Au commencement du IVe siècle, Constantin se convertit an christianisme et fonde, sur les ruines de Byzance, la ville qui porte encore son nom. Ce prince, qui croyait simplement donner une seconde capitale au vaste empire romain, établit, par le fait, un empire nouveau et inaugure, en quelque sorte, une nouvelle civilisation qui atteint son apogée vers le milieu du VIe siècle, sous le règne de Justinien.
Avec l’art byzantin apparaît l’art chrétien. Les empereurs d’Orient font construire des églises qu’ils enrichissent de dons en or, en argent, en pierres précieuses. Les calices, les croix, les reliquaires, les encensoirs, les reliures des évangéliaires sont d’or, enrichis de ciselures, d’incrustations, de gemmes, de perles et de camées composant des dessins dont les éléments sont le plus souvent géométriques.
La plus grande partie de l’ornementation est formée de cabochons, c’est-à-dire de pierres précieuses dont la saillie arrondie est dépourvue de facettes : parfois ils sont évidés en dessous pour donner plus de jeu à la lumière. Le reliquaire de Limbourg, coffret orné d’émaux, de gemmes et de perIes,est une des belles œuvres de cette période.
L’amour du luxe et du faste se manifeste aussi dans le vêtement. Constantin portait un diadème enrichi de perles et de pierreries ; ses successeurs y ajoutèrent des pendeloques en pierres fines, rattachées par des chaînes au bandeau de la couronne. Les chaussures, les vêtements sont couverts de joyaux ; les meubles, les tissus, toutes les pièces d’orfèvrerie sont constellés de pierres polychromes avec une profusion voisine parfois de la barbarie. L’emploi des pierres fines était autrement restreint dans la Grèce antique et en Étrurie, même sur les bijoux.
On sait aujourd’hui, contrairement à une opinion qui régna pendant fort longtemps, que les Huns, les Vandales, les Goths, les Francs, tous ces barbares qui finirent par prendre une si terrible revanche de la Rome qui les avait vaincus, possédaient un art et une industrie propres. L’archéologie moderne a su en découvrir la trace dans les différentes contrées de l’Europe.
L’orfèvrerie des barbares se distingue par l’emploi des pierres en tables, en lamelles, quelquefois même en cabochons, tantôt, simplement enchâssés dans le métal, tantôt fixés par une sertissure. Les grenats y sont particulièrement abondants. Parmi les trouvailles les plus intéressantes qu’on rapporte à l’industrie de ces peuples errants, il faut citer le trésor de Novo-Tcherkask sur les bords du Don, qui comprend un diadème d’or avec pendeloques et cabochons, une fibule d’or incrustée de grenats, etc. ; celui de Petrossa (Valachie), trouvé en 1864, et qui est formé de 22 pièces d’or pur (fibules, anneaux, aiguières, disques, etc.), ornées de grenats en cabochons ou en tables. L’un des plus remarquables est le trésor de Guarrazar, près de Tolède, dont nous reproduisons la plus belle pièce conservée au musée de Cluny : la couronne votive du roi Reccesvinthus (roi wisigoth, mort en 672).
La partie principale de la couronne est un bandeau à charnière formé de deux plaques d’or dont l’extérieure porte trente saphirs cabochons et trente perles d’une grosseur énorme entre lesquels l’artisan a découpé symétriquement des ornements en forme de palmettes dont tous les intervalles sont occupés par des lamelles de grenats. Le haut et le bas du diadème portent des bordures découpées à jour et garnies de grenats et de verres de couleur. Du bord inférieur pendent, rattachées par de petites chaînes, des lettres d’or formant les mots : Reccess inthus rex offeret. Chaque lettre est une petite merveille d’orfèvrerie, à incrustations de grenats cloisonnés et soutenant à son tour une pendeloque en saphir pâle. Un bouton de cristal supporte la couronne ainsi qu’une belle croix d’or ornée de perles et de saphirs.
En France, sous les Mérovingiens, les arts de l’orfèvre et du joailler sont en honneur dès les premiers siècles, Grégoire de Tours raconte que dans une visite qu’il fit à Chilpéric à sa maison royale de Nogent, le roi lui montra un magnifique plat d’or orné de pierreries qui venait d’être fabriqué par son ordre. « J’ai fait cela, ajouta-t-il, pour ennoblir et faire briller la nation des Francs. »
Au XIIe siècle, sous les règnes de Clotaire et de Dagobert, saint Éloi façonne une foule de pièces importantes dont aucune n’est parvenue jusqu’à nous d’une façon bien authentique, mais dont nous avons la description. Charlemagne, simple jusqu’à la rudesse en ce qui concernait sa propre personne, s’entourait de toutes les splendeurs dans les occasions solennelles. Il portait alors sur la tête un diadème constellé d’émeraudes, d’agates et de perles ; ses brodequins eux-mêmes étincelaient de pierreries.
Jusqu’au XVIe siècle, les gemmes sont employées partout ; elles ornent les bijoux, les calices, les croix, elles courent le long de l’autel, on les porte aux vêtements, on en garnit la reliure des évangéliaires et des manuscrits. En Allemagne et en Angleterre, pendant la période antérieure au XIe siècle, la joaillerie et l’orfèvrerie étaient moins développées qu’en France ; elles prirent une grande importance pendant les périodes romane et ogivale.
Un point intéressant à signaler dans la joaillerie du moyen-âge est le fréquent emploi des doublets, c’est-à-dire des pierres fausses formées simplement d’un morceau de cristal ou de verre sous lequel est placée une feuille de clinquant ou une préparation colorée qui lui donnent la nuance et à peu près l’éclat d’une pierre précieuse. Ces imitations qui réussissent souvent à faire illusion, sont de diverses sortes. C’est ainsi qu’on distingue les doublets à deux faces, formés d’une composition colorée comprise entre deux plaques de cristal collées ; les doublets cabochons où une feuille de clinquant sertit un cabochon de cristal qu’elle laisse transparaître, enfin les doublets posés sur une véritable pierre fine qui semble ainsi doublée d’épaisseur.