Les origines troubles de l’épidémiologie

Jim Downs
Samedi 24 septembre 2022

Titre : Les origines troubles de l’épidémiologie Comment le colonialisme a transformé la médecine

Auteur : Jim Downs

Éditeur : Autrement

Date de parution : 07/09/2022

340 Pages

Prix : 24,00€

ISBN : 9782080283795

Quatrième de couverture :

C’est l’esclavage et le système colonial qui ont créé, au cours du XIXᵉ siècle, les conditions de développement de l’épidémiologie, cette science qui étudie la transmission des maladies. Des cargaisons d’esclaves à préserver – moins par humanité que pour leur valeur économique – au réservoir presque illimité de cobayes fournis par ce commerce, cet ouvrage retrace les origines douloureuses d’une avancée médicale qui porta ses fruits dès la grande épidémie de choléra de 1856. Il raconte la naissance de l’épidémiologie dans les cales des bateaux d’esclaves, les cellules des prisons ou encore sur le front, en s’appuyant sur les riches archives de l’époque.

Jim Downs revisite l’histoire des faits médicaux à la lumière du développement de la bureaucratie coloniale mais aussi au rythme des circulations et des échanges entre les différents territoires des empires coloniaux. Ces pratiques sont mises en relation avec l’évolution des théories médicales entre les XVIIIᵉ et XIXᵉ siècles portant sur les corps noirs. Ces derniers, utilisés à des fins de recherche, restent pourtant absents de tous les récits des médecins.

Histoire sociale et médicale, cet ouvrage redonne aux esclaves, aux corps blessés des soldats, aux prisonniers et aux pèlerins une existence propre.

Mon avis : Passionnant. Tout simplement passionnant. Bien sûr, je ne suis pas épidémiologiste. Et encore moins historien de la médecine. Alors, s’il se glisse dans ce livre quelques informations inexactes, je ne saurais les identifier. Mais je doute que ce soit le cas.

Je m’attendais, la médecine n’étant pas mon violon d’Ingres, à peiner sur la lecture de ce livre. Mais non. J’ai au contraire mis en suspens d’autres lectures. J’étais pressé d’en savoir plus sur ces débuts troubles de l’épidémiologie. J’y ai appris comment l’esclavage et la guerre ont contribué à construire cette approche de la santé, à identifier les causes et les conséquence des grandes épidémies qui ont ravager le XIXe siècle, pays après pays. Aucun n’en a réchappé, car partout l’historien peut constater les mêmes défaillances de nos sociétés : le manque de discernement du plus grand nombre qui ne respecte aucunes des règles d’hygiène qui nous paraissent évidentes en notre début de XXIe siècle ; difficulté à faire circuler le savoir ; opposition entre intérêts personnels et collectifs.

J’ai découvert comment pendant une bonne partie de ce siècle de révolutions industrielle, scientifique et sociale, il valait mieux ne pas avoir besoin d’être emporté à l’hôpital, lieux où le risque de mourir d’une infection contractée sur place était plus grand que celui de mourir de ce pourquoi on était venu. Promiscuité, saleté, prolifération de parasites. tout était réuni pour causer votre perte. Et pendant que les soldat se battaient à la guerre — j’ai d’ailleurs appris à l’occasion de cette lecture que c’est un officier américain qui a fait l’objet de ce qui fut probablement le premier procès pour crime de guerre — , que les médecins se chamaillaient pour déterminer qui d’entre eux avait vu juste sur les causes et les conditions propices aux épidémies, quelques personnes luttaient pour faire entendre raison et obtenir des uns et des autres un respect des règles d’hygiène indispensables au bien commun.

Je vous le dis : je n’ai pas pu le lâcher. Si j’avais pu, je l’aurais emporté au travail pour, toute affaire cessante, en continuer la lecture.

En bref : À lire absolument. Ce livre vous apporte un nouveau point de vue sur les sociétés occidentales du XIXe siècle bien éloigné, pour ne pas dire à l’antithèse, des idées gentillettes colportées par certaines œuvres littéraires et cinématographiques. Un récit à vous couper l’envie de dire « j’aurais aimé vivre sous le second empire »… ou pendant la guerre de Sécession.

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