Du vol des oiseaux (2e Partie)

E.-J. Marey, la Revue des cours scientifiques — 21 août 1869
Vendredi 23 octobre 2009 — Dernier ajout samedi 31 octobre 2009

Cours du Collège de France — Histoire naturelle des corps organisés

Voyez 26 décembre 1868, 13 février, 20 mars et 14 août 1869.

De la forme de l’oiseau - Conditions de stabilité — Planement et glissement sur l’air — Rapport de la surface des ailes au poids du corps de l’oiseau — Rapport du poids des muscles thoraciques au poids de l’animal.

Forme de l’oiseau.

Tous ceux qui se sont occupés de l’élude du vol des oiseaux ont insisté avec grande raison sur la forme de ces animaux qui les rend éminemment propres au vol. Ils y ont vu les conditions de stabilité parfaites dans le milieu aérien. Ils ont bien compris le rôle de ces grandes surfaces que forment les ailes et qui peuvent parfois agir comme un parachute pour produire une descente très-lente de l’animal ; tandis que d’autres fois ces surfaces glissent sur l’air, et, suivant l’inclinaison de leur plan, permettent à l’oiseau de descendre très obliquement, de s’élever même, ou de planer en tenant ses ailes immobiles. Mais beaucoup d’observateurs sont allés jusqu’à admettre que certaines espèces d’oiseaux avaient dans le vol un rôle tout passif, et que livrant leurs ailes au souffle du vent, ils lui empruntaient une force capable de les diriger en tout sens et contre le vent lui-même. Il me semble important de discuter en quelques mots ce point capital de la théorie du vol.

La stabilité de l’oiseau a été bien expliquée ; il n’y a rien à ajouter aux remarques qui ont été faites à ce sujet. L’attache des ailes se fait précisément au point le plus élevé du thorax de l’oiseau, cl, par conséquent, lorsque les ailes déployées prennent un point d’appui sur l’air, tout le poids du corps se trouve placé au-dessous de cette surface de suspension. On sait, en outre, que dans le corps lui-même, les organes les plus légers sont en haut : les poumons et les sacs aériens ; tandis que la masse intestinale, déjà plus dense, est située au-dessous. Enfin, les muscles thoraciques, si volumineux et si lourds, occupent le point inférieur du système ; de sorte que la partie la plus lourde est placée le plus bas possible au-dessous du point de suspension.

L’oiseau qui descend les ailes déployées présentera donc toujours en bas sa région ventrale ; sans avoir besoin de faire des efforts d’équilibre, il prendra cette attitude passivement, comme le prend le .parachute abandonné dans l’espace, comme le prend aussi le volant qui retombe sur la raquette.

Mais cette chute verticale dont je viens de parler est un cas exceptionnel : l’oiseau qui se laisse tomber est presque toujours animé d’une vitesse préalable ; il glisse donc obliquement sur l’air comme glisse tout corps léger et à grande surface placé dans les conditions de stabilité qui viennent d’être indiquées.

M. J. Pline a très-bien étudié les différentes sortes de glissement qui peuvent alors avoir lieu ; il les a même reproduites au moyen de petits appareils schématiques très-faciles à construire.

Que l’on prenne une feuille de papier de forme carrée, cl qu’on la ploie par le milieu de manière à former un angle dièdre très-obtus (fig. 70) ; puis, qu’au fond de cet angle, on fixe avec un peu de cire une tige de métal munie de deux masses de même poids ou quelque corps pesant ; on aura un système stable dans l’air. Si le centre de gravité passe exactement par le centre de figure, .en abandonnant cet appareil dans l’espace, on le verra tomber verticalement, la convexité de son angle étant tournée en bas. Si l’on enlève l’une des deux masses de manière à déplacer le centre de gravité, l’appareil, au lieu de tomber verticalement, suivra une trajectoire oblique et glissera sur l’air d’un mouvement accéléré (fig. 71., page 602).

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La trajectoire parcourue par cc mobile sera située dans un plan vertical si les deux moitiés de l’appareil sont bien symétriques ; dans le cas contraire, elle s’infléchira du coté où l’appareil coupe l’air en trouvant le moins de résistance. Ces effets, bien faciles Il comprendre, sont identiques avec ceux que produit dans la marche d’un navire la résistance du gouvernail. Ils peuvent aussi se produire dans le sens vertical ; de sorte que la trajectoire de l’appareil peut être une courbe à concavité supérieure ou inférieure, suivant le cas.

