La peinture sur émail est-elle le résultat d’un effort pour simplifier l’émaillerie translucide sur relief ? Beaucoup d’auteurs le pensent.
« Dans les émaux translucides sur relief, dit M. Darcel, l’archéologue éminent, le modelé étant obtenu par le plus ou le moins d’épaisseur de la couche d’émail, l’ombre apparente semble sous-jacente à la surface de la pièce. Quoi de plus simple, alors, que de dessiner un sujet au moyen d’émaux ombrants sur la surface brillante du métal, puis de recouvrir ce dessin monochrome d’émaux translucides diversement colorés ? C’est cette préparation inférieure, vue à travers les émaux qui la recouvrent, qui forme le modelé. Puis, comme dans les émaux translucides sur relief, le brillant du métal apparaît dans les parties où l’émail est le moins épais, c’est-à-dire dans les clairs, on exprime les parties lumineuses par de l’or appliqué au pinceau ».
En réalité, les premiers émaux peints sont exécutés au moyen d’émaux de couleur sur un émail qui, étendu sur une plaque de cuivre, sert de support. Ce sont plutôt des peintures sur verre que des émaux translucides. Aussi n’est-il pas étonnant de trouver à l’origine de la peinture en émailles les verriers de Murano, en Italie et les peintres de vitraux de Limoges. Mais, tandis qu’en Italie l’émail peint ne fit pas de progrès, il subit à Limoges de nombreux perfectionnements. Alors que beaucoup d’artistes italiens peignaient leurs émaux sur argent, les émailleurs limousins adoptèrent le cuivre en minces feuilles, moins coûteux et, par suite, d’une vente plus facile. Le caractère commercial est.en effet, très accentué dans les premiers produits sortis des ateliers de Limoges ; ce sont presque tous des objets de piété.
Les émaux peints les plus anciens que nous possédons en France sont de petites pièces du Musée de Poitiers qui datent de 1450.
La plupart des compositions que l’on voit traduites en émail par les artistes limousins ne sont pas tirées de leur propre fonds ; ce sont des reproductions d’estampes et de gravures.
L’étude des émailleurs de Limoges se fait d’ordinaire en les groupant par famille. La dynastie des Penicaud est la plus ancienne. Son créateur, Nardon (abréviation de Leinard) naquit vers 1470. Ses émaux, exécutés sur un fond blanc, sont rehaussés d’or et de paillons ; les sujets sont cernés de noir ; les chairs ont des tons violacés ; les ciels sont toujours d’un bleu intense semé d’étoiles d’or très rapprochées.
Ses plaques de cuivre, très épaisses, sont toujours munies au revers d’un contre-émail formé de déchets de fabrication.
Son frère ou son neveu Jean Ier, dit l’Ancien, a travaillé dans le premier tiers du XVIe siècle ; il a exagéré l’emploi du paillon. Jean II ou Penicaud le jeune a surtout fait des grisailles d’un dessin très fin. Il connaît à fond l’art des demi-teintes. Jean III qui vivait à la fin du XVIe siècle, fut un excellent dessinateur et un coloriste habile ; ses émaux ressemblent à de la véritable peinture.
La famille des Limosin est plus célèbre encore.
Léonard Limosin, (1505-1577) est le véritable inventeur du portrait en émail ; ses produits eurent une vogue immense. Il a employé avec un goût merveilleux toutes les ressources de l’émaillerie : polychromie, grisailles, paillons, repoussage en relief des sujets, etc.
Tous les artistes de sa famille lui sont fort inférieurs à tous les points de vue ; ils ont notamment abusé du paillon et des rehauts d’or.
Au XVIe siècle, les Reymond et les Courteys, au XVIIe les Nouailher et les Landin ont aussi produit des œuvres remarquables.
En 1632, Jean Toutin, de Chateaudun, imagina les émaux de bijouteries ; il fit surtout des portraits en miniature, ainsi que Petitot (1607-1691). Ce dernier s’était associé dans son travail un artiste du nom de Bordier. Petitot faisait les figures, Bordier, les cheveux et les draperies.
A la fin du XVIIe siècle, la peinture en émail n’est plus un art décoratif ; mais une branche des beaux-arts, tellement elle se rapproche de la peinture.