Le poignard ne diffère du couteau à armer que par un seul caractère qui est d’avoir deux tranchants.
Parmi les armes de main à lame courte, le poignard est, sans doute, après le couteau, la première en date. Un long silex fixé à un manche de bois ou simplement tenu à la main par une partie épaisse et ronde fut, aux temps préhistoriques, un poignard redoutable dans la main de nos farouches ancêtres.
À l’époque du bronze, le poignard était employé par les guerriers en même temps que l’épée : « Agamemnon, lit-on dans l’Iliade, saisit de ses mains le poignard qui pendait toujours attaché au fourreau de son grand glaive. »
Tous les soldats grecs portaient un long poignard, sorte de dague, le parazonium, dont la lame avait la forme d’une feuille do sauge.
Le parazonium se portait à la ceinture sur le côté droit, tandis que l’épée était fixée obliquement sur le côté gauche par un baudrier court, le bord de la poignée à la hauteur du sein.
Chez les Romains de l’Empire nous retrouvons le parazonium, mais porté seulement par les chefs. Quelques empereurs sont figurés avec’ cette arme posée sur le creux de la main, dans une attitude de commandement pacifique. Elle se. portait ordinairement sur le côté gauche.
Au moyen-âge, les Arabes fabriquaient des poignards remarquables non seulement par la trempe de l’acier, mais encore par leur riche damasquinerie. D’élégants dessins couvrent la lame, le manche et même le dos de la lame. On ne pouvait tuer avec une arme plus artistique.
Parmi les plus beaux spécimens de l’art mauresque, est le poignard de Boabdil, dernier roi maure de Grenade (1481-1492). — Conservée au musée de Madrid, cette arme figura, avec toute l’armure du roi, dans l’élégant ’pavillon de l’Espagne, sur le bord de la Seine, lors de notre dernière exposition universelle. La poignée de cette arme merveilleuse, dont nous reproduisons la lame, est en or massif ornée d’émaux bleus, blancs et rouges.
Les armes d’Almeria de Séville, de Tolède surtout, étaient célèbres dès le IXe siècle. Après l’expulsion des Maures d’Espagne, la corporation des armuriers de Tolède acquit une grande importance et fut dotée de privilèges exceptionnels. Y appartenir était un grand honneur qui ne s’obtenait qu’après avoir justifié non seulement d’une habileté extraordinaire, mais aussi d’une irréprochable probité. Cette corporation à possédé des artisans célèbres, tels que Juan Martinez, Antonio Ruiz, Dionosio Carrentes.
La dague est un long poignard — ou une épée très courte — à lame ordinairement étroite et aiguë. Bien qu’elle n’ait parfois qu’un seul tranchant, elle se distingue aisément du couteau à armer parce que le milieu de sa lame est toujours, jusqu’à la pointe, la suite directe de l’axe de la poignée. Comme l’épée, la dague est pourvue d’une poignée, d’une fusée et d’une garde. Cette dernière, d’abord en croix, fut complétée plus tard par dés anneaux latéraux.
Dès la fin du XIIIe siècle les soldats portent la dague à la ceinture. Elle est fixée sur le côté droit, symétriquement avec l’épée qui se porte sur le côté gauche. Arme des gens de pied, elle ne fut adoptée que plus tard par les gentilshommes.
Les dagues les plus anciennes, très effilées, sont nommées perce-maille. La dague à rouelles commune au XIVe siècle, est remarquable par sa poignée formant des espèces de petites roues. Quant aux dagues à oreilles ou stradiotes, en usage au XVe et XVIe siècles, leur pommeau est épanoui en ailes de papillons.
À la fin du XVe siècle, la dague se porte toujours, aussi bien dans la vie civile qu’à la guerre. Elle se met à la ceinture mais tombe plutôt sur le bas des reins que sur le côté. Certains soldats, comme les lansquenets, ont une dague dont la gaine s’évase par le haut en forme de trousse, et dans cette trousse il y a un ou plusieurs couteaux de formes diverses.
À partir du XVIe siècle, la dague devient surtout une arme de main gauche qui accompagne toujours l’épée dans l’escrime. La longueur de sa lame est, en général, le tiers de celle de l’ épée.
« La main gauche, dit M. Lacombe, a une forme bien caractéristique. Elle porte d’un côté une garde recourbée jusqu’au pommeau, en forme de coquille. Au talon de la lame, du côté opposé, on remarque une empreinte en creux, destinée à retenir le pouce. On tenait cette arme le pouce en dessus et la garde en dessous. On s’en servait pour parer les coups d’épée de l’adversaire, tandis qu’on l’attaquait avec sa propre épée. Telle était l’escrime du temps. La garde de la main gauche formait souvent le champ d’une décoration élégante. »
Quant à la miséricorde, c’est une grande dague à large lame des XIVe et XVe siècles, qui servait pour poignarder l’ennemi vaincu, renversé, demandant quartier et miséricorde.
Les sandedei ou langues de bœuf sont des armes de main du même genre rentrant, comme les miséricordes, dans la catégorie des dagasses ou dagues à large lame.
L’usage des dagues disparut a la fin du XVIIe siècle et l’épée figura seule dans les duels et à l’armée.
On peut signaler la renaissance du poignard, dans l’armement moderne, sous la forme de la baïonnette qui tend à s’écourter, de plus en plus. Les troupes anglaises, dans l’Afrique du sud, sont munies d’une baïonnette courte et méplate, avec pointe retaillée, un véritable poignard.
G. Angerville