On sait les dangers que le brouillard ou l’obscurité font courir aux navires : risques de collision sur les routes fréquentées, heurts contre un obstacle. On comprend donc l’intérêt que présente pour la sécurité de la navigation la détection automatique des obstacles. On a déjà réalisé, dans cette voie, des appareils de détection utilisant les ondes sonores, et d’autres qui font appel aux rayons infra-rouges.
Les ondes hertziennes ultra-courtes offrent aujourd’hui un autre moyen de détection appelé à rendre de précieux services.
Ces ondes, dont les propriétés sont voisines de celles des ondes optiques se réfléchissent ou plutôt se diffractent sur les obstacles : masses métalliques, ou roches. Leur propagation n’est gênée ni par le brouillard, ni par la pluie. Si donc un faisceau de rayons hertziens émis par un transmetteur rencontre un obstacle, une partie des ondes sera renvoyée dans la direction du transmetteur, et un récepteur convenablement placé mettra en évidence ce retour des ondes, révélateur de la présence d’un obstacle. Mais cette simple détection ne suffit pas.
Il faut, de plus, pouvoir déterminer la direction de l’obstacle. Le résultat peut s’obtenir en utilisant des faisceaux étroits et d’une ouverture de quelques degrés. Les ondes très courtes de l’ordre de 16 cm se prêtent facilement à une telle concentration qui n’exige que des réflecteurs de petites dimensions.
On est ainsi arrivé à préciser la position de l’obstacle à 50 cm près environ.
Comme on ne peut produire de puissances supérieures à à quelques dixièmes de watts, la concentration des faisceaux émetteurs est encore nécessaire pour obtenir une portée suffisante.
Dans ces conditions, un faisceau fixe ne pourrait explorer qu’une région de faible étendue ; il faut donc, comme avec les phares optiques, procéder par balayage. La vitesse du balayage doit être calculée, bien entendu, suivant la vitesse du navire et celle des obstacles dont on craint la rencontre. On effectue le balayage en pratique dans un angle de 40° de part et d’autre de la route suivie par le navire.
Le système détecteur maritime a ondes ultra-courtes S. F. R.
Des appareils détecteurs d’obstacles de ce genre sont déjà employés, en pratique, et montés, en particulier, sur le paquebot Normandie. Ils ont été réalisés par la Société Française Radio-Électrique.
Le système émetteur est formé par un oscillateur produisant des ondes entretenues de 16 cm de longueur, modulées à 7 500 périodes. Pour produire ces oscillations de très haute fréquence, on emploie une lampe triode à grille chargée d’un modèle représenté sur la figure 1.
On porte la grille de cette lampe à un potentiel positif de 250 v et la plaque à un potentiel négatif de 70 v par rapport au filament. L’énergie obtenue est transmise à une antenne vibrant en quart d’onde de 4 cm de longueur, qui est définitivement accordée sur la longueur d’onde émise, et placée, comme on le voit sur la figure, à l’intérieur de l’ampoule de verre elle-même. Il ne reste plus qu’à monter la lampe au foyer d’un miroir parabolique de 75 cm d’ouverture, et de 12 cm de distance focale (fig. 2).
Le faisceau engendré a une ouverture de 16° environ.
On a choisi cette valeur pour éviter l’influence du mouvement du bateau sur le fonctionnement de l’appareil.
Le système émetteur est alimenté par le courant continu de 110 V utilisé normalement sur les paquebots, en employant une commutatrice à courant alternatif et un système de redressement stabilisé.
Le récepteur, de son côté, comprend une lampe identique à la lampe émettrice, mais qui fonctionne en détectrice. L’antenne de réception est également placée dans l’ampoule de verre elle-même, montée à l’intérieur d’un miroir parabolique identique à celui de l’émetteur.
Le faisceau réfléchi par l’obstacle atteint le récepteur ; le courant détecté est transmis à un amplificateur basse fréquence ordinaire, et la réception est obtenue à l’aide d’un casque téléphonique, et d’un système indicateur visuel. Le système de balayage est, à ce moment, automatiquement bloqué, et indique donc la direction de l’obstacle qui vient d’être détecté. On peut alors faire les mesures pour déterminer la position cherchée.
Les oscillations entretenues sont modulées à une fréquence de 7500 périodes. On peut comparer, au moyen d’un oscillographe cathodique, la fréquence des oscillations à l’émission et à la réception, ce qui permet, tout au moins approximativement, de déterminer la distance séparant l’obstacle du navire.
Le miroir récepteur doit évidemment suivre les mouvements du projecteur émetteur, qui balaye un angle de 40° de part et d’autre de la route suivie par le navire.
La commande du balayage peut être obtenue automatiquement au moyen d’un moteur, ou à la main à l’aide d’un volant disposé sur le meuble contenant tout l’ensemble utilisé (fig. 3 et 4).
De nombreux essais ont été faits pour déterminer les conditions d’utilisation et les résultats obtenus avec cet appareil, en particulier au cours d’un voyage du Havre à Dunkerque, puis à Rotterdam, et retour au Havre par Anvers. Dans une première série d’essais, les systèmes émetteurs récepteurs étaient montés indépendamment l’un de l’autre. Des échos sur la côte purent ainsi être reçus jusqu’à une distance de 10 km, et sur navires au large jusqu’à des distances de 7 km.
Dans une seconde série d’essais, les deux projecteurs étaient couplés avec écran en cuivre empêchant le rayonnement direct de l’antenne émettrice sur l’antenne de réception. L’appareil a reçu des échos de navires situés à des distances de l’ordre de 7 km.
En pratique, il semble prouvé que la détection peut désormais s’effectuer jusqu’à des distances de 7 à 10 km et la position de l’obstacle peut être fixée à moins de 5° près.
Pierre Hémardinquer