Nous avons le regret d’annoncer la mort d’un ingénieur célèbre, dont la longue carrière, décrite par M. Smiles dans un de ses plus intéressants ouvrages, peut être considérée comme offrant un modèle aux jeunes gens laborieux, pauvres et intelligents.
James Nasmyth, né à Edimbourg en 1805, était le onzième enfant d’un paysagiste possédant une certaine réputation au commencement du siècle, mais hors d’état de donner une éducation libérale à une aussi nombreuse famille. Le jeune James était doué d’une si remarquable habileté manuelle qu’il parvint à suivre les cours scientifiques de l’université d’Édimbourg en vendant des modèles de machines qu’il avait fabriqués. Il entra ensuite comme ouvrier dans les ateliers de M. Mandslay, un des premiers mécaniciens de Londres. A la mort de son patron, il établit à Manchester, en 834, une fabrique de machines-outils, qui prit un immense développement à cause de l’invention de son fameux marteau à vapeur, dont le maniement est, comme on le sait, une merveille de précision et de force. C’est grâce à ce chef-d’œuvre de la mécanique moderne que les grands travaux de la seconde moitié du siècle ont pu être exécutés dans toutes les parties du monde.
En 1857, Nasmyth se retira des affaires et s’établit dans une maison de campagne des environs de Londres, à Lenshurst , dans le comté de Kent. Il s’adonna alors à des travaux d’astronomie, exécutés en collaboration avec M. James Carpenter. On lui doit d’admirables photographies de la Lune, qui lui ont assuré un autre genre de célébrité, et une étude approfondie de notre satellite. Le résultat de ces longues études, qui a produit une sensation profonde dans le monde des astronomes, a été réuni dans un magnifique ouvrage, riche d’un nombre infini de détails, et rédigé avec un esprit essentiellement philosophique. Il est intitulé : La Lune considérée comme une planète, comme un monde distinct et comme un satellite.
Envisageant successivement ce corps céleste si important sous ces trois aspects différents, Nasmyth a constaté un grand nombre de phénomènes du plus haut intérêt. li est un des premiers observateurs qui ont compris la nécessité de concentrer leur activité sur quelques parties de ce monde si riche en détails difficiles à apercevoir. Il était un des savants qui croient à l’existence d’une atmosphère lunaire, mais il la croyait basse et surtout confinée dans l’intérieur des grands cratères. Il pensait que les grands pics élevés de notre satellite plongeaient directement dans le vide planétaire. On lui doit encore des travaux nombreux et importants sur la surface du Soleil. Dans cette partie de l’astronomie, son imagination s’est exercée, et c’est à lui que l’on doit l’idée bizarre mais originale d’avoir comparé certaines protubérances à des feuilles de saule.
M. Nasmyth a donné à ses concitoyens non seulement l’exemple d’une grande fortune noblement acquise par un travail intelligent et opiniâtre, mais d’une vie de labeurs utile couronnée par les nobles délassements que peut offrir l’étude approfondie de la plus belle des sciences.