Il est, de tous les animaux, celui qui a été le plus souvent représenté. Son courage, la terreur qu’il inspirait, et aussi la belle harmonie de ses formes, son maintien noble et digne, la souplesse et la force de ses mouvements, tout contribuait à attirer sur lui l’attention des hommes en général et, en particulier, celle des artistes.
Cette large face, ce regard presque humain, cette crinière splendide qui couvre les épaules comme un manteau, figurent déjà sur les monuments assyriens. Les scènes de chasse y sont fréquentes : tantôt c’est un grand roi, dont le sculpteur retrace les hauts faits, qui saisit un lion par la crinière et le transperce d’une lance ; tantôt, du haut d’un char, le chasseur couvre de flèches son royal adversaire qui, criblé de blessures, bondit toujours. Les lions assyriens ont, au repos ou en action, un aspect féroce ; les muscles et même les veines font des saillies accusées. Les Égyptiens ont combiné, dans leurs sphinx, le corps du lion avec la tête humaine, pour symboliser, sans doute, la force unie à l’intelligence. Les sphinx sont presque toujours représentés couchés ; ils jouent un rôle considérable dans l’art de cette époque. Beaucoup de pieds de meubles sont des pattes de lion ; il est remarquable que les pieds de derrière des sièges et des lits sont représentés par des pattes de derrière.
Chez les Perses, le combat du lion et du taureau - déjà ! - est un motif qui revient fréquemment. La victoire du lion symbolise sans doute le triomphe de la force intellectuelle et de la force brutale. Dans l’art asiatique de ces époques lointaines, les lions gardent les tombeaux ou les portes des villes et des palais.
En Grèce, les supports des meubles sont des pieds de lion à griffes ; les sphinx modifiés n’ont plus leur primitive raideur ; la coiffure égyptienne a disparu ; c’est une gracieuse tète de femme sur un corps de femme qui se termine en croupe de lionne et porte en avant des pattes de lionne ; sur le dos s’élèvent des ailes larges, fournies, aux pointes souvent redressées. Le lion garde encore les tombeaux (mauselée d’Halicarnasse, tombe des Thébains morts à la bataille de Chéronée, etc.) ; il figure sur les frises ; sa tête a fourni un élément décoratif des plus intéressants, le cheneau, que nous fournissent plusieurs temples.
A Rome, on sait le rôle que jouèrent les lions dans les jeux publics ; on prétend même que des lions apprivoisés traînaient des chars qui circulaient dans la ville ; ainsi les modèles ne manquaient pas aux artistes.
Au moyen âge, la figure du lion est déformée souvent à tel point qu’elle en devient méconnaissable ; son corps, uni à celui de l’aigle ou d’autres animaux donne des griffons, des chimères, etc. Dans le blason, il abonde après les croisades, Naissant, quand il n’est vu qu’à moitié, il est morne quand il est dépourvu de dents et de langue, affamé quand il n’a pas de queue -sans doute parce qu’il la serre entre ses pattes- lampassé, quand la langue et les griffes sont d’une autre couleur que le corps, etc.
Dans l’iconographie chrétienne, le lion est l’attribut de Daniel et de saint Jérôme. Le lion ailé personnifiant saint Marc l’Évangéliste est devenu le symbole de Venise.
Sous Louis XV, le sphinx est modernisé d’une façon bizarre ; la tête de femme est coiffée d’un chapeau à la mode de l’époque ; le cou et la moitié du corps sont recouverts d’un mantelet.
L’expédition d’Égypte amène l’envahissement du mobilier par les sphinx, plus ou moins modifiés, comme dans la belle chaise que nous reproduisons. Au XIXe siècle, le lion est demeuré, dans le monument, le symbole de la force et du courage, tel le lion de Belfort et celui du monument de Nelson à Londres, ou encore le symbole de la souveraineté populaire, tel le lion qui protège l’urne au bas de la statue de la République. On pourrait même dire que nos sculpteurs abusent quelque peu des représentations léonines, qui perdent peu à peu leur raison d’être, en même temps que les originaux disparaissent, les uns après les autres, de leurs pays d’habitat, sous les balles explosives.de la civilisation.