L’œuf, ainsi que les plantes, les animaux et toutes les productions naturelles, a été employé comme motif d’ornementation dès la plus haute antiquité. Avec de l’ocre, sur les parois des cavernes ou sur les cailloux roulés, avec un silex sur bois de renne ou de cerf, l’homme de l’âge de pierre en avait déjà reproduit la forme gracieuse. Les œufs des espèces d’oiseaux qui peuplaient alors la terre inculte devaient entrer, sans aucun doute, dans son alimentation, pendant une partie de l’année, comme ils entrent dans celle des grands singes anthropoïdes actuels.
En Égypte, en Grèce, chez les Romains, la forme ovoïde est donnée à une foule d’objets, se retrouve dans un grand nombre de décorations. Dans notre Europe occidentale, au moyen âge, son utilisation n’est pas moins abondante et nos décorateurs actuels sont loin de la négliger. L’œuf se voit partout, en chocolat ou en sucre, à l’étalage de l’épicier, en carton, dans la boîte du camelot ; en nacre, en or ou en argent à la vitrine du bijoutier.
L’œuf naturel lui-même est employé pour la décoration ; il l’a été plus encore autrefois.
L’œuf d’autruche, au moyen âge, passait pour provenir d’un animal mystérieux, le griffon. Ses dimensions énormes étaient bien faites pour surprendre des gens habitués à ne contempler que le « fruit du poulailler », De plus, l’épaisseur de sa coquille donne à celle-ci une grande résistance et la rend moins éphémère que celle de notre fragile œuf de poule, aussi les orfèvres l’ont-ils souvent, à cette époque, monté en métal précieux, pour former des lampes, des suspensions, des coupes très recherchées. Un chapitre entier de l’inventaire de Charles V leur est consacré ; ce qui indique bien la faveur dont jouissaient ces objets.
La mode des œufs d’autruche se continua au XVIe,puis au XVIIe siècle, et notre gravure reproduit précisément une sorte de vase en forme de ciboire fermé, monté sur un haut pied et dont la panse est formée d’un œuf d’autruche. Cette jolie pièce, montée en argent doré, date en 1610 ; elle est actuellement conservée à Exeter College, à Oxford (Angleterre).
Dans ce vase, très allongé, l’œuf n’entre guère que pour le tiers de la hauteur totale. L’autruche fournit toute l’ornementation ; trois pattes de cet oiseau supportent l’œuf, maintenu d’autre part par trois bandes verticales. En haut est un bouton terminal portant trois plumes ciselées qui ne rappellent que de loin celles de l’autruche posée au sommet.
Mais c’est surtout la coutume des œufs de Pâques qui a maintenu cet objet en faveur dans l’ornementation et excité l’ingéniosité des décorateurs. Cette coutume, qui prit naissance au moyen âge, vient sans doute de ce que lorsque l’Église défendit de manger des œufs pendant le carême, le peuple souffrit avec peine d’être privé pendant quarante jours d’un aliment si délicieux. Il vit arriver avec la plus grande joie le jour où il pouvait en reprendre l’usage, mais, comme il était dévot, il crut devoir faire bénir les œufs avant de se régaler. En conséquence, l’usage s’introduisit d’aller, le vendredi saint et le jour de Pâques, les présenter à l’église. On en faisait présent ensuite aux parents et aux amis et bientôt, pour les enjoliver, on les teignit en rouge, en bleu, on les moucheta, on les bariola.
Les grands s’adressèrent aux décorateurs de L’époque et donnèrent en cadeau des œufs magnifiquement coloriés et rehaussés d’or. Le roi lui-même recevait et distribuait des œufs peints et dorés.
L’œuf, avec sa coquille lisse, se prête d’une façon admirable à l’ornementation. Au XVIIIe siècle, nos peintres les plus célèbres, Watteau à leur tête, ne dédaignèrent pas de décorer des œufs dont ils faisaient de véritables œuvres d’art.
De nos jours, l’œuf naturel n’a plus guère de vogue pour les fêtes de Pâques, mais, en revanche, on fait une consommation considérable d’œufs en chocolat, en sucre, élégamment enrubannés et remplis de bonbons ou de jouets. .
Les bijoutiers façonnent des œufs de nacre, d’émail, couverts de matières précieuses, rehaussés d’or et desquels sort, comme de l’œuf un poussin, un bijou délicat.
Il serait difficile de surpasser, comme ingéniosité, l’œuf dont parle Amédée de Ponthieu dans son livre sur les fêtes légendaires. Destinée à un infant d’Espagne, cette petite merveille ne coûta pas moins de 20 000 francs. « Sur les parois internes de cet œuf construit en émail blanc, dit-il, on avait gravé le texte de l’Évangile du jour de la Résurrection et, par un mécanisme ingénieux, un petit coq, logé dans cette jolie cage, chantait douze airs différents de douze opéras à la mode. »
C’est donc, actuellement, comme boîte à présents que l’œuf joue un certain rôle.
En Amérique, depuis quelque temps, on fabrique, avec les coquilles d’œufs mangés pendant le carême, de petites têtes comiques destinées à venir prendre place sur un arbre de Pâques. Chaque coquille renferme une surprise. Les chapeaux, les bonnets sont faits avec des bouts de ruban ; les cheveux, avec du coton ou de la laine, les yeux et les différentes parties du visage sont coloriés sur l’œuf lui-même. On obtient ainsi des effets surprenants.