Charles-Frédéric-Philippe von Martius, conseiller intime de S.M. le roi de Bavière, secrétaire de la classe des sciences de l’Académie royale de Munich et professeur ordinaire de botanique à l’université de la même ville, est né à Erlangen, le 17 avril 1794 [1].
Son père, Ernest-Wilhelm, pharmacien de la cour et professeur honoraire à l’université, s’était acquis une certaine notoriété par des travaux de chimie et de pharmacie ; il fut, en outre, un des trois fondateurs de la Société botanique de Ratisbonne [2]. L’unique frère de Charles était l’éminent pharmacologue Théodore Martius, professeur extraordinaire à l’université d’Erlangen, connu également par un grand nombre de travaux très-estimés sur la pharmacognosie et la chimie pharmaceutique [3].
La famille fait remonter sa généalogie au célèbre médecin et astrologue Galeottus Martius, qui, né en 1427, à Narni, en Ombrie, avait occupé, en 1540, une chaire à l’université de Padoue, et fut obligé, plus tard, de fuir l’Italie, à cause de ses sympathies pour la réforme, On le retrouve à la cour du roi Mathias Corvinus de Hongrie, avec la charge de conseiller et de bibliothécaire. Ses descendants se sont fixés en Allemagne et ont fourni une série d’ecclésiastiques et de savants, parmi lesquels la science botanique a conservé le souvenir de Henri Martius, grand-oncle de Charles, qui a laissé, entre autres ouvrages, une Flore de Moscou.
L’enfance et l’adolescence de Charle-Frédéric-Philippe s’écoulèrent dans les conditions les plus heureuses, au sein d’une famille à mœurs patriarcales, et d’une ville qui respirait, pour ainsi dire, le savoir et les aimables traditions, Sa mère, femme courageuse et instruite, dont il semble avoir hérité le tempérament, exerçait surtout une grande influence sur son caractère et sur le développement de qualités du cœur qui, alors déjà, le rendaient sympathique à tout son entourage.
Au collège de sa ville natale, Charles Martius fit de fortes études de langues et d’humanités. Il y acquit cette facilité d’écrire le latin par laquelle il excellait à une époque où tous les botanistes se servaient encore de cet idiome, et ce goût de l’antiquité classique qui, dans tout le cours de sa vie,
lui faisait aimer la lecture d’Horace, de Tacite, de Lucrèce, de Quintilien et d’Homère.Âgé seulement de seize ans, il passa à l’université pour s’y livrer à l’étude de la médecine et des sciences naturelles. A cette époque, Goldfuss enseignait la zoologie, et le vieux Schreber, disciple immédiat de Linné, la botanique. La preuve du zèle avec lequel Martius avait embrassé cette dernière branche nous est fournie par sa dissertation pour le doctorat en médecine, auquel il fut promu le 30 mars 1814. Elle a pour titre : Plantarum horti academici Erlangensis enumeratio, et contient 210 pages in-8.
L’Académie royale de Munich possédait, sous le roi Maximillen 1er, une organisation qui la constituait à la fois conservatrice des collections scientifiques et littéraires de l’État, et école de perfectionnement pour ceux qui voulaient se livrer à des études scientifiques approfondies. Des élèves académiciens lui étaient attachés pour remplir les fonctions d’aide-naturaliste, de conservateur ou de préparateur, et pour avoir l’occasion de se familiariser avec les méthodes de recherche sous la direction immédiate des académiciens titulaires respectifs. Après avoir subi les épreuves réglementaires, Martius obtint une de ces places, le 13 mai 1814. Il fut attaché spécialement au vénérable Schrank, l’auteur bien connu de la flore et de la faune de Bavière, et chargé du
travail scientifique au jardin botanique qui venait d’être créé. Deux ans plus tard, il fut promu au grade d’académicien adjoint, qui correspond à peu près à notre titre de membre correspondant. Les académiciens qui, après Schrank, ont exercé le plus d’influence sur lui, étaient : von Moll, Schlichtegroll et Soemmerring.Son devoir principal, comme élève-académicien, consistait à déterminer et à classer dans le système les plantes du jardin et de l’herbier, exercice qui, quoi qu’on en dise parfois aujourd’hui, restera toujours le premier, sinon l’unique moyen de former des botanistes véritables, l’école développant l’œil, le sens et la méthode. Les mois de l’été furent utilisés pour des excursions botaniques dans les provinces de la Bavière, dans le Salzbourg et la Carinthie, où lI1artius se rencontra avec Hoppe, le célèbre floriste des Alpes, directeur de la Société de botanique de Ratisbonne.
En 1817, il publia la Flora cryptogamica Erlangensis, qui fut remarquée comme une œuvre sérieuse et témoignant hautement de la vocation de l’auteur.
Pendant que le jeune botaniste achevait et préparait d’autres travaux d’une moindre étendue, une occasion survint qui décida de sa carrière future et le mit d’emblée en évidence.
Le roi Maximilien, qui portait un vif intérêt aux sciences naturelles et à l’accroissement des collections de l’État, nourrissait déjà depuis quelque temps le projet de faire exécuter, à ses frais, un voyage d’exploration dans l’Amérique du Sud. Il fut confirmé dans cette idée par des entretiens qu’il eut avec le voyageur au Mexique, le baron de Karwinski, et par la renommée du voyage au Brésil qu’avait entrepris le prince Maximilien de Neuwied. Le mariage de l’archiduchesse Léopoldine d’Autriche avec le prince héritier de Portugal, qui, plus tard, monta sur le trône impérial du Brésil sous le nom de Dom Pedro 1er, fournit l’occasion de réaliser le projet.
Le gouvernement autrichien avait résolu d’attacher une commission scientifique [4] à la suite qui devait accompagner l’archiduchesse à Rio de Janeiro. Le gouvernement bavarois lui adjoignit le zoologiste Spix et le botaniste Martius, avec la réserve que sur le sol du Brésilles deux commissions se sépareraient et exploreraient le pays, l’une indépendamment de l’autre.
Les naturalistes bavarois n’avaient que peu de temps pour se préparer à une entreprise qui, à cette époque, était incomparablement plus grande et plus difficile qu’elle ne le serait de nos jours. Sans parler des moyens de transport ni de l’organisation matérielle d’un voyage sous les tropiques, la plupart des provinces qu’il s’agissait de parcourir se trouvaient encore dans leur état primitif, et la méthode générale des explorations scientifiques commençait seulement à être fixée. Néanmoins, Spix et Martius entreprirent leur belle tâche, le premier avec l’énergie réfléchie de l’âge, le second avec l’enthousiasme de la jeunesse. Leur courage était stimulé par le souvenir, encore récent, des voyages des disciples de Linné, par l’espoir de grandes découvertes à faire, et par la certitude d’élargir considérablement l’édifice, encore en pleine construction, de la zoologie et de la botanique systématiques.
Le départ eut lieu, de Trieste, le 2 avril 1817, sur la frégate l’Austria. On aborda à Malte, à Gibraltar, à Madère, et, après une traversée heureuse de l’Océan, on débarqua, le 15 juillet suivant, à Rio de Janeiro.
