Un nouveau champignon domestique : Le petit pied bleu

Henri Coupin, La Nature N°1307 — 18 juin 1898
Vendredi 25 septembre 2009 — Dernier ajout dimanche 20 mars 2011

Je me demande, en vérité, pourquoi nous sommes si fiers de nos connaissances en agriculture. Pour peu qu’on les examine de près, en effet, on voit, qu’elles se réduisent a bien peu de choses. Regardez, par exemple, les champignons : il y en a, de par les bois et les clairières, une multitude d’espèces dont beaucoup sont comestibles et même délicieuses. Or , combien savons-nous en cultiver ? Une seul, l’Agaric champêtre, et encore faut-il avouer que sa culture n’est pas bien difficile. Quant aux Morilles, aux Chanterelles, voire même aux Truffes.. etc." nous devons nous contenter de ce que la nature veut bien nous donner.

Il faut avouer que c’est un peu humiliant pour notre amour-propre. Aussi applaudissons-nous aux recherches de MM. Costantin, maître de conférences à l’école normale, et Matruchot, maître de conférences à la Sorbonne, qui cherchent à rendre domestiques d’autres champignons comestibles de nos pays. Leurs recherches viennent d’être couronnées de succès en cc qui concerne le Tricholome nu, qui, nous l’espérons, l’a devenir aussi commun sur .nos marchés que l’éternel champignon dé couche.

Cette réussite dans la culture du Tricholome nu offre un certain intérêt théorique, car il ajoute une espèce et même un genre de plus à la très courte liste des Basidiomycètes qu’on sait cultiver. Il offre aussi un réel intérêt agricole, car le champignon dont il s’agit, est une espèce comestible très estimée. Il est d’ailleurs à remarquer qu’au point de vue utilitaire, le Tricholome nu présente sur le champignon de couche divers avantages.

En premier lieu, c’est une espèce d’aspect très, caractéristique, qu’on ne saurait, confondre avec aucune autre, et pour laquelle l’inspection de la vente, aux Halles cl. sur les marchés publics, serait des plus faciles ; on sait qu’actuellement, à Paris, on n’autorise la vente que de cinq espèces seulement : Champignon de couche, Chanterelle, Cèpe, Morille et Truffe.

En second lieu, et c’est là un point important, ce champignon est une espèce d’hiver, très rustique, se développant et fructifiant même au froid : MM. Costantin et Matruchot ont récolté des fructifications de cette espèce dans une partie légèrement abritée d’un jardin, en plein mois de janvier. Sa.culture pourrait. donc se faire en plein air, presque à toute saison . Je l’année, tandis que le champignon do couche, exige des conditions de température souvent difficiles il réaliser au dehors.

Le Tricholome nu, connu dans certaines régions, à Poitiers, par exemple, sous le nom de Petit-pied-bleu, est comme notre gravure le représente, un champignon à chapeau, dont la partie étalée est pourvue de feuillets rayonnants à sa face inférieure.

Quand il est très jeune, il est entièrement violet ; sauf la chair qui est blanche ou seulement violacée. En grandissant, le chapeau devient brun ou roux. Le chapeau -peut atteindre 10 centimètres de diamètre.

Le pied a souvent plus d’un centimètre d’épaisseur, il est légèrement farineux au sommet. Souvent le Petit-pied-bleu pâlit entièrement et devient lilas très dilué.

La chair est tendre et douce, à odeur de fruits. Sa saveur en est légèrement acide.

Le Tricholome nu est très commun dans les forêts du nord de la France, dans les bois de Conifères et dans les forêts ombragées. On le cultive avec du mycélium, - du « blanc », comme on dit pour le champignon de couche. MM. Costantin et Matruchot ont cultivé le mycélium en serre, soit dans des pots il fleurs recouverts d’une cloche, soit dans des meules découvertes. Dans l’un et l’autre cas, un mycélium abondant vient s’effleurir à la surface, parfois en touffes épaisses et floconneuses, parfois en couches denses et crustacées, et, un ou deux mois après l’introduction des mises, se développent les chapeaux fructifères.

Dans les cultures en pots, les fructifications sont très nombreuses, leur nombre dépassant une centaine pour un seul pot de culture ; mais les chapeaux restent le plus souvent il l’état d’ébauches.

Dans la culture en meule, le développement des chapeaux fructifères est plus complet et plus normal.

HENRI COUPIN.

Revenir en haut