Hautefeuille (Paul-Gabriel), né à Étampes, le 2 décembre 1836, décédé le 8 décembre 1902, membre de l’Académie des sciences, ancien maître de conférences de minéralogie à l’École normale supérieure, membre du conseil de perfectionnement de l’École centrale des arts et manufactures, professeur de minéralogie à la Faculté des sciences de l’Université de Paris, officier de la Légion d’honneur.
Admis en 1855, à 19 ans, à l’École centrale des arts et manufactures, Paul Hautefeuille s’éleva rapidement aux premiers rangs et fut classé, à la sortie, troisième, avec le premier diplôme d’ingénieur chimiste. Dumas, qui présidait le conseil d’administration de l’École centrale, avait pressenti ses aptitudes, il le signala à son élève et ami, H. Sainte-Claire Deville, qui l’accueillit dans son laboratoire de l’École normale supérieure avec cette bienveillance attachante qui a séduit tous ceux qui l’ont connu, Pendant vingt-trois ans, P. Hautefeuille a joui à l’École normale d’une hospitalité dont il n’a jamais cessé d’être reconnaissant et après l’avoir illustrée par ses travaux, il y fut attaché pondant neuf ans en qualité de maître de conférence de minéralogie jusqu’au jour où il fut nomme professeur à la Sorbonne.
Dès sou arrivée au laboratoire. P..Hautefeuille mena de front deux occupations dent l’une le délassa de l’autre, les études médicales et les recherches de laboratoire, et, en 1865 il soutenait brillamment devant la Faculté de médecine une thèse de docteur en médecine, et en Sorbonne, une thèse de docteur es sciences. C’était l’époque où H. Sainte-Claire Deville poursuivait avec Debray ses recherches sur le platine, avec M. L. Troost ses études sur les densités de vapeur à hautes températures, et exécutait ses mémorables expériences sur la Dissociation des corps. Dans se milieu où maîtres et élèves rivalisaient d’ardeur à la poursuite des découvertes, se développèrent avec éclat les qualités maîtresses de P. Hautefeuille, une habileté de main remarquable, une patience à toute épreuve et une perspicacité toujours en éveil qui lui révélait le côté saillant et nouveau des phénomènes.
Ces qualités, il eut bientôt l’occasion de les utiliser. Debray et Isambert fixaient les lois d’un certain nombre de phénomènes de dissociation. MM. L. Troost et Hautefeuille en étudiêrent d’autres : la dissociation des hydrures des métaux alcalins et du palladium, celle de composés de silicium,1a cristallisation du silicium par volatilisation apparente dans une atmosphère contenant du chlorure ou du fluorure de silicium, etc. Élargissant le cercle de leurs études, ils mettaient pour la première fois en évidence l’existence d’une tension de transformation des corps polymériques vaporisables, et indiquaient les lois du phénomène dans les cas des transformations du paracyanogène en cyanogène, de l’acide cyanuriqne en acide cyanique et en cyamélide, du phosphore rouge en phosphore ordinaire. Ces résultats obtenus il y a une trentaine d’année n’ont rien perdu de leur importance.
Dès le début P.Hautefeuille avait réussi quelques synthèses minéralogique telles que la production à l’aide de l’acide titanique amorphe des trois variétés cristallines de cette substance (rutile, brookite,anatase) en utilisant l’action du gaz fluorhydrique. Plus tard il fit connaître une méthode nouvelle de produire des minéraux cristallisés par voie sèche. Il a prouvé par de nombreux exemples que les phosphates, les tungstates, les molybdates, les vanadates, les silicates de potassium, de sodium et de lithium ; en un mot des sels fusibles sans décomposition à haute température peuvent être assimilés à des dissolvants neutres utilisés aux basses températures. Ce sont des milieux dans lesquels les corps dissous se combinent et donnent des cristaux si l’on fait varier plusieurs fois la température au-dessus et en dessous du point de fusion du minéral dont on fait la synthèse. Parmi les résultats obtenus à l’aide de cette méthode, il faut citer les diverses formes de la silice (quartz, tridymite) les feldspaths (orthose, albite), la pétalite, la lencite, la néphéline, la phénacite, la willémite, le zircon, le béryl et l’émeraude verte. Ces cristaux peuvent être amenés à des dimensions notables (un centimètre pour le zircon, plusieurs millimètres pour l’émeraude verte identique au produit naturel). Il suffit de prolonger le chauffage pendant plusieurs mois entre 600 et 1000° ; dans ce cas, les cristaux les plus petits disparaissent par l’élévation de température et, par un phénomène de sursaturation ordinaire, les cristaux les plus gros s’accroissent pendant le refroidissement aux dépens de la substance dissoute.
Outre ces travaux de synthèse minéralogique, il convient de signaler des recherches que P. Hautefeuille entreprit avec le concours de jeunes savante distingués, ses élèves : la découverte des phosphates de silice avec M. Marrgottet ; celle de la coloration bleue de l’ozone rappelant le bleu du ciel, sa liquéfaction, son spectre d’absorption et la production de l’acide perazotique, en collaboration avec M. J. Chappuis ; avec le concours assidu de M, Perrey, la démonstration du rochage de l’or et de l’argent dans la vapeur de phosphore, la découverte des trois variétés (amorphe, cristallisée et vitreuse] de l’anbydride phosphorique obtenu par la combustion du phosphore dans un excès d’oxygène ; enfin ; avec L. Pean de Saint-Gilles, la synthèse du mica biotite.
Tels sont les résultats les plus saillants des travaux de P. Hautefeuille, ils assurent à sa mémoire une place éminente parmi les savants contemporains.
D. Gernez