Les naturalistes bavarois se transportèrent d’abord de Bio dans la province de S. Paulo, jusqu’à la ville de Jundiahy. De là ils prirent la direction nord-est à travers la province de Minas Geraës jusqu’à Minas Novas, en visitant, à l’occasion, les Botocudes et d’autres tribus indiennes. Décrivant ensuite une grande courbe par la Sierra Diamantina jusqu’à la province de Goyaz, ils revinrent au nord-est, parcourant une grande partie de la province de Bahia, et arrivèrent, après beaucoup de peines et de contrariétés, à San-Salvador, le 10 novembre 1818.
Après un repos de deux mois, interrompu par une excursion dans le district d’Ilheos, ils continuèrent leur voyage vers le nord, en traversant le désert de Bahia et les provinces de Pernambuco, Piauhy et Maranhào, jusqu’à la ville de San-Luiz, à l’embouchure de l’Itapicuru. De là, ils se rendirent par mer à Para, à l’embouchure du fleuve des Amazones (20 juin 1819).
La troisième partie du voyage, la plus considérable, s’accomplit, en remontant, sur un bateau à rames, non ponté et desservi par des Indiens, ce fleuve immense sur lequel circulent aujourd’hui de puissants bateaux à vapeur. Qu’on songe aux dangers de cette navigation, à l’étroitesse de l’espace dans lequel il fallait installer, outre les hommes, les bagages et les collections déjà considérables, au défaut d’abri contre le soleil équatorial, contre les orages des tropiques et les pluies diluviennes, et qu’on se représente que c’est dans ces conditions qu’il a fallu examiner, classer provisoirement, préparer, étiqueter, décrire et emballer les objets récoltés !
Vers la fin de novembre, nos courageux naturalistes touchèrent à la ville d’Ega au confluent du Yupara, Ici, ils se séparèrent l’un de l’autre ; Spix continuait de remonter l’Amazonas jusqu’à Tabatinga aux confins du Pérou, tandis que Martius explorait le Yupura jusqu’aux limites de la Nouvelle-Grenade, où les cataractes (Salto Grande) de Arara-Coara l’empêchèrent de s’avancer plus loin. Le point de ralliement des voyageurs était la Barra do Rio Negro, où se trouve actuellement la Villa de Manaos, Spix, qui y était arrivé le premier, utilisa le temps qui lui restait pour remonter encore le Rio Negro jusqu’à Barcellos. Ensemble ils firent une excursion sur le fleuve Madeira jusqu’aux Indiens Mundruku et Mauhé, avant de redescendre ensuite l’Amazonas.
Le 16 avril 1820, ils étaient revenus à Para. Après avoir mis en ordre leur riche butin, ils s’embarquèrent, le 14 juin, sur un trois-mats portugais, et arrivèrent à Lisbonne après une traversée de soixante-sept jours. Le 8 décembre 1820, ils rentrèrent dans Munich, sains et saufs, et sans avoir perdu aucune partie de leurs collections [5].
C’est un des voyages les plus considérables qui aient été entrepris pour le progrès en histoire naturelle, voyage de conquête et de découvertes, comme dit M. Eichler, ayant notablement agrandi le domaine de nos connaissances en botanique et zoologie, en minéralogie et géologie, en géographie et ethnographie, voire même en linguistique, voyage digne de prendre rang, dans l’histoire des sciences, à coté de celui d’Alexandre von Humboldt.
Malgré les voyages de Piso et de Maregrave, qui s’étaient étendus sur quelques districts seulement, le Brésil était encore peu connu avant Spix et Martius. On devinait plutôt qu’on ne savait les immenses richesses de cette contrée privilégiée en produits naturels, plantes, oiseaux, animaux, minéraux, et l’un se faisait une idée imparfaite de la beauté de son ciel, de la splendeur de ses paysages, de la fertilité de son sol et des avantages qu’elle pouvait offrir au commerce et à l’industrie. « Aucun des voyages. au Brésil, dit M. Meissner, entrepris, soit en même temps, soit plus tard, par des gouvernements ou des particuliers, n’égale celui de Spix et de Martius, ni en étendue — ils avaient parcouru plus de 1400 milles géographiques, — ni en nombre et en importance des résultats. »
Ainsi qu’il a été dit plus haut, le voyage au Brésil décida de la marche ultérieure de la vie et des travaux de Ch. von Martius. Comblé de faveurs par le roi Maximilien, acclamé par l’opinion, reconnu par la science, il eut le bonheur de se trouver, à l’âge de vingt-six ans, en possession d’une immense expérience, d’une notoriété européenne, d’un talent éprouvé et d’un caractère aguerri ; et, ce qui est encore plus rare à cet age, le but de ses travaux, sa ligne de direction et son horizon se trouvaient fixés.
Le roi lui conféra l’ordre du Mérite civil avec le titre de noblesse personnelle qui y est attaché ; l’Académie l’éleva au rang de membre effectif ; le gouvernement lui confia la direction du jardin et des collections botaniques de l’État. Et pour que rien ne manquât au bonheur de sa vie, Martius unit sa destinée à une femme douée de toutes les qualités du cœur et de l’esprit, et qui demeura, jusqu’à la tin de ses jours, le fidèle soutien et l’ornement de sa maison [6].
Le premier travail considérable auquel le jeune botaniste s’appliqua à son retour du Brésil, fut l’Histoire de son voyage [7]. La publication de ce livre fit grande sensation. On y trouvait un riche trésor d’observations et de renseignements sur la géographie, la topographie, les produits et les mœurs du pays, présentés sous une forme attrayante et dans un style qui fut remarqué et signalé par Goethe lui-même. Plusieurs morceaux de ce livre sont devenus classiques et figurent dans les chrestomathies de la littérature allemande à côté des magnifiques Tableaux de la nature sous les tropiques, qu’on doit à Alexandre von Humboldt. Ébloui par l’art de la composition, charmé par la couleur de la phrase, émerveillé [par la richesse du sujet, le lecteur partage bientôt l’émotion de l’auteur, lorsque celui-ci l’introduit, soit dans les profondeurs des forêts vierges, ou sous la voûte élevée des massifs de palmiers ; il se livre avec lui aux mystères et aux ravissements de la nuit en naviguant sur l’Amazonas, ou tremble aux horreurs de l’orage sous les tropiques ; il le suit avec curiosité dans les huttes du sauvage et se mêle aux repas ou aux danses des Indiens. Vraies et vivantes, dit M. Eichler, se dessinent les formes sous la plume de l’écrivain, et, en les lisant, on se sent, comme par .une puissance magique, transporté dans un monde nouveau ; on regarde, on écoute, on admire avec lui." Aujourd’hui même que la littérature des voyages s’est tant agrandie, l’ouvrage de Spix et Martius y occupe encore un des premiers rangs.
La description des matériaux scientifiques proprement dits ne pouvait entrer dans l’histoire générale du voyage. Elle a été réservée pour des publications spéciales formant une série de magnifiques in-folio, avec de très-nombreuses planches.
La partie zoologique revenait à Spix. Mais la mort de ce savant, survenue en 1826, obligea von Martius d’étendre ses soins aux deux règnes. Il y réussit en appelant là son secours quelques jeunes talents qui étaient alors groupés autour de l’Académie de Munich, et à qui il fournit ainsi l’occasion de se produire. C’étaient : Agassiz, Perty et Andréas Wagner pour la zoologie, Hugo Mohl et Zuccarini pour la botanique.
