Le Masdevallia Chimaera est une des plus fantastiques productions du règne végétal. En regardant cette fleur bizarre on y voit les couleurs d’un oiseau de nuit, la forme d’une grosse araignée et au milieu comme
deux petits yeux noirs et perçants.Le Masdevallia à fleur de chimère est originaire des vallées profondes et humides de la Nouvelle-Grenade. B. Roezl l’a découvert dans la vallée du Cauca en 1872 et depuis cette époque, il a été retrouvé successivement par G. Wallis, Fr. Klabosch et d’autres collectionneurs de plantes ornementales.
Le Masdevallia Chimaera a été décrit pour la première fois, en 1872, par M. H. G. Reichenbach, mais d’après des renseignements incorrects et par conséquent avec des caractères fantaisistes, tels ’lue des pédoncules à cinq fleurs, le calice jaune couvert de poils noirs, le labelle jaune d’or, etc, La description a été rectifiée plus tard, mais il n’en est pas moins vrai que l’histoire de cette fleur est encore pleine de contestations. La plante qui a paru en 1873 dans l’Illustration horticole sous le nom de M. Chimaera n’est pas réellement celle que M. Reichenbach a décrite sous ce nom, mais elle appartient à une autre espèce, le M.Nycterina. Les diverses figures du M. Chimaera qui ont paru dans quelques recueils d’iconographie botanique diffèrent sensiblement entre elles par le coloris et même par la forme des fleurs : il semble que l’espèce soit réellement polymorphe. Roezl a même contesté l’identité de la plante de M. Reichenbach et de la sienne, à laquelle il persiste à attribuer des dimensions beaucoup plus considérables et divers caractères particuliers. Tout récemment le Gardener’s Chronicle a publié une nouvelle figure du M. Chimaera d’après un spécimen fleuri chez M. Bull et qui se rapproche sensiblement de la plante telle que Roezl l’a décrite.
Le Masdevallia Chimaera que nous publions ici, a fleuri au mois de novembre dans la collection de M. F. Massange de Louvrex, château de Saint-Gilles, Liège. Il ressemble étroitement à celui que M. W. G. Smith .« décrit et figuré dans le Gardener’s Chronicle et il présente d’ailleurs tous les caractères attribués à cette espèce dans les descriptions récentes du savant orchidologiste de Hambourg.
Il est voisin du M. bella, du Nycterina et du M. Troglodytes de M. Lamarche, décrit et figuré dans la Belgique horticole en 1877 et qui chaque année, à l’arrière-saison, produit à profusion ses petites fleurs originales. Toutes ces plantes croissent dans la même contrée, la Nouvelle-Grenade.
Leur culture n’est pas difficile, mais exige certaines conditions. La plus importante est la qualité de l’eau qui doit être exempte de calcaire, pure et fraîche. L’air doit être frais et vif comme celui des montagnes. La température ne doit pas être élevée, ni le jour ni la nuit. Quant au sol, moins il y a de terre et meilleur sera-t-il : le sphagnum vivant suffit sur un bon drainage de tessons de pots et de charbons de bois ; on peut y ajouter quelques fragments de terre de bruyère fibreuse.
Voici la description sommaire de la plante que nous avons eue sous les yeux.
La plante se développe en touffe serrée de feuilles épaisses et relativement longues (0,20m). Les tiges florales, grêles et assez allongées (0,10m), s’insinuent dans la mousse ou contre le sol et se terminent par une fleur très grande (jusque 20-25cm) qui s’épanouit sous le feuillage, à moins qu’on n’en redresse le pédoncule contre un léger tuteur.
Le calice est très ouvert, étalé et profondément divisé en trois lobes divergents, blanchâtre, mais abondamment moucheté de petites macules inégales et irrégulières de couleur rose foncé et tout hérissé de poils mous, épars et assez abondants, blancs ou rose foncé, suivant que l’épiderme dont ils procèdent est de l’une et de l’autre couleur. Les lobes sont dirigés l’un vers le haut, les deux autres vers le bas ; tous trois sont en forme de coin et quelque peu contournés, surtout celui du haut ; ils se prolongent tous en une longue corne (8 à 10 cm) lisse et rose foncé, droite ou un peu arquée. Les deux pétales sont très minimes (3 mm), dressés contre la colonne, renflés, étalés à la partie supérieure qui est colorée en rouge brun, sauf une étroite bordure blanche. Le labelle est relativement grand (14 cm), articulé à sa base amincie, d’un blanc rosé : il porte deux crêtes convergentes à sa partie moyenne : son limbe ou épichyle a la forme d’une conque marine à bords relevés, courbés en dedans et découpés en dents de loup, l’extrémité large, obtuse et relevée en sabot, le fond parcouru par trois crêtes saillantes. Colonne très courte, arquée, jaune pâle. Ovaire coudé sur le pédoncule, épais, lisse, brun.
D’après la Belgique horticole