La force motrice par les rayons solaires

J. d’Izier, La Nature N°2007 — 4 novembre 1911
Dimanche 11 octobre 2009 — Dernier ajout vendredi 26 avril 2019

L’idée d’utiliser directement la chaleur solaire à la production de la force motrice n’est sans doute pas de celles dont on dit qu’elles sont vieilles comme le monde. Cependant, elle a déjà tenté de nombreux inventeurs, au premier rang desquels il faut citer MM. Mouchot et Abel Pifre, dont l’insolateur, lancé industriellement en 1880, obtint des résultats intéressants [1].

On sait que cet ingénieux appareil se compose essentiellement d’un réflecteur tronconique qui concentre les rayons de l’astre sur une petite chaudière cylindrique disposée sur son axe. Installé dans des régions très ensoleillées (Algérie, Égypte), cet insolateur a fourni normalement une puissance d’un cheval-vapeur avec un réflecteur d’une surface de 20 m2.

Il y a un peu plus de deux ans, nous eûmes l’occasion de décrire ici même un insolateur d’un système tout nouveau, inventé par M. Frank Shuman, et qui était le fruit de dix années d’études et d’expériences. Avec cet appareil, l’ingénieur américain put obtenir normalement une force de trois chevaux et demi qui lui servait à actionner une pompe.

Un tel résultat ne pouvait qu’encourager M. Shuman à mettre son invention au point, et, à première vue, il semble qu’il y ait réussi, puisque sa nouvelle machine a pu actionner durant cinq semaines une pompe qui élevait 13500 litres d’eau par minute à une hauteur de 10 mètres.

L’agencement de M. Shuman, qu’il appelle pittoresquement un sun-power-plant (usine d’énergie solaire), se compose essentiellement de trois parties : 1° l’absorber, où se concentre la chaleur solaire et où s’élabore la vapeur ; 2° le moteur, qu’actionne la vapeur ainsi produite ; 3° le condenseur de vapeur, qui permet d’utiliser indéfiniment la même eau.

La première partie, qui est, si l’on peut dire, l’âme même de l’invention, mérite une description détaillée. Cet absorbeur se compose de séries d’éléments identiques entre eux, constitués chacun par une boite métallique, plate et de forme rectangulaire, et dont l’intérieur est divisé en alvéoles qui la font ressembler à une gaufre gigantesque. L’eau d’alimentation circule sur ces alvéoles.

Ce premier récipient métallique est enfermé dans une boîte en bois, plate elle aussi, et fermée par un couvercle composé de deux vitres séparées par un intervalle de 0,025m rempli d’air. Pour lutter avec plus d’avantage contre la perte de chaleur par radiation, le fond de ces boîtes a été muni de deux feuilles de carton imperméable à l’eau, séparées par une couche de liège pulvérisé épaisse de 0,05m.

Ces boîtes sont montées sur des supports qui les élèvent à 0,75m au-dessus du sol, et qui permettent, en outre, de les incliner de telle façon qu’elles reçoivent perpendiculairement les rayons du soleil. Un mécanisme très simple permet de modifier aisément leur inclinaison, et sans grande perte de temps.

Dans le but d’utiliser plus efficacement la chaleur solaire, l’inventeur a monté des miroirs plans, de fabrication économique, sur les faces latérales de ces bottes, comme on peut le voir sur nos photographies. Ces rayons réfléchis contribuent à l’évaporation de l’eau contenue dans les alvéoles des récipients métalliques. Ceux-ci sont pourvus chacun de deux tuyaux servant respectivement à l’alimentation d’eau et à l’évacuation de la vapeur. Les tuyaux à vapeur des divers éléments sont en connexion avec une conduite principale, large de 0,20m dans l’installation actuelle, et qui amène la vapeur à la machine proprement dite.

Nous n’avons pas à décrire ce moteur à vapeur, qui marche à basses pressions, et est d’un type déjà employé dans l’industrie. Con:me nous l’indiquions plus haut, il est en connexion avec un condenseur, d’où l’eau est renvoyée par une pompe dans le réseau des absorbeurs. L’eau d’alimentation circule donc dans un circuit continu fermé, ce qui lui évite de grands écarts de température.

Nous avons dit que M. Shuman a utilisé la force motrice produite par son insolateur à actionner une pompe d’un débit important. Son installation actuelle sera bientôt transportée en Égypte, où l’on espère que son rendement sera supérieur à celui qu’elle donne en Pennsylvanie. L’Égypte est une des régions du monde les plus ensoleillées, et la température moyenne y est très supérieure (de 8 à 10 degrés) à celle qui règne dans cette partie de l’Amérique.

L’inventeur croit que son système rendra de grands services à des pays comme l’Égypte, où les combustibles de toute nature sont rares et coûteux, et où sa machine, qui n’emprunte son énergie qu’au soleil, pourra fonctionner régulièrement d’un bout de l’année à l’autre. Elle trouvera sa principale application dans l’irrigation, en s’accouplant à des pompes élévatoires.

J. d’IZier

A propos du prix de revient du moteur solaire de M. Schuman, La Nature N°2014 — 30 décembre 1911

[1La Machine solaire de M. Mouchot Ch. Bontemps, La Nature N°137 - 15 Janvier 1876.

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