Parmi les membres de l’Institut que l’année 1873 a moissonnés, un des plus regrettables est certainement M. de Verneuil, académicien libre. Le fauteuil que cet homme de bien avait rempli si dignement est aujourd’hui occupé par M. de Lesseps.
M. de Verneuil appartenait par sa naissance et par ses alliances à la haute aristocratie française, notamment à la famille de Broglie qui a hérité de sa fortune sauf les legs faits aux sociétés savantes, et particulièrement à la Société de géologie dont il fut un des fondateurs.
Quoiqu’il pût prétendre aux fonctions les plus élevées de l’État, il professa pendant toute sa carrière la plus profonde indifférence pour les intrigues politiques, et le plus grand éloignement tant pour le monde que pour les cours et les antichambres des ministères.
M. de Verneuil était toujours occupé à augmenter ses collections de géologie, à les classer, à les décrire. Elles étaient devenues si considérables pendant les dernières années de sa vie, qu’il eut un procès avec le propriétaire de la maison qu’il occupait rue de Varennes parce que ce personnage craignait qu’en entassant tant de morceaux de roches et de pierres, on fît écrouler son immeuble.
Ces échantillons venant de pays lointains avaient été souvent recueillis sur place par M. de Verneuil, qui exécuta de très longs voyages d’exploration, toujours à ses frais. Nous citerons au nombre de ces grandes excursions, l’exploration des monts Oural , avec Murchisson, qui devait plus tard devenir le directeur du geological Survey d’Angleterre, et qui grâce à cette grande entreprise scientifique put concevoir la pensée de son grand ouvrage Siluria.
La théorie des gisements aurifères, complétement inconnue quand M. de Verneuil partit pour la Russie est un des fruits de ces explorations.
M. de Verneuil exécuta sept voyages successifs en Espagne avec M. Édouard Collomb, et le résultat de 1 ces campagnes scientifiques, longues et pénibles, fut la publication de la carte géologique de ce beau pays. Grâce à ces travaux, l’enseignement géologique fut créé en Espagne. Si M. Collomb avait été Anglais sans doute qu’il eût été récompensé, comme le fût Murchisson. Mais comme il a l’honneur d’être Français, il ne recueillit aucun fruit de ses longs travaux.
M. de Verneuil a fait au Vésuve une multitude d’excursions, notamment pendant la grande éruption de 1872, où il partagea volontairement tous les périls de M. Palmieri : arrivé trop tard pour assister au commencement de l’éruption, il se dirigea à l’observatoire vésuvien au moment où les populations fuyaient épouvantées. C’était un magnifique spectacle que de voir ce vieillard s’avancer presque seul au milieu d’une pluie de feu, bravant la mort pour jouir d’un admirable phénomène et pour assouvir la soif de savoir qui le dévorait.