Pour ne parler que du travail botanique [8] dans lequel, naturellement, Martius s’était réservé la plus grosse part, on se tromperait fort si l’on croyait qu’il ne s’agissait là que de la description de nouvelles plantes du Brésil. Les richesses qu’on faisait connaître devaient surtout servir à élargir et à fonder, en partie, la science du règne végétal ; outre la connaissance des formes, elles devaient établir les affinités naturelles et les bases de la classification, en s’appuyant sur la structure des organes et sur les lois du développement. On ne se proposait pas simplement l’application de principes généraux connus à des objets particuliers plus ou moins curieux, mais bien la création, l’élaboration de principes nouveaux au moyen de l’induction telle qu’elle convient à la science sérieuse : une synthèse patiente, savante et consciencieuse. Aussi les études, dont les résultats sont consignés dans ces volumes, s’étendent-elles considérablement au delà des formes extérieures ; elles tiennent constamment compte des détails anatomiques ou de la structure intime. L’analyse des organes de la fleur et celle des fruits, notamment, est faite avec un soin extraordinaire et qui rappelle la grande manière des Jussieu, des de Candolle et des Robert Brown. En un mot, on se trouve en présence d’un travail genéral pour lequel le Brésil a fourni seulement les matériaux et l’occasion.
Pour produire ces ouvrages considérables de zoologie et de botanique, notre illustre maître a dû surmonter des difficultés extraordinaires d’exécution dont ceux-là seuls pourront se faire une idée qui, en dehors des grandes capitales, ont coopéré à la fondation de vastes entreprises scientifiques. Je ne parlerai spécialement que du concours qu’il lui fallait demander au crayon, au pinceau et au burin. Il est vrai que déjà à cette époque la ville de Munich renfermait un grand nombre d’artistes habiles et instruits ; mais il y avait à obtenir leur concours et à dresser des élèves à l’observation et à ce genre particulier du dessin qu’exigent les ouvrages descriptifs ; il y avait à leur donner une sorte d’éducation spéciale. J’ai assisté à ces efforts ; j’ai vu des défaillances et des mécomptes, surtout lorsqu’il s’agissait de dessins à faire au microscope, et mille fois j’ai admiré l’infatigable ardeur, le pouvoir de persuasion et l’angélique patience du maître.
C’est ainsi qu’il est parvenu, à la fin, à créer dans sa ville ce qu’on pourrait appeler une école de dessinateurs et de graveurs d’histoire naturelle qui, à son tour, il est vrai, a beaucoup contribué au succès de ses ouvrages. « Les planches botaniques de Martius, dit le professeur Meissner, sont de beaucoup supérieures, au triple point de vue de l’exactitude scientifique, de l’utilité pratique et de l’exécution artistique, à presque tout ce qu’on possédait jusqu’alors, et leur mérite a été rarement surpassé dans les ouvrages plus récents. »
Parmi les formes végétales qui, sous les tropiques, avaient frappé l’esprit et l’imagination du jeune voyageur, les palmiers, les principes régni vegetabilis, comme Linné les appelait, venaient en premier lieu. Il les avait admirés en touriste, dessinés en paysagiste et étudiés en botaniste ; — après son retour, et jusque dans sa vieillesse, il en parlait presque solennellement comme d’une chose qui l’avait subjugué, et parfois mystérieusement comme s’ils avaient été les confidents des rêves de sa jeunesse. Savons-nous, en effet, tout ce que ces géants de la végétation, hantés par les perroquets et les singes, et resplendissant sous la lune des tropiques, ont pu dire à une âme de vingt ans, dans des moments où elle se sentait seule sur les rivages lointains ?
Pendant vingt-huit ans, von Martius travaillait à l’Histoire naturelle des palmiers. Aux matériaux considérables qu’il avait recueillis lui-même, il s’efforçait de joindre ceux des autres voyageurs dans l’Amérique du Sud [9], et peu à peu ses études s’étendaient sur les espèces des autres parties du monde, les espèces cultivées et même les palmiers fossiles. Il parvint ainsi à composer une monographie complète [10], œuvre magistrale et n’ayant guère de pareille dans la littérature botanique. Alexandre von Humboldt a dit à son occasion : « Aussi longtemps qu’on dénommera et qu’on connaîtra des palmiers, on prononcera aussi avec éloges le nom de von Martius." ; L’auteur lui-même a écrit au bas de son beau portrait exécuté par Er. Correns :
Cette monographie comprend : l’anatomie, la physiologie, la morphologie, la classification, le diagnostic, la description des genres et des espèces, des notices variées et étendues sur le commerce, ainsi que sur les usages techniques et médicinaux des palmiers, des dissertations approfondies sur le rôle que ces végétaux ont joué dans l’histoire des peuples et dans celle du globe, des renseignements précieux sur l’ethnographie et la géographie, même un traité général sur la géographie des plantes, le tout rédigé avec celle érudition solide et cette vue de l’ensemble qui est le propre du génie de von Martius. Toutefois, pour quelques parties qui lui étaient moins familières, il s’était adjoint des collaborateurs : Unger pour les palmiers fossiles, Alexandre Braun et O. Sendtner pour une partie de la morphologie, et Hugo von Mohl, dont le travail sur l’anatomie a fait époque.
Pendant qu’il poursuivait la publication de ces grands ouvrages, l’illustre botaniste trouvait encore le temps d’élaborer un grand nombre d’écrits de moindre étendue, mémoires, notices et dissertations, dont les titres seuls remplissent huit pages de l’Annuaire de l’Académie de Munich [11]. Je ne citerai spécialement que les Amœnitates botanicœ Monacensis (1829-1831), le Conspectus regni vegetabilis secundum characteres morphologicoos, prœsertim carpicos (1835), le Systema materiœ medicœ vegetabilis Brasiliensis (1843), les mémoires sur les Eriocaulées, les Xyridées, les Amarantacées, les Erythroxylées, et les recherches sur les maladies des végétaux alimentaires, spécialement sur celle des pommes de terre. Il était, en même temps, collaborateur assidu aux Gelehrte Anzeigen publiés par l’Académie de Munich, au Flora ou Botanische Zeitung de Ratisbonne, au Repertorium der Pharmacie publié par Büchner, et fournissait régulièrement des articles scientifiques, critiques, ethnographiques, géographiques et littéraires fort remarqués à la Gazette d’Augsbourg, à la Deutsche Vierteljahrsschrift de Cotta, et à plusieurs autres revues allemandes et étrangères, Enfin, les Mémoires de l’Académie de Munich, ceux de la Société botanique de Ratisbonne, et les Nova Acta Academiœ Cœsareœ Leopoldinœ-Carolinœ sont souvent consultés pour les travaux importants qu’il y a fait paraître.
Malgré cette activité dirigée à la fois sur des sujets si variés et si absorbants, le Brésil, sa flore et son ethnographie continuaient d’attirer principalement l’attention du naturaliste bavarois. Dès 1826, il avait conçu le projet d’une flore générale de ce vaste pays, et il s’efforçait, dans ce but, de réunir des matériaux, d’une part, en s’adressant aux collections publiques et privées, d’autre part, en achetant, de ses deniers, celles qui lui étaient offertes par des voyageurs. Ces dernières, formées principalement par Luschnath, Ackermann, Riedel et Patricio de Silva Manso, contenaient souvent de nombreux échantillons d’une même espèce. Dans le double but de répandre davantage la connaissance des plantes du Brésil, et de rentrer dans une partie des fonds dépensés, von Martius publia un Exsiccata dont le catalogue [12], précédé d’une revue des voyages faits au Brésil, et d’un tableau des provinces de la Flore, contient la détermination d’un assez grand nombre d’espèces nouvelles.