Tout corps mince qui présente une courbure, tend Il glisser dans l’air dans le sens du rayon de sa propre courbure.

Si, dans notre petit appareil, nous relevons le bord postérieur ou le bord antérieur des plans latéraux, nous verrons, à un moment donné de sa chute oblique, l’appareil remonter contre la pesanteur, mais perdre bien vite son mouvement de translation. Que s’est-il passé ?

Tant que le mobile, dans sa chute, n’a eu que peu de vitesse, l’effet de la courbure de sa surface est resté insensible, parce que l’air ne présente de résistance aux surfaces qu’en raison de la vitesse dont elles sont animées. Lors donc que la vitesse a été assez grande, un effet de gouvernail s’est produit, qui a relevé l’extrémité antérieure du mobile et lui a imprimé une direction ascendante. Mais aussitôt la pesanteur qui était la force accélératrice du glissement de l’appareil dans l’air est devenue retardatrice, et à mesure que le mobile s’élevait.Il a perdu sa vitesse et est arrivé à l’immobilité. Après cela une rétrogradation commence, puis une rencontre en arrière, de façon que par oscillations successives l’appareil arrive enfin sur le sol.

J’ajoute que si l’on donne au mobile une légère concavité par en bas, l’inverse se produit, et l’on voit (fig. 72), à un certain moment, la trajectoire s’infléchir brusquement en bas et le mobile frapper le sol avec une grande violence. Dans ce second cas, au moment où l’effet du gouvernail s’est produit, la direction nouvelle s’est trouvée favorisée par la pesanteur qui a précipité la chute, tandis que, tout à l’heure, elle ralentissait la remontée.

J’ai insisté sur ces effets, parce qu’ils se produisent fréquemment. dans le vol des oiseaux. Les anciens traités de fauconnerie décrivent les évolutions intéressantes des oiseaux chasseurs. Sans remonter plus haut, on trouve dans Huber (in-8°, Genève, 1784) la description de ces mouvements curvilignes du faucon, auxquels on donnait le nom de passades, et qui consistaient en une descente oblique de l’oiseau suivie d’une ressource ou remontée ,(du latin resurgere). « L’oiseau (dit Huber), emporté par sa propre vitesse, irait toucher la terre et s’y fracasser, s’il n’usait de certaine faculté qu’il a de s’arrêter au plus fort de sa vitesse et de se porter droit et haut, au degré nécessaire pour être à même de faire une seconde descente. Ce mouvement suffit, non-seulement pour arrêter sa descente, mais encore pour le porter, sans qu’il fasse aucun effort, aussi haut que le niveau d’où il est parti. »

Assurément, il y a de l’exagération à dire que l’oiseau remonte jusqu’au niveau d’où il est parti, sans faire d’effort actif ; la résistance de l’air doit éteindre une partie de la force qui a été acquise pendant la chute et qui doit se transformer en remontée. On voit cependant que le phénomène de la ressource est bien constaté par les observateurs, et qu’il a été considéré par eux comme un acte en quelque sorte passif dans lequel l’oiseau n’a pas à dépenser de force musculaire.

Le planement présente dans certains cas une grande analogie avec les phénomènes décrits précédemment. Lorsque certains oiseaux, les pigeons par exemple, ont parcouru une certaine distance en ballant des ailes, on les voit suspendre tout battement pendant une ou plusieurs secondes, et glisser sur l’air, soit horizontalement, soit en s’abaissant ou en s’élevant. Le planement descendant est celui qui présente la plus longue durée ; en effet, ce n’est qu’une chute extrêmement ralentie, mais dans laquelle la pesanteur entretient le mouvement, tandis qu’elle le ralentit dans le planement horizontal ou ascendant. Dans ces deux dernières formes, l’aile, plus ou moins obliquement dirigée, prend son point d’appui sur l’air, comme ce jouet d’enfant que l’on appelle le cerf-volant ; avec celte différence que la vitesse est imprimée au cerf-volant par la traction exercée sur la ficelle .lorsque l’air est calme, tandis que l’oiseau utilise dans le planement une vitesse qu’il a acquise, soit par une chute oblique, soit par des coups d’ailes préalables.

