La dernière pharmacopée française (Codex de 1908) admet dans son tableau synoptique des plantes médicinales indigènes deux variétés de Moutardes, la Moutarde noire (Brassica nigra K.) et la Moutarde blanche (Brassica alba K ) Crucifères, mais comme la première est de beaucoup la plus employée, c’est elle qu’il vaut mieux cultiver dans le Jardin familial.
Habitat. — Commune dans presque toutes les parties de l’Europe, on trouve la moutarde noire dans les champs, les lieux pierreux, les décombres, etc.
Description sommaire. — Plante à tige dressée de 0m. 20 à 1 m., velue dans sa partie inférieure. Feuilles pétiolées, lobées èt presque glabres. Fleurs (juin-août) petites, jaunes et disposées en grappes terminales. Fruits (siliques), courts, grêles, tétragonaux, s’appliquant contre l’axe floral ainsi que leur pédicelle. Graines très petites, comprimées, brunes ou noirâtres.
Culture. — En France, la moutarde noire est cultivée en grand surtout en Alsace, puis en Flandre, en Picardie et dans la Charente-Inférieure. Elle demande un bon sol bien préparé, parce qu’elle végète rapidement. Les terres à blé, un peu légères, argilo-calcaires, assez riches en humus, sont celles qui lui conviennent le mieux.
Multiplication. — Elle a lieu par semis en mars-avril. Dans le Jardin familial des fermes d’élevage, où on doit lui accorder une assez grande place, on sème à la main, mais, dans les champs de grande étendue, on recourt au semoir mécanique, en lignes espacées de 0m. 50 pour faciliter les binages. On estime que, selon le procédé employé, il faut de 5 à 6 kg ou 3 à 4 kg à l’hectare. Les graines sont recouvertes suffisamment de terre par râtelage ou hersage, en raison de l’endroit où le semis est fait. On effectue le premier binage quand les petits plants ont trois ou quatre feuilles et le second lorsqu’ils atteignent 0m. 15 à 0m. 20 de hauteur.
Récolte et rendement. — On y procède, selon la région, de fin juin à septembre ou de juillet à août, dès que les feuilles commencent à tomber ou quand les graines contenues dans les siliques deviennent jaunâtres. Il importe de saisir le moment convenable, car si les siliques sont complètement mûres, elles ont beaucoup de tendance à s’ouvrir et laisser tomber leurs graines. Pour la récolte dans les champs, je renvoie le lecteur aux ouvrages de MM. A. Rollet et D. Bouret, ou de MM. A. Goris et J. Demilly, dans lesquels il trouvera tous les renseignements nécessaires. Dans le Jardin familial, on coupe les tiges avec un sécateur en opérant le matin ou le soir et non au soleil ; on les laisse sécher sur le sol en les couvrant d’une toile pour protéger les graines contre les oiseaux. Lorsque -les tiges sont sèches, on les bat avec des baguettes pour ne pas écraser les graines, puis on dépose celles-ci dans un endroit sec où on les remue de temps à autre pour éviter les fermentations. Le rcndement moyen à l’hectare est de 15 à 20 hectolitres pesant chacun de 65 à 68 kilogrammes.
Composition chimique. — D’après Moride, les semences contiennent, pour 100, 63,o’ de matières organiques ; 27,36 d’huile ; 3,3z de phosphates ; 1,10 de silice et 5,20 d’eau. Elles renferment de la sinapine, de l’acide sinapique, un ferment la myrosine, un glucoside le myronate de potasse appelé sinigrine, qui se décompose sous l’influence de la myrosine, en présence de l’eau froide ou inférieure à la température de 400, en essence de moutarde (isosulfocyanate d’allyle) en glucose et en sulfate de potasse. Il se forme, en outre, un peu de cyanure d’allyle et de sulfure de carbone.
Propriétés thérapeutiques. — Elles sont connues depuis fort longtemps et si Columelle est le premier qui ait indiqué la moutarde comme condiment, Galien, Arétée, Théophraste, Dioscoride, Pline, etc., etc., s’en servaient comme médicament ou connaissaient son action. A l’intérieur, on la considère encore pour excitante, antiscorbutique, purgative, selon la dose, mais elle est très peu usitée ; c’est, en réalité, bien plutôt un condiment qu’un médicament et elle constitue un des excitants les plus énergiques de la digestion. A l’extérieur, sa principale action en fait un révulsif toujours très employé et même le plus populaire de tous.
Préparations pharmaceutlques. — On ne prescrit plus aujourd’hui que celles qui se rapportent à l’usage externe, parmi lesquelles la plus usitée est assurément le sinapisme qu’on prépare de différentes manières, mais pas toujours comme il le faudrait. Voici, à ce sujet, quelques détails qui ne seront pas superflus pour tout le monde. Si l’on ne peut écraser soi-même les semences, on doit s’assurer, tout d’abord, si la farine est récente et si elle a été conservée en lieu sec, et, autant que possible, à l’abri de l’air ; on donnera la préférence à celle qui est déshuilée, parce qu’elle est beaucoup plus active et de meilleure conservation. Le procédé à suivre varie selon qu’on veut appliquer un véritable sinapisme ou un cataplasme sinapisé. Dans le premier cas, on prend 200 gr. environ, de farine et on la délaye dans une quantité suffisante d’eau tiède (40° au maximum) de façon à obtenir une bouillie assez épaisse pour ne pas couler à travers les mailles de la tarlatane qui la contiendra. Dans le second cas, on confectionne un cataplasme de farine de lin à la manière ordinaire et, quand il est tiède, on le saupoudre plus ou moins de farine de moutarde, et cc n’est qu’après que l’on replie la tarlatane. En agissant ainsi, on évite l’adhérence des fragments de moutarde sur la peau, ce qui se produirait non, parfois, sans inconvénient pour les émules d’Esaü, si l’addition était faite sur la tarlatane même. Un autre procédé consiste dans l’incorporation de la moutarde à la farine de lin quand le cataplasme est assez refroidi.
Selon les effets qu’on désire, le mélange doit varier dans la proportion d’une partie de farine de moutarde pour quatre parties de farine de lin ou d’un tiers de la première pour deux tiers de la seconde. Pour en obtenir les meilleurs résultats, il faut avoir soin : a) de ne pas dépasser 40°, car une température supérieure diminuerait ou annihilerait la formation de l’essence révulsive ; b) de ne pas ajouter de vinaigre, comme on le fait parfois, ni même d’alcool ou de sel de cuisine, qui nuiraient plus ou moins à la rubéfaction. On prépare encore un bain de pied sinapisé avec 15o gr. de farine de moutarde et un grand bain avec kg de farine que l’on a bien soin de renfermer dans un sachet en toile. On prend dans-ces deux cas les précautions indiquées ci-dessus. Enfin, on recourt aussi à l’essence de moutarde comme épithème rubéfiant : 20 gr. d’essence dans 300 gr. d’alcool à 30°, ou comme liniment révulsif : 2 gr. d’essence dans 100 gr. d’alcoolat de Fioraventi.
Observations commerciales. — La consommation toujours croissante des graines de moutarde noire, pour les besoins de la médecine humaine et de l’art vétérinaire, a fait recommander officiellement la culture de cette plante. Le prix avant la guerre variait de 4o à 5o francs les 100 kilogrammes