Les émaux des orfèvres

La Science Illustrée N° 678, 24 Novembre 1900
Vendredi 27 février 2009

On nomme émail tout vernis vitreux, transparent ou opaque, dont on couvre certaines matières pour leur donner de l’éclat ou pour les colorer d’une façon inaltérable.

Partant de cette large définition, l’émaillerie comprend plusieurs arts très différents : 1° l’émaillerie du verre qui n’est qu’une branche de verrerie ; 2° celle de la faïence ou de la porcelaine, dépendance de la céramique ; 3° l’émaillerie peinte qui produit de véritables tableaux où la toile est remplacée par une plaque de métal ; 4° enfin l’émaillerie des orfèvres, qui comporte différents procédés (émaux champlevés, cloisonnés, de basse taille) à chacun desquels un article spécial a été consacré.

Nous voulons aujourd’hui passer rapidement en revue l’histoire des applications de l’émaillerie à l’orfèvrerie.

L’émail se rencontre déjà sur des bijoux égyptiens, grecs, étrusques, romains, gaulois.

On peut voir au musée de Saint-Germain, des rondelles de bronze, provenant de l’ancienne Bibracte (près d’Autun), capitale des Éduens, qui sont décorées de motifs d’ornement, incrustés à chaud, d’émail rouge.

Vers le Ve siècle de notre ère, l’art de l’émaillerie subit une décadence. Il fut remis en honneur par les artistes byzantins qui, probablement, le tenaient des Perses avec lesquels ils étaient journellement en rapport.

Dès le VIe siècle, les artistes de Constantinople avaient atteint un haut degré de perfection comme le montre le petit reliquaire de la vraie croix qui fut envoyé à Sainte-Radégonde de Poitiers, par l’empereur Justin II. Il consiste en une plaque d’or recouverte d’émail cloisonné bleu lapis ; les cloisons tracent sur ce fond d’élégants rinceaux terminés par des fleurettes rouge vif ou jaune. La bordure de la cavité en forme de croix destinée à contenir la relique, est composée ainsi que la bordure du reliquaire lui-même, de petits rectangles de verre de couleur d’émeraude sertis en or.

Les produits des siècles suivants, reliquaires de la vraie croix conservés dans différentes églises, châsses, crosses, ornements sacerdotaux de toute nature, sont des témoins précieux de la floraison de cet art délicat dans le Bas-Empire. L’une des pièces les plus célèbres est la Pala d’Oro de Saint-Marc, de Venise, commandée à Constantinople par le doge Pietro Orseolo et remaniée aux XIIe, XIIIe et XIVe siècles par des artistes grecs. Elle n’a pas moins de 3m,48 de long sur 1m,40 de haut. Ce parement d’autel est à coup sûr le monument le plus somptueux et le plus considérable qui subsiste de l’émaillerie byzantine.

Les émaux que nous trouvons en Occident à partir du VIIIe siècle ont beaucoup de points de ressemblance avec les émaux grecs. En France, Limoges devint le centre le plus important de cet art décoratif.

Les émaux de Limoges furent d’abord, comme partout, sur métal précieux et exécutés au procédé cloisonné. Plus tard, les orfèvres, pour faire des œuvres moins coûteuses, abandonnèrent l’or pour y substituer le cuivre et, la fabrication industrielle l’emportant, ils employèrent la méthode simplifiée et expéditive de la taille d’épargne.

Les émaux de Limoges, très recherchés et en grande réputation au XIIe siècle, étaient appliqués à toutes sortes d’usages. Quant à l’émaillerie sur cuivre, elle s ’appliquait non seulement à la décoration des églises, mais même aux usages de la vie privée. On possède un certain nombre de coffrets et de boîtes de mariage ayant cette provenance et aussi beaucoup d’aquamaniles, sorte de plats creux en cuivre émaillé, allant toujours par paires ; dont l’un était percé d’un trou servant à verser dans l’autre le liquide qu’il contenait. C’étaient les vases à laver employés dans les festins à cette époque où l’absence de fourchettes rendait ce soin de propreté à peu près indispensable.

La fin du XIVe siècle, voit s’éteindre l’émaillerie champlevée et naître l’émaillerie peinte à Limoges.

L’art de l’émaillerie périclite ; les orfèvres n’utilisent plus ces procédés que d’une façon insignifiante pour les montres, certaines pommes de canne, etc.

Cependant, de nos jours, les émaux des orfèvres ont eux aussi, profité du réveil des arts décoratifs, et une nouvelle école prend naissance dont les travaux feront peut être, à leur tour, l’admiration des siècles à venir.

Revenir en haut