposés à l’air libre et soutenus à un mètre environ du sol par de la paille de maïs ou des bambous. Quand le ciel est serein et l’air calme, le liquide se congèle, même lorsque la température ambiante reste à 10° au-dessus de zéro.
Les Grecs et les Romains rafraîchissaient aussi le vin et l’eau, soit en les entourant de neige ou de glace, soit en y ajoutant, au moment de les boire, une petite quantité de ces substances ; soit, enfin, en les passant dans un filtre rempli de neige. Les anciens connaissaient aussi les préparations que nous nommons glaces d’office. La glace destinée à la consommation était, à Rome, emmagasinée dans des glacières à peu près semblables à celles de nos jours.
Même après la chute de l’Empire, l’usage des boissons glacées se maintint en Espagne, en Grèce et en Italie. C’est seulement à la suite des campagnes de François 1er, dans ce dernier pays, qu’il se répandit en France dans les classes aisées. Dès le XVIe siècle, on connaissait les mélanges réfrigérants. En 1550, on employait couramment à Rome, le mélange de salpêtre et de neige pour rafraîchir l’eau et le vin. Plus tard Bacon reconnut la possibilité de congeler l’eau avec un mélange de neige et de sel marin. Par la suite, d’autres mélanges n’exigeant pas la neige furent indiqués par Bogle, Réaumur, Walker et l’on fit de la glace sans difficulté au milieu de l’été.
Les premières constructions destinées à conserver les grands approvisionnements de glace ne furent établies en France qu’en 1560, sur les indications du médecin botaniste Pierre Belon, qui décrivit celles qu’il avait vues en Turquie.
Les sorbets furent préparés en France pour la première fois en 1560, par le Florentin Procopio Cultelli, le fondateur du célèbre café Procope, rue de l’Ancienne-Comédie.
C’étaient des préparations de liquides sucrés et aromatisés au suc de fruits qu’on transformait en une pâte onctueuse par la congélation. Au café Procope les glaces avaient la forme d’un œuf et le verre qui les contenait ressemblait à un coquetier.
En 1776 seulement, le propriétaire du café Le Caveau, à Paris, parvint à donner de la consistance aux préparations glacées, créant ainsi les glaces proprement dites.
Les fromages à la glace, fort estimés au XVIIe siècle, contenaient de la fraise, de l’abricot, des groseilles, mais jamais une goutte de crème. « On en varie les couleurs, dit Grimod de la Reynière, de manière à réjouir l’œil autant que le palais. C’est à coup sûr le plus beau bouquet qui puisse terminer un dessert. »
Au XVIIIe siècle les glaces et la glace à l’état naturel jouent un rôle important dans le service des tables luxueuses. Certains vins sont, comme aujourd’hui, placés, avant d’être servis, dans des seaux à rafraîchir qui sont souvent des pièces d’orfèvrerie remarquables. Nous reproduisons un beau modèle dû à l’ornemaniste Aurèle Meissonnier, « dessinateur du cabinet du roi », l’apôtre le plus brillant du style Louis XV et le rival de Pierre Germain.
A notre époque, la glace est une substance de consommation journalière : Paris seul en absorbe chaque année plus de 30000 tonnes. On conserve dans des glacières la glace des lacs et des étangs ; autrefois même on en faisait venir souvent des approvisionnements importants de Suède, de Norvège, de Suisse même de l’Amérique du Nord et malgré cela on en manquait quand il y avait de fortes chaleurs succédant à un hiver peu rigoureux. Aujourd’hui, grâce aux progrès des sciences physiques, la fabrication industrielle de la glace à bon marché est un problème complètement résolu par la machine à chlorure de méthyle de Vincent, les appareils Carré à compression d’ammoniaque et Pictet, à acide sulfureux ; elle revient à moins de un centime le kilo. Elle est à volonté transparente ou opaque, telle que celle des carafes frappées, suivant qu’on a enlevé ou non l’air dissous dans l’eau en la solidifiant plus ou moins rapidement.
L’usage de la glace et des boissons glacées est sans inconvénient quand il n’y a pas abus ; mais, prise sans modération, elle peut occasionner la gastralgie et la dyspepsie. Il faut aussi, à un autre point de vue, écarter la glace qui s’est formée à la surface des étangs souillés, les germes qu’elle contient subsistant encore à cette température.