La Flore du Brésil devait d’abord être publiée dans le format in-8, et ne comprendre qu’un texte sans planches. Mais après l’apparition des deux premiers volumes [13], on s’aperçut que ce format était trop exigu et que l’addition de planches était indispensable.
L’auteur se mit en rapport avec son ami Endlicher à Vienne ; ils arrêtèrent ensemble le plan d’un ouvrage plus grand, examinèrent les moyens d’exécution et décidèrent, d’une part, de s’adjoindre une série de collaborateurs, d’autre part, de solliciter l’appui des gouvernements autrichien, bavarois et brésilien qu’ils ont été lissez heureux pour obtenir. Le gouvernement de l’empereur Dom Pedro II est surtout devenu le puissant protecteur de cette entreprise colossale.
Je dis entreprise colossale ; j’ajouterai qu’elle est l’œuvre botanique la plus considérable de l’époque, tant en raison de l’étendue et de la richesse naturelle du pays qu’elle embrasse et auquel on a encore adjoint une partie des Guyanes et les États de la Plata, que par la manière large dont elle est conçue, sans parler du nombre des planches ni de l’exécution matérielle. Elle comprend une série de Monographies élaborées dans un esprit scientifique sévère, un exposé général des familles naturelles pour lequel les plantes du Brésil servent pour ainsi dire d’illustration, un répertoire abondant de renseignements géographiques, statistiques et climatologiques, une élude savante des produits végétaux utiles en économie, en industrie, en médecine, enfin, la description, souvent brillante, des merveilles agricoles et horticoles. Toute la littérature botanique, des notes manuscrites prises sur les lieux par von Martius lui-même et par d’autres voyageurs, des dessins faits également d’après la nature vivante, les herbiers et les collections de fruits de l’Académie de Munich, les collections publiques de Vienne et de Berlin, l’herbier du jardin impérial de Saint-Pétersbourg, les herbiers privés de Martius, de Canndolle, Boissier , comte Franqueville, Hooker, etc., les plantes récoltées par le prince Maximilien de Neuwied, par Mikan , Pohl, Schott, Langsdorff, Riedel, Sellow, Poeppig, Hoffmannsegg, Blanchet, Glaziou, Burchell, Reynell, Lund, Gardner, Claussen et beaucoup d’autres, des matériaux immenses, ont été mis à la disposition des collaborateurs dont il serait trop long de donner la liste complète. Martius lui-même, il est vrai, n’a traité que quelques familles ; mais, dans le travail fait par d’autres, il a intercalé des mémoires sur la géographie, des notices sur les espèces utiles, des dissertations critiques et littéraires, enfin il a illustré l’ouvrage d’une série de paysages suivis d’élégantes descriptions latines.
Qu’on se figure les soins incessants, la sollicitude, le travail de la correspondance et de la surveillance, la responsabilité et — faut-il le dire — les ennuis et les déceptions que l’organisation et la direction d’une telle entreprise ont naturellement dû lui occasionner. Il a fallu le courage, la foi et la ténacité de sa nature pour persévérer jusqu’au bout. Dans les lettres qu’il m’écrivait, surtout dans celles des dernières années de sa vie, il paraissait parfois près du découragement : « Tant d’hommes, disait-il, et des plus gentlemen, prennent des engagements, donnent des promesses sans les tenir ; il en est même qui ne répondent pas aux lettres de rappel. Peut-être, ajoutait-il, en faisant un retour touchant sur lui-même, Dieu m’a-t-il conduit dans cette galère pour me corriger de mon impatience naturelle, et pour m’exercer au calme dont j’ai besoin pour m’acheminer vers la tombe. »
Au moment de sa mort l’ouvrage était parvenu à la 46e livraison. Il contenait alors la description de près de 10 000 espèces et plus de 1100 planches in-folio [14]. Le soin d’assurer son achèvement le préoccupait constamment. Depuis plusieurs années il s’était attaché, dans ce but, et comme connservateur de ses collections, M. le docteur Eichler, botaniste de grand mérite, et avait conclu avec lui, avec l’intervention du gouvernement brésilien, un contrat qui pourvoira à tout [15].
J’ai déjà dit que les études de von Martius se portaient aussi, d’une manière approfondie, sur les caractères de race, les mœurs, les langues et les antiquités des Indiens du Brésil. Indépendamment des renseignements curieux déposés dans le Voyage, il avait successivement publié plusieurs mémoires à ce sujet, dont je ne citerai que celui qui traite des Principes de droit et de l’état social de ces tribus [16], et un autre qui considère le Passé et l’avenir des populations américaines [17]. Mais un grand travail d’ensemble parut l’année avant sa mort [18] ; il excita l’admiration des hommes spéciaux presque autant que les œuvres de botanique l’avaient fait antérieureement.
Dans un premier volume, l’auteur expose ses vues sur les particularités de la race américaine, sur ses caractères physiques et intellectuels ; il nous fait connaître son état social, ses idées sur la propriété, le contrat civil, le commerce, l’état civil et le mariage, ainsi que tout ce qui concerne les contestations, les crimes et les peines ; il examine surtout les causes de la rapide extinction de ces races, et démontre qu’elles s’étaient déjà trouvées à l’état de décadence ou plutôt de dégradation, lorsque les conquistadores espagnols et portugais abordèrent l’Amérique. Reconnaissant que, abandonnées à elles-mêmes, ces tribus seraient fatalement destinées à s’éteindre, il se livre à un plaidoyer chaleureux en leur faveur ; il conseille au gouvernement de les mêler au reste de la population pour les conduire « à une refonte physique et morale » , et leur imprimer « une forme supérieure de la vie ».
S’occupant ensuite spécialement des peuplades du Brésil et des pays circonvoisins, il étudie leur histoire, leurs traditions et légendes, leurs migrations et la formation des langues qu’elles parlent, le tout avec une érudition qui étonne, avec l’autorité que donne l’observation personnelle, et dans un style qui rappelle les meilleures productions de sa jeunesse.
Le second volume contient une longue série de glossaires des langues brésiliennes, c’est-à-dire des langues et dialectes parlés par les Indiens de l’Amérique du Sud ; particulièrement par les différents groupes des peuples Toupi. Au siècle dernier, Hervas, dans son ldea dell’ Universo, avait distingué au Brésil environ 150 langues ou dialectes ; Martius compta jusquà 250 groupes ou communautés portant des dénominations et des particularités de langage différentes.
