En 1830, il n’existait encore en Angleterre qu’un chemin de fer approprié au transport des voyageurs, celui de Stockton à Darlington. Une autre ligne, de Manchester à Liverpool, était en construction. Elle s’ouvrit sur la fin de l’année, et l’on y vit, ce qui parut merveilleux pour l’époque, des wagons remorqués par une locomotive se mouvoir, à la vitesse de 14 kilomètres à l’heure. Un riche propriétaire du comté de Leicester, M. John Ellis, conçut alors, d’accord avec quelques-uns de ses compatriotes, le projet d’établir une voie ferrée entre Leicester et les houillères du voisinage. Il en entretint Georges Stephenson qui parcourut le pays, et déclara que le terrain était favorable ; mais le grand ingénieur ne voulut pas se charger d’en diriger les travaux. « J’ai 31 milles de railway à construire, répondit-il à l’offre qui lui en était faite ; c’est assez de travail à la fois pour un seul homme. » Ces quelques faits ne suffisent-ils pas à peindre ce qu’était en ce temps l’industrie des chemins de fer ? Au surplus, la région de la Grande-Bretagne où l’on s’en occupait ainsi, renfermait de tels éléments de richesse, que la question des transports y devait primer toutes les autres.
Que sur une carte d’Angleterre on joigne par des lignes droites les villes de Rugby, Hull et Liverpool, qui sont espacées d’environ 150 kilomètres l’une de l’autre, il y aura dans l’intérieur ou sur les bords du triangle ainsi formé — triangle d’une superficie bien restreinte — vingt villes au moins de 50 000 âmes et au-dessus. C’est là que prospèrent Liverpool et Manchester, les deux plus importantes villes de l’Angleterre après Londres, Sheffield et Nottingham, Birmingham, Leicester et Derby, et bien d’autres agglomérations, dont la brusque croissance est due au développement prodigieux de l’industrie en ces quarante dernières années. Cet espace embrasse une grande partie des districts manufacturiers du Lancashire, des comtés de Leicester, de Chester et de Lincoln , riches en produits agricoles et en bestiaux, des comtés de Derby et de Nottingham, où les minerais et la houille abondent. Aux deux bouts, les ports de l’Humber et de la Mersey s’ouvrent aux navires de toutes les nations. Il n’y a sans doute pas une seule région du globe où la population soit plus dense, où les richesses du sol et les richesses acquises par l’accumulation des capitaux se manifestent avec une égale intensité. Un peu plus au sud, Londres est le grand centre de consommation, où vont s’absorber les productions naturelles ou artificielles de ces innombrables usines. On comprend quel important trafic doit s’opérer entre la capitale et cette région centrale de l’Angleterre. C’est le champ d’activité de l’une des principales compagnies de la Grande-Bretagne, la Midland, qui dessert toutes les villes de cette zone, sans en avoir cependant le monopole, tant s’en faut. L’histoire d’une telle compagnie est de nature à faire voir par quelles péripéties sont passées les entreprises des chemins de fer anglais avant d’arriver à la situation présente.
On le sait, avant qu’il fût question de railways , les Anglais s’étaient donné un réseau de voies navigables bien conçu et bien exécuté. Dans la région dont il s’agit ici, Londres, Hull, Liverpool, Birmingham et Manchester étaient des centres d’où les canaux rayonnaient en diverses directions, de façon à desservir les principales villes industrielles. Mais, soit que les canaux fussent construits avec des dimensions trop restreintes, ou soit qu’ils fussent mal exploités, le commerce n’en retirait pas tous les avantages qu’il aurait voulu. Ainsi de Derhy à Leicester, le prix du transport n’était pas inférieur à 25 francs par tonne pour une distance d’environ 60 kilomètres. Entre Leicester et Birmingham, le trajet par eau était deux fois plus long que le trajet par terre, en sorte que les marchandises restaient fort longtemps en route. Enfin, il est assez remarquable que les .premiers chemins de fer aient été annoncés comme devant remédier à l’insuffisance des voies navigables, non-seulement quant à la vitesse, mais aussi quant au prix du transport. C’est ce que l’on vit en particulier à l’origine de la compagnie Midland.