J’ai déjà dit que les observateurs avaient admis que certains oiseaux qu’ils appellent voiliers pouvaient, par la seule action du vent ; se soutenir et se diriger dans l’air. Celle théorie a toute l’apparence d’un paradoxe ; on ne comprend pas en effet que l’oiseau, immobile dans le vent, ne subisse pas l’entraînement de l’air sur lequel il glisse.

Si les passades ou les planements qu’il exécute peuvent le porter parfois en sens contraire de la direction du vent, ce ne sont que des effets passagers compensés à un autre instant par un entraînement plus rapide.

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Cependant la théorie du vol à voile a été soutenue avec un grand talent par certains observateurs, et particulièrement , par le comte d’Esterno, auteur d’un remarquable mémoire sur le vol des oiseaux.

Tout le monde, dit cet auteur, peut voir certains oiseaux pratiquer le vol il voile ; le nier, c’est nier l’évidence.

J’ai vu aussi moi-même le vol li voile, mais il m’a semblé qu’il s’exécutait, en général, dans des conditions toutes particulières que voici :

Le long des hautes falaises de la Normandie, j’ai vu les mouettes et les goélands se livrer il leurs évolutions sans agiter leurs ailes. J’ai vu au tour des vieilles cathédrales les choucas et les corneilles exécuter le même vol. Mais ces mêmes oiseaux, lorsqu’ils quittent ces stations spéciales, m’ont toujours paru se livrer au vol ramé, c’està-direse livrer à des battements d’ailes constants ou à peine interrompus, chez les choucas, par des temps de planement de courte durée

J’ai cherché alors à bien déterminer la direction du vent, et voici ce qui m’a semblé se passer.

Lorsqu’un oiseau se trouve dans le voisinage d’un abri où l’air soit calme ou agité de remous de sens inverse à la direction du vent qui règne, il peut passer tour à tour de l’air calme dans l’air agité, et inversement. Un goéland qui se livre au cours du vent trouve une impulsion qui l’entraîne avec une certaine vitesse, et si, par un simple mouvement tournant, l’oiseau rentre dans une région où l’air soit calme, il peut utiliser la vitesse que le vent lui a donnée et s’en servir pour revenir au contraire jusqu’au niveau d’où il était parti. Se replongeant de nouveau dans la zone agitée, il recommence de nouveau l’évolution que je viens de décrire, et cela sans agiter ses ailes, mais en leur donnant seulement des orientations différentes. Les choucas et les corneilles m’ont paru se comporter de même à l’abri des tours des cathédrales.

Les auteurs qui ont rapporté les cas les plus curieux de vol à voile les ont observés dans des régions montagneuses. C’était un condor dans les Cordillères, ou un aigle dans les Pyrénées. On a maintes fois décrit le vol à voile de certains oiseaux de proie, qui, au milieu d’une plaine, s’élèvent en tournoyant sans agiter leurs ailes. J’ai vu moi-même souvent les buses voler ainsi, mais toujours aussi j’ai constaté que dans son ensemble, la spirale qu’elles décrivent alors est déviée par le vent, et que, en définitive, l’oiseau s’en va à la dérive d’un mouvement plus ou moins rapide.

Même en la réduisant il ces limites, l’influence du vent sur le vol des oiseaux est encore difficile à expliquer, Elle se complique en effet de conditions très-multiples, dans lesquelles la vitesse acquise par l’oiseau, rencontrant sous des angles variables la direction du vent, donne naissance aux combinaisons de mouvements les plus variées.

On a dit encore qu’il règne dans les hautes régions de l’air des courants de sens variés, parfois même contraires à la direction du vent qui règne à la surface du sol. L’oiseau, passant alors d’une couche dans une autre, pourrait trouver des forces qui le poussent dans les directions opposées.

En somme, la question du vol il voile me semble une des plus difficiles à résoudre ; il serait téméraire de condamner absolument l’opinion des observateurs en s’appuyant sur une théorie et sur des notions aussi vague, que colles que nous possédons sur ce sujet.

Un des points les plus intéressants de la conformation des oiseaux consiste dans la détermination du rapport des surfaces alaires avec le poids de l’animal. Existe-t-il un rapport constant entre ce poids et ces surfaces. Cette question a été’ l’objet de nombreuses controverses.