Le soin que notre maitre mettait à des publications de cette importance, et dont les détails auraient pu paraître au-dessus des forces d’un homme, ne l’empêchait pas de déployer une activité réellement dévorante dans ses fonctions de directeur de l’herbier royal et du jardin botanique, de professeur à l’université et, plus tard, de secrétaire de la classe de sciences de l’Académie. L’herbier fut classé et enrichi constamment. Le jardin botanique de Munich, quoique sous un climat et sur un sol ingrats, et ne disposant alors que des moyens pécuniers restreints, fut, sous son impulsion, élevé au rang des premiers en Europe ; il s’était surtout concilié la confiance universelle par l’ordre qui y régnait et par l’exactitude des déterminations auxquelles von Martius s’appliquait constamment lui-même avec le concours de son collègue Zuccari ni et de plusieurs jeunes botanistes à qui il offrait ainsi l’occasion de se perfectionner [19].
En 1826, lorsque l’université de Landshut, l’antique université Ludovico-Maximilienne d’Ingolstadt, a été transférée à Munich, von Martius y fut attaché en qualité de professeur ordinaire de botanique générale et de botanique médicale. Son enseignement rassembla autour de lui un auditoire nommbreux et sympathique ; il brillait surtout par la méthode et la clarté des descriptions, par la facilité d’élocution, l’abondance des démonstrations pratiques et l’élégance de la forme rehaussée par une légère teinte philosophique et poétique. Les élèves profitaient sans effort du riche fonds d’expérience et de travaux propres dont disposait le professeur ; ils sentaient que la science coulait là de source, vivante et féconde.
Du reste, l’heureux naturel de von Martius, sa gaieté habituelle, son besoin d’expansion, la vivacité de son esprit, la bonté de son cœur, facilitaient singulièrement les rapports qu’il devait avoir avec la jeunesse. Il aimait à se rapprocher de ses disciples et à leur prêter aide el assistance. Constammment occupé à rechercher et à observer les talents naissants, il savait les encourager, les soutenir et les protéger, et même quand il ne rencontrait que de la médiocrité honnête, cela ne lui coûtait aucune peine de descendre jusqu’à elle et de faire valoir ce qu’elle pouvait. Aussi, malgré le respect qu’inspiraient son rang et sa réputation, jamais un élève ne s’est senti intimidé en sa présence ; tous l’abordaient avec confiance et affection.
L’occasion de ces rapprochemenls se présentait lors des herborisations ou excursions botaniques qu’il instituait régulièrement chaque semaine pendant le semestre d’été. l\lais aucun de ses disciples, peut-être aucun de ses collègues de l’université, ni aucun ami de sa maison, n’aura oublié les fêtes d’Ebenhausen qui se célébraient chaque année, le 24 mai, jour de naissance de Linné. Sous la vaillante conduite du voyageur au Brésil, partait ce jour-là de grand matin une nombreuse et joyeuse bande d’étudiants, de professeurs ; d’amis de la botanique et même de dames, pour se transsporter, en herborisant, jusqu’au joli hameau dont le nom vient d’être dit, et qui est situé à trois lieues de Munich, au-dessus de l’Isar, en vue des Alpes, dans une contrée sylvestre délicieuse. De longues tables étaient dressées là en plein air pour un repas champêtre qu’égayaient des discours, des chansons et des pièces de vers composées pour la circonstance. L’après-dînée on se rendait au chêne de Linné, planté à l’époque où la fête fut instituée ; et de nouveaux discours [20], plus sérieux cette fois, s’y débitaient en l’honneur du père de la botanique, de la science aimable (scientia amabilis) et de la solidarité scientifique. Le soir, une partie de la compagnie retournait en ville, tandis que le reste se divisait en groupes pour parcourir, pendant quelques jours, en herborisant, les contrées voisines jusqu’aux Alpes.
Au delà de ses fonctions professorales, von Martius aimait à entretenir des relations avec les jeunes hommes de talent, même quand ils s’appliquaient à des sciences qui lui étaient étrangères. Il mettait un soin constant, une véritable ardeur, et j’ajouterai, un rare talent, à les exciter à l’activité, à les pousser surtout vers le travail productif. Il savait encourager les timides et diriger ceux qui étaient plus hardis : on aurait dit qu’il souffrait quand la jeunesse ne marchait pas du même pas que lui. Ce besoin de stimuler les esprits se faisait aussi jour vis-à-vis de ses collègues et dans ses rapports avec les savants en général :
En 1840, von Martius fut élu secrétaire de la classe des sciences physiques et mathématiques de l’Académie royale de Munich. Il conserva jusqu’à sa fin cette charge honorable dans laquelle il rendit de nou veau des services distingués, non seulement à la compagnie qu’il servait, mais aussi au commerce scientifique et littéraire en général. Tout le monde admirait l’activité extraordinaire qu’il avait introduite dans ce service, l’ordre et la ponctualité avec lesquels il entretenait une correspondance immense avec les instilutions scienntifiques du monde entier. Dans la rédaction des notices commémoratives qu’il consacrait, en cette qualité, aux membres décédés, régnicoles et étrangers, il révéla une aptitude particulière à apprécier le mérite et les travaux de chacun, même de ceux dont la spécialité aurait paru entièrement étrangère à son génie [21].
Je ne mentionnerai qu’en passant les services qu’il a rendus à l’antique et vénérable Académie des Curieux de la nature, en qualité d’adjoint du président et de Director Ephemeridum ; à la Société royale botanique de Ratisbonne, et à la Société d’horticulture de Munich, comme président perpétuel. Je ne dirai rien non plus des travaux ni des missions desquels, dans une longue carrière, il s’est chargé à la demande du gouvernement et de l’administration de son pays. Mais ce que je ne puis taire entièrement, c’est l’espèce de disgrâce administrative qui a mis fin, en 1854, à ses fonctions dans l’État et dans l’Université.
Von Martius venait d’achever heureusement, après une grande dépense de temps et de travail, un nouvel arrangement du jardin botanique, ainsi que la reconstruction des serres, lorsqu’il fut décidé, en haut lieu, que le terrain du jardin devait servir à l’élévation d’un palais de cristal pour l’exposition industrielle qui eut lieu à cette époque. Ce fut un coup terrible pour l’homme de science. On allait détruire tout ce qu’il avait créé, planté, perfectionné depuis près de quarante ans, ses types, ses trésors, sa classification dont il était particulièrement fier. Lorsqu’il vit ses vives et nommbreuses réclamations demeurer.stériles, un profond découragement s’empara de son âme, et il se démit des fonctions de directeur du jardin et de professeur à l’Université. Toutefois, le gouvernement du roi de Bavière lui accorda une démisssion honorable et la jouissance de tous les émoluments de sa charge.
Dans sa retraite, le savant professeur ne restait pas inactif. Indépendamment du temps qu’il continuait de consacrer à la publication de ses derniers grands ouvrages et à ses devoirs de secrétaire de l’Académie, il s’appliquait à augmenter ses collections privées et à mettre en ordre sa bibliothèque et son herbier qui, grâce à ses nombreuses relations et aux frais qu’il y consacrait, étaient devenus des plus considérables parmi ceux qu’un particulier a jamais possédés.