Au début, les houillères avaient eu une clientèle toute locale : le charroi des matières lourdes et encombrantes coûtait si cher, que le charbon de terre ne se consommait pour ainsi dire que sur place. Pour y remédier, on fit d’abord des canaux ; ainsi le s houillères de la vallée de l’Erewash , dans le Notttinghamshire, n’alimentère d’abord que les usines de Nottingham et de Derby. Lorsque le Trent et la Soar eurent été rendus navigables, elles purent envoyer leurs produits jusqu’à Leicester, On vit alors les entreprises de navigation atteindre un degré de prospérité incroyable ; la compagnie de canalisation de la Soar réalisait des bénéfices tels, que ses actions, émises à 140 livres sterling, se négocièrent à 4500. Cependant il y avait auprès de Leicester des terrains carbonifères, auxquels il ne manquait que des moyens de transport économiques. Les intéressés s’entendirent pour construire un chemin de fer de Swannington à Leicester qui fut ouvert en juillet 1832. Là-dessus, il y eut grand émoi parmi les propriétaires des mines de l’Erewash. Leurs nouveaux compétiteurs livraient le charbon à près de 4 shillings par tonne meilleur marché. La clientèle d’une grande ville manufacturière allait leur échapper. Les canaux ne voulaient abaisser leurs tarifs que d’une quantité insignifiante. On se dit qu’il n’y avait pas d’autre remède que de construire un autre chemin de fer.
Au surplus, l’ère des railways arrivait. La grande ligne de Londres à Birmingham était déjà concédée à une compagnie qui d’extension en extension est devenue, sous le nom de North Western, la plus importante du royaume. Un chemin de fer de Derby et de Nottingham à Leicester avec embranchement à Rugby sur celui de Birmingham, avait l’avantage de mettre les comtés du Centre en communication directe avec Londres. En 1836, l’affaire fut présentée au Parlement. La compagnie s’était constituée an capital de 25 millions de francs pour une longueur à construire d’à peu près 200 kilomètres. En même temps, une autre compagnie demandait la ligne de Derby à Leeds ; une troisième voulait créer une voie directe de Derby à Birmingham. Le Parlement était déjà, comme il est aujourd’hui, le grand voyer du pays ; il lui appartenait d’apprécier l’utilité de toute voie nouvelle, chemin de fer, route ou canal, de juger si les concessionnaires disposaient de ressources suffisantes pour les exécuter, de fixer les tarifs d’exploitation, d’imposer telles ou telles conditions en vue d’empêcher le monopole ou de restreindre la concurrence entre voies parallèles. Il s’acquittait de cette tâche avec un peu d’inexpérience. Par analogie avec les canaux, avec les tramroads ou chemins à ornières, qui existaient déjà aux abords des ports et des usines, et sur lesquels le premier venu était admis, contre paiement d’une taxe, à faire rouler ses voitures, les bills de concession ne stipulaient qu’un droit de péage, avec la faculté pour la compagnie propriétaire d’y ajouter une taxe de transport raisonnable si elle opérait elle-même le trafic des marchandises. Ce ne fut qu’en 1836, que le Parlement s’aperçut que cette clause trop vague laissait un pouvoir arbitraire aux compagnies, parce qu’une voie ferrée est soumise, de toute nécessité, à un monopole d’exploitation. Au début, le législateur s’occupait surtout de ménager les intérêts en présence. Les entreprises de chemins de fer étaient quelque chose de si nouveau, que quelques-uns s’en effrayaient, beaucoup s’en défiaient. Les fermiers et les riches propriétaires ruraux craignaient que leurs domaines ne fussent entamés ; les citadins redoutaient le bruit et la fumée des locomotives. On avait vu les représentants de Northampton, capitale d’un comté, obtenir à force de sollicitations, que la ligne de Londres à Birmingham fût éloignée à plusieurs milles de leur territoire ; il est vrai que les habitants de Northampton n’avaient pas tardé à s’en repentir. On citait tel ou tel baronnet qui avait juré de ne jamais autoriser un ingénieur à traverser son héritage. Dans le cas des lignes du Midland, il n’y avait guère à craindre que l’hostilité des compagnies de navigation. A la Chambres des lords, comme à la Chambre des communes, l’usage voulait que chaque projet fût soumis à un comité devant lequel comparaissaient tous les intéressés, chacun avec son avocat, chacun produisant ses plans ou combattant ceux de la partie adverse. En vérité, chaque demandeur en concession avait à plaider et à gagner son procès contre d’innombrables adversaires. On s’explique ainsi que les dépenses parlementaires, prélude de toute concession, s’élèvent quelquefois à 10000 francs et plus par kilomètre. La compagnie du Leicestershire passa par toutes ces formalités sans trop de retard. Elle commença ses travaux au printemps de 1838, sous l’habile direction de M. Vignoles, l’ingénieur bien connu, dont le nom reste attaché au modèle de rail le plus usité maintenant. Deux ans après, la section de Derby à Nottingham était inaugurée avec la solennité que les villes déployaient volontiers en ce temps à pareille occasion. Les lignes de Derby à Leeds et à Birmingham s’achevaient presque au même moment. Ces trois entreprises avaient le même point de départ ; elles se faisaient en partie concurrence, ou bien elles avaient à compter ensemble. On s’aperçut bientôt qu’elles avaient tout avantage à s’entendre tout à fait. En 1844, elles se fusionnèrent, et de leur union sortit la puissante compagnie Midland, qui rêvait déjà de s’étendre dans toutes les directions.
