L’émaillerie en basse taille ou émaillerie translucide sur reliefs ciselés apparaît à la fin du XIIIe siècle et domine pendant les deux siècles suivants. Dès 1314, Montpellier est un centre important d’émailllerie translucide : les cloisonnés et les champlevés ne sont plus dès lors dénommés que « anciens émaux. »
Les premiers émaux translucides ne diffèrent guère des champlevés ; car leur décoration ne s’applique d’abord qu’aux fonds, les personnages et les ornements étant réservés et indiqués par un trait gravé rempli d’émail opaque. Mais ce genre de décoration envahit bientôt la surface entière des objets et dès lors le travail du métal dut être modifié, il fallut le ciseler et non le graver.
L’émail en basse taille est, de tous les procédés de l’émaillerie, le plus artistique. Il sert à décorer uniquement les métaux précieux, or ou argent. Il n’emprunte, en effet, la plus grande partie de son éclat qu’à la matière qui lui sert d’excipient.
Pour faire un émail en basse taille, on cisèle sur une plaque d’or ou d’argent, une figure, par exemple, mais on a soin de ne donner à la ciselure qu’un relief très bas à peu près comme pour une médaille.
On étend la poudre d’émail par teintes plates sur la ciselure ; on porte au mouffle pour obtenir la fusion. On corrige les affaissements de l’émail en remettant de la poudre en certains points et on chauffe une seconde fois. Quand la surface est à peu près plane, on polit au grès.
On comprend du reste qu’il faut employer seulement des émaux qui. une fois cuits, soient transparents ou tout au moins translucides, car l’effet attendu c’est que la ciselure transparaisse sous leur couche ; le blanc, le jaune et le bleu clair étant opaques sont donc bannis. On est forcé également de renoncer à obtenir la couleur chair parce qu’il faudrait avoir recours à un oxyde qui rendrait l’émail opaque, aussi les figures sont-elles recouvertes d’ordinaire d’une seule teinte légèrement violacée, mais les creux et les reliefs de la ciselure transparaissant en-dessous, lui donnent des nuances qu’on ne peut pas obtenir par les autres procédés .
Une grande difficulté, de ce travail artistique, est de conserver aux reliefs peu accentués vus à travers les émaux polychromes, leurs valeurs véritables les uns par rapport aux autres.
La pièce terminée présente l’éclat d’un vitrail, c’est un bas-relief sous émail. Les différences de profondeur de la couche vitrifiée, selon que le métal ciselé affleure plus ou moins, permettent des gradations de tons d’un effet charmant.
Ces émaux sont, en général, de faibles dimensions ; ceux du Louvre ne dépassent pas 7 centimètres ; ils consistent en petites plaques rondes ou rectangulaires que l’on sertissait sur place après coup.
On place généralement en Italie le berceau de l’émaillerie translucide ; mais ce procédé fut très promptement répandu partout ; dès le premier tiers du XIVe siècle, on le voit mis en pratique en France et en Allemagne.
Une des premières pièces, la première peut-être, exécutées en émail translucide, est un calice donné en 1290, au couvent d’Assise par le pape Nicolas IV. Le pied de cette coupe orfévrée, due à un artisan siennnois, Guccio, porte des médaillons sur lesquels des personnages réservés s’enlèvent sur un fond d’émail bleu transparent.
En 1333, on retrouve de nouveau une œuvre exactement datée, une patène en argent doré conservée au Musée de Copenhague. Le Musée britannique possède la reproduction émaillée d’une pièce de monnaie datée de 1338.
A partir de cette époque, les monuments abondent. Les plus célèbres sont le reliquaire de Bolsène, tabernacle en argent doré et émaillé de 1 m, 80 de haut, dû à un orfèvre de Sienne, le calice d’Andrea Arditi, de Florence, l’un des plus beaux joyaux de l’ancienne collection Spitzer, le chef de Saint-Martin, de Soudeilles (Corrèze), travail limousin, orné de fines ciselures d’oiseaux.
Les émaux translucides du Louvre sont des disques d’assez grandes dimensions qui ont sans doute servi à la décoration de pièces du vêtement ecclésiastique ; ils sont en or et ciselés avec une habileté surprenante ; ils datent du XIVe et du début du XVe siècle.
A cette époque, l’émaillerie joue déjà un grand rôle dans le costume ; elle orne les ceintures en orfèvrerie, les vêtements et jusqu’aux vastes manteaux que portaient les seigneurs au temps de Charles VI. Certaines de ces pièces sont à jour, ce qui montre qu’elles pouvaient être cousues sur les étoffes comme des boutons.
Dans l’orfèvrerie civile, les émaux translucides sont aussi très répandus.