Sa constitution forte, à complexion sèche et à tempérament bilioso-nerveux, préservait son corps des souffrances ordinaires de la décadence. A part quelques atteintes de la goutte et, passagèrement, des effets de la pléthore abdominale, sa santé ne laissait rien à désirer. Sa mémoire et son intelligence lui sont restées fidèles jusqu’au dernier moment. Cependant, en 1852 déjà, il m’avait écrit : « Ami, je sens l’appproche de la vieillesse ; l’ancienne force s’en va, les feuilles se fanent et tombent les unes après les autres. Il est cepenndant un point oùje deviens plus fort, malgré l’âge, c’est dans l’affection et l’indulgence pour les hommes, ainsi que dans le renoncement à leur ’égard, Je renonce aussi à mes plus chers projets littéraires : ce que je possède de mieux, ce que j’ai pensé et que je n’aurai plus le temps ni le courage de mettre par écrit me suivra dans la tombe, à tous inconnu. »
Lorsque je l’ai revu pour la dernière fois, à Schlehdorf, en automne 1867, ses traits avaient vieilli, ses cheveux étaient devenus blancs comme la neige, son corps était courbé, son ouïe était devenue dure et ses yeux souffraient ; mais tout malade qu’ils étaient, ces yeux lançaient parfois des éclairs, et au repos ils étaient doux et caressants comme autrefois ; ses traits avaient conservé leur mobilité, et sa conversation était restée animée et riche comme à l’époque, déjà lointaine, hélas ! où, aux mêmes endroits, sur le lac de Kochel ou au pied de la cascade du Joch, maître et disciple, nous devisions sur l’espèce et le genre, et parfois sur l’être et le devenir. Il voulait connaître mon opinion sur le Darwinisme, la Parthénogénèse, l’atomisme physiologique, sur la guerre de Bohême et la reconstitution politique de l’Allemagne. Les lettres que j’ai reçues de lui après mon retour à Liégé me convainquirent que ce n’avaient pas été de simples sujets de conversation improvisée.
Depuis longtemps il avait caressé le projet de rendre visite à son fils et à ses amis à Berlin et à Dresde. Le cinquanteenaire doctoral de son ancien ami Ehrenberg, qu’on célébrait en automne 1868, lui fournit l’occasion de le réaliser. Il se chargea de remettre : personnellement à ce vétéran de la science le diplôme honorifique que l’Académie de Munich lui avait décerné. Ce voyage de six semaines lui réussit à merveille ; il en revint heureux et comme rajeuni.
Mais, peu de temps après, le 4 décembre, après avoir travaillé dans une chambre froide à l’Académie, et par un de ces vents de montagnes qui deviennent si facilement funestes sous le climat de Munich, il fut pris, en rentrant chez lui, d’un frisson annonçant la pneumonie. Le 13 décembre, à trois heures et demie du soir, il exhala sa belle âme sans agonie. Deux jours après, on porta au lieu de repos ses restes mortels, recouverts de feuilles fraîches de palmiers.
Ainsi se termina une vie aussi heureuse qu’elle a été utile et illustre, une vie telle que Dieu n’en accorde qu’au petit nombre des mortels.
Issu d’une famille respectable où régnaient, avec les vertus du foyer ,et le dévouement à la chose publique, des mœurs patriarcales et le goût des choses de l’esprit, doué d’une connstitution forte du corps et de l’esprit — mens sana in corpore sana, — élevé dans les nobles traditions de la science et des lettres, nourri de fortes études classiques, C. von Martius, je le répète, a eu le bonheur rare de rencontrer sa voie d’emblée pour ainsi dire et sans avoir eu à lutter contre des obstacles matériels. Quoique favorisé par la fortune et entraîné par le succès, il n’a cependant jamais recherché les jouissances vullgaires. Son caractère fortement trempé, son ardeur pour la gloire scientifique et une légitime ambition l’empêchaient de s’amollir ou de faiblir en face du succès et des témoignages extérieurs qu’il aimait. cependant, qu’il recherchait même, mais uniquement comme des moyens d’encouragement ou d’apaisement de sa conscience. Son tempérament même lui a fait trouver une vraie jouissance dans cette activité dévorante à laquelle l’obligeaient la multiplicité de ses devoirs et la grandeur de ses entreprises. « Son chemin, dit Eichler, a été facile et heureux, mais il y a marché avec une énergie comme s’il avait dû conquérir chaque pouce de terrain. »
Parvenu déjà à la célébrité à un tige où d’autres sortent à peine de l’obscurité, il a accumulé sur sa personne tout ce que le monde pouvait donner en fait d’honneurs et de disstinctions. Son nom était cité. avec respect dans tous les pays. Les amitiés les plus illustres lui étaient acquises ; - je ne citerai que les grands noms de Goethe, de Jean-Paul Richter, de Peter von Cornelius, et, parmi les naturalistes : Robert Brown, Jussieu, de Candolle père et fils, Endlicher, Unger, Link, Ehrenberg, Carus, Nees von Esenbeck, Alexandre Braun, Hooker père et fils [22]. Un grand nombre d’ouvrages, et des plus considérables, lui furent dédiés. Beaucoup d’esspèces de plantes et d’animaux portent son nom ; même une montagne de la Nouvelle-Zélande — le Mount Martius — lui fut consacrée. La plupart des souverains [23] lui ont envoyé leurs décorations, et il y a peu d’Académies ou de Sociétés savantes dans les deux mondes dont il ne possédât pas le diplôme.
Cette vénération universelle trouva surtout l’occasion de se manifester lors du cinquantième anniversaire de sa promotion au doctorat, anniversaire que, selon l’usage d’Allemagne, on célèbre solennellement le 30 mars 1864. Ce jour-là, plusieurs princes et souverains lui firent parvenir d’honorables témoignages ; la ville de Munich, l’Académie et l’Université lui offrirent des fêtes ; d’autres Académies et Universités lui adressèrent des diplômes, des adresses et des députations ; plusieurs savants ornèrent d’épîtres congratulatoires les écrits qu’ils publiaient ; l’Académie de lIlunich fit frapper une médaille commémorative. Mais la manifestation la plus imposante consista dans une souscription organisée dans le monde entier parmi les admirateurs, les amis et les élèves de von Martlus. Elle aboutit à une adresse, chef-d’œuvre de calligraphie, portant comme première signature celle de l’infortuné empereur Maximilien du Mexique, puis les noms des représentants de la science dans une centaine de villes, y compris New-York, Cambridge dans le Massachusetts, Saint-Louis dans le Missouri, et Melbourne en Australie ; en second lieu à une médaille de grand module gravée par Radnitzki, à Vienne. Elle porte pour légendes :
Palmarum patri dant lustra decem tibi palmam,
et In palmis resurges [24] .
Parlerai-je du bonheur intime qui était réservé à von Martius au sein de la famille ? Je craindrais de blesser la modestie de la femme distinguée et des enfants sur lesquels son lime ’veillait avec autant d’orgueil que d’amour. Dirai-je quelque chose du charme des réunions d’amis qui, chaque soir, reecherchaient sa maison hospitalière, avec la chance d’y renncontrer les étrangers de distinction de passage à Munich, et des notabilités scientifiques, littéraires, artistiques et politiques de la ville ? Il y aurait à faire l’histoire de la plus belle époque de la société et du mouvement intellectuel de la capitale de la Bavière.
En été, la famille de Martius habitait l’ancien couvent de Schlehdorf, dans un site ravissant au bord du lac de Kochel et sur la lisière septentrionale des Alpes bavaroises. La plupart des amis étaient habituellement invités à y passer avec ,elle une partie des vacances ; ils y jouissaient, dans une douce retraite, des splendeurs de la nature alpestre et des délices de la vie en commun avec des êtres bons, spirituels et généreux. Von Martius aimait à y attirer aussi des notabilités étrangères ; je me rappelle avec bonheur de m’y être renconntré, entre autres, avec l’illustre Robert Brown.