On n’a pas oublié qu’il y eut à cette époque une vraie fièvre de chemins de fer, railway mania, comme disaient les Anglais. Le Parlement acorda 24 bills de concession en 1843, 37 en 1844 ; en 1845, le nombre total des projets autorisés s’élevait à 1428, avec une dépense prévue de 700 millions de livres sterling. Souvent ces projets n’aboutissaient à rien ; mais les Chambres, devant ce débordement de l’esprit d’entreprise, ne savaient pas s’en tenir à des principes judicieux qui eussent donné au réseau britannique l’homogénéité que possède le réseau français. Les concessions se trouvaient enchevêtrées à tel point, que chaque grande ville était desservie par plusieurs compagnies concurrentes. On ne s’était pas encore aperçu que les grandes compagnies peuvent exploiter à meilleur marché que les petites. La concurrence entre tant de lignes diverses semblait être une garantie contre le monopole. La lumière se fit bientôt. Il y eut entre elles d’abord des luttes acharnées à coup de tarif, puis survinrent des contrats d’alliance sous les formes les plus variées. Tantôt c’est la fusion ou, suivant l’expression consacrée au delà de la Manche, l’amalgamation ; tantôt une grande compagnie prend simplement à loyer pour un laps de temps déterminé les lignes construites par une autre compagnie moins puissante. Ou bien les deux rivales conviennent de percevoir les mêmes taxes pour les marchandises et les voyageurs transportés entre des stations qu’elles desservent toutes deux ; ou encore elles s’accordent le droit de faire circuler des trains sur les lignes créées en prolongement de leur réseau, ce qu’on appelle running powers. Tout cela s’opère aujourd’hui sur une plus grande échelle et s’opérait déjà dans les premières années. Seulement, la fusion complète est devenue moins fréquente, parce que le Parlement refuse presque toujours de l’autoriser. Le plus fâcheux est que cet accord, plus ou moins déguisé, s’est établi non seulement entre des chemins de fer, mais aussi entre chemins de fer et canaux, en sorte que les contrées desservies par les voies navigables ont perdu le seul mode de concurrence efficace contre les abus des voies ferrées.
La Midland ne pouvait donc s’arroger un privilège sur les riches comtés où elle avait pris naissance ; par compensation, rien ne l’obligeait à s’y cantonner. Elle avait déjà commencé à s’étendre bien loin à l’ouest, en achetant la ligne de Birmingham à Bristol qui lui donnait l’accès de la mer. Mais, de ce côté, la compagnie North Western, propriétaire de la ligne de Londres à Birmingham, lui disputait le terrain. Vers l’est, une autre compagnie fondée en 1845, la Great Northern, entreprenait la ligne de Londres à York, ligne qui par des embranchements de faible longueur, devait atteindre les villes les plus importantes du Centre. Pour s’en dédommager, elle sollicitait aussitôt 26 concessions nouvelles. Les actionnaires se laissaient entraîner sans résistance à ces nouvelles dépenses ; ils recevaient déjà 6 à 7 pour 100 d’intérêt sur leur capital ; ils ne répugnaient pas à croire que l’industrie des chemins de fer est d’autant plus prospère qu’elle s’exerce plus en grand.
