Une nouvelle bicyclette électrique

H. M. , La Nature N°2024 — 9 mars 1912
Samedi 25 octobre 2014 — Dernier ajout jeudi 14 décembre 2017

Ce serait certainement faire preuve d’un optimisme déraisonnable que d’entrevoir pour un avenir prochain le triomphe de l’automobilisme électrique sur l’automobilisme ordinaire et l’on pourrait avec plus de raison encore taxer d’inconsidération celui qui se croirait en droit de prédire l’avènement éminent du vélocipède, de la bicyclette électrique.

Il n’est pas contestable cependant que des perfectionnements très intéressants aient été réalisés depuis quelques années dans la construction des accumulateurs et les applications de ceux-ci dans la traction, dans la traction industrielle même" ont acquis une importance très réelle ; on sait, par exemple, quel usage étendu il est fait déjà aux États-Unis des automobiles électriques de toute espèce et avec quelle activité on s’emploie dans toutes les villes américaines à favoriser la multiplication de ces véhicules ; en Allemagne, des véhicules à accumulateurs sont très utilisés sur différentes lignes de chemins de fer et les services qu’ils rendent y sont considérés Comme excellents, on peut citer divers exemples de locomotives à accumulateurs employés dans les services de manœuvres ; des essais — parfois très étendus et couronnés de succès en ces derniers temps — ont été, faits par plusieurs grandes administrations, de poste particulièrement, sur l’utilisation de véhicules à accumulateurs ; à Berlin notamment, plusieurs nouveaux systèmes sont en ce moment à l’épreuve ; beaucoup d’industriels possèdent dès aujourd’hui des camions à accumulateurs dont on dit grand bien.

S’il n’est pas permis d’espérer une vulgarisation immédiate de l’automobilisme. et du cyclisme électriques, il n’en est donc pas moins utile de suivre les nouvelles tentatives faites dans ce domaine et, à ce titre, nous croyons intéressant de signaler une motocyclette électrique qu’a établie un constructeur américain M. F.-E. Hatch, de Chicago, en mettant à profit les qualités spéciales de légèreté des nouveaux accumulateurs et notamment des accumulateurs Edison.

La bicyclette électrique présenterait d’ailleurs suffisamment d’attraits comparativement à la motocyclette vulgaire, pour que l’on aspire à la réaliser ; elle aurait tous les avantages de la motocyclette sans en avoir aucun des inconvénients, car un moteur électrique est facile à mettre en marche, tandis que le lancement du moteur à combustion interne est toujours un ennui ; il est simple et robuste et ne demande guère de soins spéciaux, tandis que l’autre est délicat, compliqué, difficile à entretenir ; il est propre, inodore, silencieux ; l’autre est sale, peu agréable et bruyant. La bicyclette électrique serait d’une élégance incomparable, d’une sûreté parfaite ; ce serait le cycle automoteur de luxe par excellence, pour dame ou jeune fille surtout.

Le nouveau modèle américain auquel nous faisons allusion plus haut est établi en partant de l’observation étroite de ces qualités et en considérant qu’elles ont surtout leur valeur lorsqu’il s’agit de machines de ville, pour les citadins ; ce n’est, pas encore, malheureusement, la bicyclette populaire ; mais elle ne coûte pas beaucoup plus cher que ne coûtaient les premières bicyclettes et l’on pourrait donc espérer que comme celles-ci, elle baissera de prix peu à peu ; elle revient aujourd’hui avec une batterie d’accumulateurs de type ordinaire, et tous les accessoires, à un millier de francs.

Dans ce prix, la batterie intervient pour 150 fr. ; sur cette partie, il n’y a pas grand espoir d’économie appréciable, mais le coût de la machine même semble susceptible de réduction dans l’avenir ; la batterie Edison, qui est encore assez chère, pourra également sans doute être fabriquée à meilleur compte.

La machine se compose essentiellement, comme on peut le voir par notre photographie, d’une bicyclette de construction robuste, sans exagération, portant, sous la selle, un petit moteur hermétique ; spécialement fabriqué pour cette application ; la transmission entre le moteur et la roue s’effectue par l’intermédiaire d’une chaîne et d’une roue dentée ; le moteur est contrôlé par un interrupteur logé dans l’une des poignées et la rotation de celle-ci suffit pour déterminer la mise en marche du moteur ou son arrêt ou pour en modifier la vitesse. Le démarrage est rapide et certain et il n’y a pas de pédales ; trois vitesses sont réalisables : de 6,5, de 25 et de 56 km à l’heure.

La batterie se loge dans le cadre, elle donne une tension de 12 volts, comme il est dit ci-dessus, c’est une batterie ordinaire d’automobile ou une batterie Edison ; la batterie Edison peut fournir des parcours plus longs et elle résiste beaucoup mieux aux charges et décharges, fussent-elles poussées à l’extrême.

Le cadre est formé de tubes en acier sans soudure ; la hauteur est de 60 centimètres ; la fourche, à l’avant, est dédoublée, la fourche proprement dite étant munie d’une suspension à ressorts qui met le cycliste à l’abri des trépidations. Sur le côté inférieur du cadre, supportant la batterie, un marche-pied fait saillie de chaque côté, il a 62,5 centimètres de longueur et 10 centimètres de largeur.

Une pédale met la batterie hors circuit sur les descentes et contrôle le frein ; en outre, elle permet de renverser le sens de marche en cas de besoin. Le moteur est pourvu de roulements à billes ; il peut supporter des surcharges de plus de 300%. Le projecteur est pourvu d’une lampe à fil de tungstène alimentée sous 12 volts. Avec la batterie prévue, la bicyclette peut faire un service ordinaire en ville ; elle est à même de gravir des pentes normales, d’autant mieux qu’avec le moteur électrique la réduction de vitesse n’implique aucune réduction de la puissance normale.

La machine peut être employée avec une voiturette légère comme véhicule de remise à domicile pour de petits transports et elle est de beaucoup préférable aux voitures à chevaux, ne demandant pas d’entretien, n’exigeant pas d’écurie, étant sensiblement moins chère, etc.

H. M. 

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