D’un naturel gai, expansif et sympathique, généreux dans ses impressions et animé par le besoin de jouissances intelllectuelles, notre maître recherchait toutes les occasions de se mettre en rapport avec les hommes élevés au-dessus du niveau ordinaire, et de se procurer des notions exactes sur les particularités de leur esprit et de leur personne. Il avait le talent « de les faire parler », de les forcer à lui dévoiler leur pensée qui l’intéressait le plus. Il y réussissait d’autant mieux qu’il offrait dans sa propre personne toutes les qualités qui facilitent les relations et les rendent : agréables. Franc et ouvert, vif et chaleureux, curieux sans être indiscret, doué de l’expérience du monde et d’un tact sûr, son esprit vaste et ses connaissances variées qu’il savait utiliser à propos sans pédantisme ni ostentation, avec sa mémoire prodigieuse et les élans de son imagination, il devenait partout, dans les salons, à table, en voyage, aux eaux, parmi les étrangers, le centre des réunions et le guide de la conversation. Ses amis l’admiraient ; ceux qui le voyaient pour la première fois en étaient enchantés ; tous l’aimaient.
Sa correspondance embrassait toutes les parties du monde. Elle était tenue avec une exactitude exemplaire et dans plusieurs langues modernes qu’il parlait et écrivait avec une facilité presque aussi grande que sa langue maternelle. Dans les dernières années de sa vie, il avait pris l’habitude de diccter ses lettres pour ménager sa vue.
Sa lecture s’étendait également sur les principales littératures de l’Europe. Aucun ouvrage notable traitant de l’hisstoire, de la politique, des belles-lettres, des voyages ou de l’ethnographie n’échappait à son attention. Il avait notammment formé une riche collection de livres espagnols et portugais relatifs à l’Amérique. L’érudition qu’on admirait dans ses ouvrages était de bon aloi et fondée sur une profonde connaissance des littératures et de l’histoire.
A part ses vacances de Schlehdorf, pendant lesquelles ceependant il menait chaque fois à bonne fin l’un ou l’autre travail entrepris en dehors de ses occupations plus sérieuses ou qu’il considérait comme obligatoires, il ne se donnait du loi-. sic que dans les voyages qu’il a itérativement faits dans différentes parties de l’Allemagne, tantôt pour assister aux conngrès annuel des naturalistes et médecins.itantôt pour prendre les eaux dans une station thermale, tantOt, enfin, pour conférer oralement avec les collaborateurs du Flora brasiliensis. Ses voyages en France, en Angleterre, en Suisse, en Hollande et en Belgique lui ont laissé des souvenirs qu’il rappelait avec reconnaissance en toute occasion.
Après avoir tracé ainsi le tableau bien imparfait, bien pâle, il est vrai, de la vie extérieure de cet homme remarquable, il me reste à dire quelques mots sur la nature propre de son talent, sur ses tendances scientifiques et, autant qu’il le sera permis, sur les aspirations intimes de son âme.
Von Martius fut naturaliste ; dans le vrai sens du mot : naturœ curiosus. En dehors du règne végétal, il s’intéressait au progrès de la zoologie, de la minéralogie, de la géologie et, comme je l’ai déjà fait voir, à ceux de la géographie et de l’ethnographie. Dans toutes ces études il s’attachait aux phénomènes plus qu’aux causes. Ses facultés prédominantes étaient : l’acuïté des sens, la sagacité de l’esprit, l’intuition plastique, s’il est permis de s’exprimer ainsi, la conception prompte, la mémoire sûre, l’esprit d’ordre et de méthode.
En botanique, il excellait par ce que les uns appellent le coup d’œil, les autres le tact. Prompt à discerner les caracctères essentiels des caractères accessoires, et à saisir l’affinité des formes, sa critique était lumineuse et son diagnostic sûr ; il possédait cet heureux talent d’observation qui conduit droit au but et préserve de l’erreur. Peu de ses contemporains l’auraient emporté sur lui dans la détermination des genres et des espèces, et aucun, peut-être, n’a possédé au même degré la connaissance de l’ensemble du règne végétal, de son organisation, de ses divisions et de sa dispersion sur le globe.
Son génie l’attachant au phénomène, il s’efforçait de le saisir dans ses origines, de le suivre dans ses développements et de le définir dans ses caractères. Le naturel du voyageur se reflétait dans ses études ; il avançait toujours d’un pas pressé en cherchant à s’ouvrir de lointains horizons ; c’était la grandeur plus que la profondeur qui l’attirait. Dans le discours qu’il adressa à l’Académie de Munich lors de la célébration de son cinquantenaire, il dit modestement : « Je n’ai pas creusé dans les profondeurs comme un mineur, la lampe du génie attachée à la poitrine ; j’étais plutôt un ascensionniste, escaladant les pentes de la science pour voir lever le soleil du plus haut possible, sachant bien, toutefois, que je ne parviendrai jamais au sommet. »
Quoiqu’il ne soit resté étranger à aucune partie des sciences botaniques, ni à aucune méthode, la principale partie de son œuvre est cependant consacrée à ce qu’on appelle la botanique descriptive. Il était de la race des Jussieu, des Wildenow, des Kunth, des Cuvier, de Candolle, Robert Brown et Hooker ; comme eux, il descendait directement de Linné.
Il est de mode, aujourd’hui, de traiter un peu légèrement cette école, pour exalter, à ses dépens, la tendance que la science a adoptée vers les études anatomiques et physiologiques. A entendre certains partisans de cette nouvelle direcction, la connaissance des plantes et de leurs affinités ainsi que de leur répartition en ordres, familles, genres et espèces, seerait une œuvre secondaire, digne peut-être des jardiniers et .des amateurs, tandis que la vraie science serait celle qui ne s’occupe du règne végétal que pour confirmer’ et démontrer les lois de la physique et de la chimie organiques. Il en est même que les succès du microscope et l’ascendant des idées de Darwin ont éblouis au point de ne plus reconnaître aux formes végétales qu’une valeur casuelle ou transitoire.
Cette manière de voir, il faut le dire, s’est fait jour d’une manière pénible pour les vétérans de la science, et Martius en a parfois éprouvé du chagrin. Personnellement il n’était opposé à aucun progrès ; il applaudissait vivement aux espérances que les travaux de la jeune génération lui faisaient entrevoir pour l’avenir de sa science de prédilection ; mais il ressentait l’injustice avec laquelle les conquérants du jour traitaient les ouvriers de la veille.
Ils auraient dû se rappeler, en effet, que l’histoire de la science, pas plus que celle de l’humanité, ne se développe en ligne droite. Brisée de temps à autre par des accidents, soulevée par le remous des opinions qui se combattent, elle a ses périodes de crise et d’apaisement, de révolution et de restauration ; mais chaque fois que, après une secousse, elle se met à renouer les fils de son développement continu, on s’aperçoit que, malgré l’introduction de quelquès éléments nouveaux dans la trame, le tissu nouveau diffère de l’ancien d’appparence plus que de fond. Ajoutons que l’ouvrage à exécuter est si vaste que jamais personne ne pourrait l’embrasser dans son ensemble. C’est pourquoi l’activité des ouvriers se porte successivement sur des parties différentes, soit que les unes leur semblent être parvenues à un certain degré d’achèveemènt, ou que les autres leur promettent des progrès plus rapides. Les méthodes, les moyens d’investigation et le hasard des graqdes découvertes exercent, en outre, une grande influence sur ces changements, qui, en réalité, ne sont que des déplacements.