Mais la concurrence des compagnies voisines allait se faire sentir. Pendant dix ans, de 1849 à 1858, les actions de la Midland ne donnèrent plus qu’un intérêt inférieur à 5 pour 100. Ce n’est pas que le réseau fût trop restreint ; il avait bien dès lors 7 à 800 kilomètres d’étendue. Il ne renfermait pas non plus de lignes trop désavantageuses par elles-mêmes, car la contrée qu’il dessert ne contient point de parties stériles. Bien plus, depuis que les chemins de fer s’étaient construits, des mines de houille s’ouvraient de tous côtés. Par de nouvelles concessions ou par l’achat de lignes déjà en exploitation, elle s’était étendue jusqu’à Manchester et Liverpool. Le grand défaut de cette compagnie était au fond de n’avoir pas un accès direct à Londres. Aussi les administrateurs qui la dirigeaient désespérèrent-ils un moment de l’avenir, si bien qu’ils négocièrent un projet de fusion, soit avec la North Western, soit avec la Great Northern. Cela n’eut pas de suite, et comme d’ailleurs l’accroissement naturel du trafic releva bientôt les recettes à un niveau satisfaisant, on ne songea plus bientôt qu’à améliorer la situation par de nouvelles entreprises. La Midland s’étendit alors d’une part vers Londres et de l’autre vers l’Écosse.
Petit à petit, le réseau s’était prolongé au sud jusqu’à Bedford, à 80 kilomètres de Londres. Ce qui restait à faire était peu de chose comme longueur, mais exigeait d’énormes travaux surtout aux abords de la capitale et sur l’emplacement de la gare monumentale que l’on y voulait établir, Aujourd’hui la station de Saint-Pancras est l’une des plus remarquables de Londres. Située à l’intérieur de la ville, suivant l’usage anglais, et non dans un faubourg comme on a coutume de le faire en France, elle communique par un embranchement du Métropolitan avec toutes les autres stations de Londres. La disposition du terrain exigeait qu’elle fût élevée en remblai au-dessus du sol naturel ; l’ingénieur eut l’heureuse idée d’organiser en dessous un immense sous-sol spécialement destiné à servir de magasin pour les fûts de bière qu’envoient les brasseurs de Burton. En dessus, elle est couverte par une vaste halle de 72 mètres de large sur 210 de long, sans aucun support intermédiaire, construction d’une hardiesse excessive, dont on ne retrouverait nulle part l’analogue [1]. En avant de cette gare, sur la voie publique, un immense hôtel reçoit les voyageurs au sortir du train. Ceci est encore un usage anglais, La Midland possédait déjà des hôtels à Leeds et à Derby, celui de Londres surpasse tous les autres par les proportions et par la magnificence. L’ensemble de ce monument est grandiose, il est bien adapté aux habitudes d’un pays où la circulation des voyageurs est plus considérable que partout ailleurs, où de plus les gens qui se déplacent pour leurs plaisirs ou pour leurs affaires, aiment à trouver partout le confortable.
Le trafic des voyageurs et des marchandises entre l’Écosse et Londres produit, d’après une évaluation récente, deux millions de livres sterling, année moyenne ; il n’est pas étonnant que la Midland en ait voulu avoir sa part. Cette compagnie arrivait à Carlisle par une ligne construite à grands frais ; au delà, il fallait de toute nécessité qu’elle entrât en arrangement avec une compagnie écossaise. Or, de la frontière anglaise à Glasgow ou à Édimbourg, trois entreprises distinctes se partagent le trafic : la Caledonien, qui reçoit les trains de la North Western et la North British qui reçoit ceux de la Great Northern. La troisième, Glasgow et South Western, était libre de tout engagement : c’est avec elle que la Midland s’entendit, et dès lors elle put transporter les voyageurs de la Clyde à la Tamise. Par un embranchement prolongé jusqu’à la jetée de Barrow, elle amenait à bord des bateaux à vapeur les voyageurs pour l’île de Man et pour le nord de l’Islande. Cette fois, son réseau était bien complet. Les recettes s’en ressentaient ainsi que les dividendes. En ces dernières années, les actionnaires ont toujours reçu 6 à 7 pour 100 d’intérêt annuel sur leur capital.
