Le sabre est une arme de main à lame plus ou moins courbée, munie d’un seul tranchant du côté convexe. Ce n’est, en somme, qu’un grand couteau, comme l’épée, avec ses deux tranchants, n’est qu’un grand poignard.
Le mot sabre n’apparaît guère dans notre langue que vers le milieu du XVIIe siècle, mais l’arme elle-même est fort ancienne, et a porté un grand nombre de noms suivant sa forme et suivant la contrée où elle était en usage.
Les Grecs et les Romains ne portaient généralement que l’épée. Leur glaive était une arme intermédiaire entre l’épée et le sabre. La lame était courte, plate, large, à deux tranchants ; la poignée était dépourvue de garde.
Les Gaulois, pendant leurs guerres contre les Romains, se servaient de sabres à longue lame plate de cuivre ou de bronze, facilement émoussée.
Chez les Francs l’épée était réservée aux chefs ; mais les guerriers portaient le scramasax, grand couteau ou petit sabre, dont la lame, longue d’environ 50 centimètres avait 5 centimètres dans sa plus grande largeur. L’arme était caraxée, c’est-à-dire creusée de deux sillons sur chaque face près du dos, dans lesquels on mettait du poison.
Quand Frédégonde voulut se défaire de Prétextat, évêque de Rouen, « cette reine, dit Grégoire de Tours, fit faire à cette intention deux couteaux de fer et ordonna de les caraxer profondément et de les injecter de poison, afin que, si le coup ne tranchait pas la fibre vitale, le poison pût avec plus de rapidité ôter la vie au saint évêque ».
Mais le sabre est, par excellence, une arme orientale. Les Sarrasins que combattirent les croisés étaient armés de l’épée et de la lance mais aussi d’un cimeterre ou sabre recourbé souvent orné de façon très riche. Ce sabre leur servait à abattre les lances et tandis que le chevalier chrétien, alourdi par son armure, tendait inutilement la pointe de son épée vers son ennemi, l’infidèle trouvait le point faible où il enfonçait dextrement sa lame.
Aussi, à la suite des croisades, l’Europe emprunta aux musulmans leur sabre recourbé auquel elle donna de nombreuses formes.
La plus répandue fut le badelaire, sorte de sabre à lame courte, au tranchant convexe, à pointe tournée vers le dos de l’arme, Le badelaire est un cimeterre court, à lame large, qui fut employé jusque vers 1560.
Le badelaire était en France l’arme d’exécution. Notre gravure reproduit celui qui servit au bourreau du Grand-Châtelet, au cours du XIIIe siècle, à couper plus d’une tête.
Cette arme, qui figure au musée de Cluny, a été retrouvée en 1861 lors des fouilles faites près du Pont-au-Change. La figure qu’on voit sur le panne au représente le Grand-Châtelet.
Les cimeterres ou sabres turcs diffèrent des badelaires en ce que la lame est démesurément élargie à l’extrémité et leur courbe extrêmement fermée. Le tranchant est du côté convexe, tandis que dans le yatagan, il est sur le bord concave.
Malgré l’emploi de toutes ces variétés de sabres, cette arme fut l’exception jusqu’au XVIIIe siècle tandis que l’épée était la règle.
« Les nations européennes qui nous ont communiqué l’usage du sabre, dit M. Lacombe, sont les Polonais, les Hongrois, dont l’armement offre un caractère oriental bien marqué. Vers la fin du règne de Louis XIV, le sabre devint d’un usage assez commun dans notre armée pour les troupes de cavalerie.
« Les hussards hongrois qui figuraient parmi les soldats de l’empire, et avec lesquels nos dragons firent connaissance en 1690, d’une façon assez désavantageuse pour les hussards, étant devenus à la mode quelques années après, eurent quelque part, ce semble, dans ce changement.
« Le maréchal de Luxembourg prit quelques escadrons de ces hussards à la solde de la France et les ayant employés dans des affaires de parti, il eut tellement à se louer d’eux qu’il écrivit en leur faveur à Louis XIV. Ceux qui portèrent la dépêche à Fontainebleau y produisirent un véritable engouement. La création d’un régiment de hussards fut décidée. »
Les hussards du maréchal de Luxembourg furent habillés à la turque. Ils avaient la tête rase sauf un toupet de cheveux sur le sommet du crâne. Leur coiffure était un bonnet fourré avec plume de coq ; pour vêtements, une veste étriquée et une culotte large par en haut, étroite par le bas, par-dessus laquelle ils chaussaient des bottines. Tout cela posé à cru sur leur corps, car ils ne connaissaient ni les chemises, ni les bas.
Ces hussards étaient mauvais tireurs, mais se servaient avec une dextérité merveilleuse du sabre courbe. Ils avaient l’art des cavaliers orientaux qui consiste à abattre une tête d’un seul coup.
Aujourd’hui, le sabre prime décidément l’épée, puisqu’il est l’arme de tous les corps de cavalerie et celle d’un certain nombre de troupes à pied.
On nomme latte dans la cavalerie française un sabre long et droit.
Notons, en passant, les sabres d’honneur, avec inscriptions, décernés, pour faits d’armes, aux héros de la Révolution, du Directoire et du Consulat, et dont beaucoup sont conservés dans nos musées.
Avec l’importance que les armes de tir ont prise, le sabre a perdu beaucoup de son antique renommée. Dans notre armée, il est réservé presque exclusivement à la cavalerie ; on a renoncé aux formes recourbées : les lames sont droites. L’escrime est modifiée : le cavalier porte ses coups en pointant ; l’effet est plus certain et le combattant se découvre moins que lorsqu’il devait lever le bras pour sabrer.
G. Angerville