L’école de Linné et de Jussieu a tracé les grands contours ; elle a classé et enregistré les formes à l’aide d’une analyse puissante ; son point de départ a été l’idée créatrice. L’école moderne, au contraire, s’occupe de préférence des éléments et des matériaux ; elle incline à ne considérer la forme que comme le résultat de la combinaison des forces moléculaires ; son procédé est la synthèse : son point de départ l’attraction. L’une et l’autre sont légitimes, puisque chacune répond au mouvement dominant de l’époque. Ce qu’il y aurait à blâmer dans la lutte qui se poursuit encore, ce serait la tendance à l’exclusivisme. Si les vieux étaient parfois presbytes, les jeunes, à force de regarder par le microscope, s’exposent à deevenir myopes.
C’est ici l’endroit de mentionner aussi les rapports que von Martius a eus avec la philosophie, et spécialement avec la doctrine dite philosophie de la nature.
A l’époque où il a fait ses études, cette philosophie [25] dont, sans doute, on a dit trop de mal depuis, était dans son plein épanouissement en Allemagne. Enseignée avec éclat par Oken, Steffens, Kieser et Kielmeyer, pour ne citer que les naturalistes, elle avait séduit, entre autres, le poëte Goethe dont le nom se rattache d’une manière remarquable à la docctrine de la métamorphose des plantes comme à celle de la céphalogenèse, Système de métaphysique à la fois et méthode d’investigation, elle avait excité l’enthousiasme parmi la jeunesse et fasciné pendant longtemps les meilleurs esprits. Ses imperfections et ses défauts étaient masqués par son enveloppe poétique ; elle convenait à merveille au tempérament rêveur de la nation à cette époque.
Von Martius pouvait d’autant moins manquer d’être entraîné par ce côté de la doctrine, qu’il avait pour condisciples à Erlangen les frères Chrétien-Gottfried et Théodoredéric Nees van Esenbeck, dont le commerce l’animait et dont il suivait alors les traces en botanique. Aussi ses premiers écrits portent-ils l’empreinte de cette école. Cependant, la rectitude de son jugement, l’influence du vieux Schrank et, sans doute, le voyage au Brésil, en accumulant devant lui les faits, l’en ont fait revenir promptement. Il s’en est même garanti au contact de Schelling, d’Oken et de Franz von Baader, qui furent plus tard ses collègues à l’université de Munich, et arec lesquels il entretenait des relations suivies. Il n’en a conservé que l’habitude de l’idéalisation qui lui a très-bien servi dans l’interprétation morphologique des organes de la fleur et du fruit, ainsi que dans la recherche des types du règne végétal.
A vrai dire, et tout système à part, Martius n’était pas né pour la philosophie. Trop enclin à la forme et à la réalité, trop naturaliste, en un mot, il se sentait mal à l’aise dans l’abstraction. Néanmoins il en avait le culte et l’attrait ; il y aspirait comme à une condition supérieure de son activité intellectuelle. Dans ses meilleurs moments il s’adonnait à la lecture des dialogues de Platon ; il connaissait Descartes et Leibnitz, fréquentait les leçons de Schelling et de Franz von Baader, et dirigeait volontiers la conver-sation sur les problèmes les plus ardus de la métaphysique. C’est qu’il savait que les sciences physiques et naturelles ne sont que des résultats précaires d’une recherche dont le dernier but est la découverte de la liaison universelle des choses, de leur origine et de leur fin.
Il était d’ailleurs pénétré de la dignité morale de l’homme, et toute sa vie fut, à proprement parler, un culte rendu au principe qui rattache les choses de la nature à leur cause surnaturelle. « Le θαυμαζειν de Platon, disait-il [26], l’étonnnement, n’est pas seulement le commencement de nos invesstigations eu histoire naturelle, il en est aussi la fin. Mais en constatant que le commencement et la fin de tout ce qui apparaît se trouvent en dehors des limites de notre champ visuel, nous sommes forcément conduits à admettre une came spirituelle dans l’ordre de la nature où la mort est la vie, où ln vie est la mort, et où, par le courant perpétuel de la création, des ondes se soulèvent successivement et retombent en s’entrecoupant pour reproduire des forces à l’infini. »
D’accord avec ces idées, il me dit dans une lettre écrite l’année même de sa mort : « C’est par la pensée et par l’aspiration vers l’Éternel que l’humanité a la chance de se sousstraire à l’action aveugle des forces de la nature, à peu près comme certains êtres ont traversé vivants les cataclysmes géologiques, alors que leurs congénères n’ont transmis que leurs cadavres aux périodes suivantes. Deus autem sempiternus rerum omnium auspex et judex, sedit alta in arce et tremenda fata spargit per mundum. Combien, ajouta-t-il, je désirerais m’entretenir avec vous, à l’ombre d’un tilleul fleuri, sur les merveilles de l’être et de la pensée ! »
La foi en l’Éternel et en un ordre supérieur de la création se traduit aisément, chez les naturalistes, ainsi qu’on le constate chez Linné et Cuvier, en une sorte de personnification des idées qui, ,sans nuire à la forme claire et précise du slyle, fait parailre leurs conceptions générales comme enveloppées de lueurs poétiques. Martius s’est même positivement essayé comme poëte. Pendant toute sa vie il a travaillé à un grand poëme épique-didactique intitulé : Swietram’s Fahrten, les courses de Suitram, dont il aimait à lire des fragments dans le cercle intime des amis [27].
Sa prose peut être citée comme modèle. Elle est claire, facile, correcte, et assez colorée pour retenir l’attention même sur des sujets qui, autrement, paraîtraient arides. Il savait dominer la pensée par la forme et assouplir l’expression aux idées. Sa culture classique et universelle se reflète dans ses moindres productions.
Grand amateur de musique, il tenait avec une sorte de furia la partie de violon dans des quatuors qu’il avait organisés dans son salon. Le morceau fini, il aimait à traduire en paroles la pensée de Mozart ou de Beethoven. Parmi les autres arts, aucun ne l’a laissé insensible ; il suivait en connaisseur le mouvement esthétique qui, pendant le règne du roi Louis 1er , s’était emparé de la ville de Munich.
Son âme était aussi riche que son esprit. Ceux qui l’ont connu contiendront avec moi qu’on ne pouvait rencontrer plus de fraîcheur ni d’abondance de sentiments, plus de chaleur ni de bonté. Ami fidèle, il aimait à rendre service à tout le monde, et savait découvrir, jusque dans les cœurs en apparence les plus oblitérés, ce rayon d’amour qui les rend accessibles.
« La meilleure part de nous, disait-il souvent, est celle qui vit dans le cœur des autres. » Cette part de lui est immense, et elle vivra perpétuellement en nous.
Spring, Professeur à l’université de Liège.