Ces demières extensions montrent que la Midland est habilement dirigée. C’est, au dire de ceux qui l’out étudiée de près, la compagnie la plus entreprenante de la Grande-Bretagne. On en a eu de nouvelles preuves dernièrement par les réformes qu’elle a introduites dans son exploitation. D’abord, elle fut la première à faire circuler sur ses rails les wagons-lits Pullman, importés d’Amérique. En outre, elle a mis des voitures de troisième classe dans tous les trains, même dans les express, qui jusqu’alors ne recevaient que les voyageurs de première ou de seconde tout au plus. Son general manager, M. Allport, est un homme qui ne recule pas devant les innovations les plus téméraires. Il se dit un jour, avec quelque apparence de raison, que les personnes qui vont en première ou en seconde classe voyagent déjà presque autant qu’elles voyageront jamais ; la dépense du transport est faible pour elles. La clientèle à gagner est celle des gens pauvres. Faute d’abaisser le prix des places, ce qui serait ruineux pour la compagnie, il faut du moins leur donner la vitesse et le confortable. Alors il fit adopter par le conseil des directeurs la suppression radicale de la seconde classe. Les voyageurs de première classe furent dorénavant transportés au prix de la seconde, et ceux de troisième, tout en payant autant qu’auparavant, furent admis dans les voitures bien closes et bien rembourrées de la seconde classe. Cela avait, au point de vue de l’exploitation, l’avantage de simplifier la composition des trains. Les autres compagnies protestèrent contre cette réforme qu’elles n’osaient imiter, et qui donnait à leur rivale une sorte de popularité. Il n’est pas certain au surplus que cette mesure ait réussi. On le sait, les distinctions sociales sont puissantes en Angleterre. Il y a, encore plus qu’en France, des gens qui vont en première classe par gloriole, pour le seul motif qu’ils veulent paraître plus qu’ils ne sont. Quant à ceux qui ne regardent pas à la dépense, ils perdent l’avantage de se trouver dans des wagons à peu près vides. Il est vrai qu’il y a maintenant pour ces derniers les beaux wagons Pullmann, du moins pour les longs parcours, les seuls où le confortable ait quelque importance.
Les compagnies anglaises possèdent des réseaux moins étendus que les nôtres. Avec 1880 kilomètres en exploitation au 31 décembre 1875, la Midland tient le quatrième rang. Remarquons en passant que sur ces 1880 kilomètres, il y en a 70 à quadruple voie, et 21 à triple voie, aux abords de Londres, à cause du trafic excessif qui se dirige vers cette capitale. Pendant l’année 1875, elle a transporté 28 millions de voyageurs, sans compter les porteurs de cachet d’abonnement, et 20 millions de tonnes de marchandises. Pour un capital engagé de 55 millions de livres sterling, elle fait 5 995 000 livres sterling de recettes, et dépense 2 811 000 en frais d’exploitation. Le revenu net n’est donc que bien peu supérieur à 5 pour 100, et les frais absorbent 53 pour 100 des recettes, En France, on exploite à meilleur marché sur les grandes lignes ; mais le public anglais veut que tout aille vite, les trains de marchandises aussi bien que ceux des voyageurs, et la vitesse coûte cher.
Les dessins qui accompagnent cet article (voy. précédemment) donnent une idée des pays que traversent les lignes de la Midland et des travaux qui y ont été exécutés. On remarquera le caractère architectural des gares de Londres et de Carlisle, dont l’extérieur trop orné ne répond peut-être pas suffisamment aux besoins que l’intérieur de ces bâtiments doit satisfaire. Quant aux ouvrages d’art, on y observe la même progression qu’en France. Les plus anciens ponts présentent des arches massives de maçonnerie en plein cintre ; puis des arches surbaissées de fer ou de fonte ; les plus récents sont formés de poutres tubulaires avec treillis de fer. Sauf quelques entreprises audacieuses, téméraires même, comme la halle couverte de la gare de Saint-Pancras, les ingénieurs anglais n’ont rien à nous apprendre.
H. Blerzy