L’Académie des Sciences, après des deuils multipliés, vient encore de perdre l’un de ses membres, M. Edmond Perrier : sa santé était très compromise depuis plusieurs mois ; il est mort presque subitement le 31 juillet 1921.
M. Perrier était né à Tulle, le 9 mai 1844 ; il appartenait à cette forte race des Corréziens, tenace, laborieuse, intelligente, qui a donné à ma génération plusieurs hommes remarquables ; il était resté très attaché à son pays natal. Ses études commencées au collège de Tulle s’étaient terminées à Paris, au lycée Condorcet. En 1864, il était reçu à la fois à l’École Polytechnique et à l’École Normale Supérieure ; déjà épris des sciences naturelles il opta pour l’École Normale. Pourvu de trois licences : mathématique, physique et naturelle, il fut reçu en 1867 au concours d’agrégation et fut nommé professeur au lycée d’Agen. Il ne fit qu’y passer, car en 1868, il devint aide-naturaliste au Muséum ; dès 1869, il était docteur ès-sciences. En 1872, il fut nommé maître de Conférences à l’École Normale. En 1876, il devint professeur de malacologie au Muséum et bientôt il organisa le laboratoire de Zoologie maritime de Saint-Vaast-la-Hougue.
En 1900, sur la présentation de ses collègues, il fut nommé Directeur du Muséum d’Histoire naturelle ; il conserva ces hautes fonctions, pendant vingt années jusqu’en 1920.
Il fut élu membre de l’Académie des Sciences le 12 décembre 1892, en remplacement de M. de Quatrefages. Il était également membre de l’Académie de Médecine.
Les recherches originales de M. Edmond Perrier ont été nombreuses et remarquables, mais elles se sont à peu près limitées à la moitié de sa carrière. Sa thèse de doctorat, inspirée par le classement des collections du Muséum, portait sur les oursins et sur les astéries (étoiles de mer) ; il en a fait notamment connaître nettement les organes de préhension. ces premières études ont été complétées ensuite par l’examen des étoiles de mer recueillies dans la mer des Antilles et dans le golfe du Mexique, grâce à des campagnes maritimes auxquelles il prit une grande part ; elles furent développées également par les observations sur l’appareil circulatoire des oursins récoltés au laboratoire de Roscoff.
Les comatules, seuls représentants des crinoïdes, ont aussi beaucoup occupé M. Perrier ; il a défini leurs appareils de reproduction.
Les vers de terre ou lombriciens ont été l’objet d’études remarquables qu’il a développées à divers points de vue. Il a pu les acclimater en pleine terre loin de leur pays d’origine. Il a montré que ceux d’Europe présentent des dispositions particulières.
Dans le rapport fait pour la première candidature académique de M. Perrier. M. de Quatrefages disait qu’il représentait dignement la grande école de Zoologie anatomique et physiologique qui reconnait pour chefs Cuvier et Milne-Edwards.
Doué d’une grande puissance de travail et d’une extrême activité cérébrale, M. Perrier, outre ses découvertes originales de zoologie, a fait paraîtra un grand nombre de publications.
La plus remarquable est un grand Traité de Zoologie en plusieurs volumes, qu’il a presque achevé : œuvre si vaste, comprenant un domaine si étendu qu’on a peine à comprendre qu’un seul homme ait pu y suffire.
D’autres publications de littérature scientifique ont eu surtout pour but de faire connaître et de vulgariser la théorie de l’évolution. M. Perrier était un apôtre ardent et convaincu de l’évolution, sans condescendances et sans atténuations. Ses principales productions dans cet ordre d’idées ont été : La philosophie zoologique avant Darwin ; un volume universellement répandu sur les colonies animales et la formation des organismes : Lamark et le transformisme actuel ; La femme dans la nature. Il faut noter aussi ses idées sur l’accélération embryogénique (tachygénèse). Le journal Le Temps lui doit de nombreux articles scientifiques.
Très répandu dans le monde, M. Perrier faisait partie de toutes sortes de groupements scientifiques. Il fut membre de la Commission centrale et vice-président de la Société de Géographie, président de la Société d’Acclimatation, vice-président de l’Institut général de Psychologie, président de la Société d’Hygiène, etc.
De relations agréables comme homme du monde et comme savant, ayant acquis par ses travaux une grande notoriété, il laissera un vide réel dans tous les milieux auxquels il a été mêlé.
Georges LEMOINE Président de l’Académie des Sciences.