Il est déjà démontré que .si l’on comparait des oiseaux d’espèces très-différentes et de poids égal, on pourrait trouver que les uns ont des ailes deux, trois ou quatre fois plus étendues que les autres. Les oiseaux à grandes surfaces sont ceux qui se livrent le plus ordinairement au vol plané, et qu’on fi appelés voiliers ; tandis que ceux dont l’aile est courte ou étroite sont plus ordinairement condamnés au vol ramé.

Mais si l’on compare deux oiseaux rameurs entre eux ou deux oiseaux voiliers ; si, pour mieux faire encore, on les choisit dans une même famille, afin de n’avoir entre eux que des différences de taille, on trouvera un rapport assez constant entre les poids de ces oiseaux et la surface de leurs ailes. Mais la détermination de ce rapport doit être basée sur certaines considérations qui ont longtemps échappé aux naturalistes.

M. de Lucy a cherché, pour tous les êtres qui volent, à mesurer la surface des ailes et le poids de l’animal. Puis, afin d’établir une unité commune entre ces animaux d’espèces et de tailles si différentes, il rapportait toutes ces mesures à un type idéal dont le poids était toujours de 1 kilogramme. Ainsi, après avoir constaté que le cousin, qui pèse 3 milligrammes, possède des ailes de 30 millimètres carrés de surface, il concluait que dans le type cousin, le kilogramme d’animal était supporté par une surface alaire de 10 mètres carrés.

Dressant un tableau comparatif des.mesures prises sur un grand nombre d’animaux d’espèces et de tailles différentes, il est arrivé aux chiffres suivants :

EspècesPoids de l’animalSurface des ailesSurface pour 1 kilogr.
Cousin 3 milligr 30 mm.carrés 10 m. carrés
Papillon 20 centigr 1663 mm² 8 1/3 m²
Pigeon 290 gram 750 cm² 2586cm²
Cigogne 2265 gram 4506cm² 1988cm²
Grue d’Australie 9500 gram 8543cm² 899cm²

De ces mesures, à travers les variations de détail, ressort cc fait bien saisissable : que les animaux de grande taille et de grand poids se soutiennent avec une surface alaire beaucoup moindre que les petits.

Un pareil résultat montre déjà que le rôle de l’aile dans le vol n’es ! pas seulement passif,car une voile ou un parachute doivent toujours avoir des surfaces proportionnelles aux poids sur lesquels ils doivent agir. Considérée au contraire à son point de vue véritable, c’est-à-dire comme un organe qui devra frapper l’air, l’aile de l’oiseau devra, ainsi qu’on va le voir, présenter une surface relativement moindre chez les oiseaux de grande taille et de grand poids.

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L’étonnement qu’on éprouve en présence du résultat des déterminations faites par M. de Lucy disparaît en partie, lorsqu’on songe qu’il y a une raison géométrique pour laquelle la surface alaire ne saurait croître en raison du poids de l’oiseau. En effet, si nous supposons deux objets de même forme, deux cubes, par exemple, dont l’un serait deux fois aussi grand que l’autre (en diamètre), chacune des faces du grand cube sera quatre fois aussi grande que celle du petit ; enfin, le poids du grand cube sera huit fois celui du petit. Pour tous les solides géométriquement semblables, les dimensions linéaires étant dans un certain rapport, les surfaces croîtront comme les carrés et les poids comme les cubes de ce rapport. Deux oiseaux semblables de forme, mais dont l’un sera deux fois plus large d’envergure que l’autre, auront des ailes dans le rapport de 1 à 4, et des poids dans le rapport de 1 à 8. M. P. Demondésir, exposant devant moi ces idées, croyait trouver là une raison qui limite la taille des oiseaux capables de voler. Les plus grandes espèces d’oiseaux, l’autruche et le casoar, ne volent pas, disait-il, et si ces oiseaux avaient, proportionnellement à leur poids, autant de surface alaire qu’une hirondelle, ils ne pourraient replier leurs ailes complètement et traîneraient derrière eux ces longs et embarrassants appendices.

Cette objection serait vraie dans la théorie du vol à voile ; mais, dans le vol ramé, l’amplitude du coup d’aile, croissant comme la taille de l’oiseau, multiplie la résistance que l’aile trouve sur l’air, et la ramène à un rapport. semblable à celui du poids des oiseaux eux-mêmes.

Le docteur Hureau de Villeneuve, partant du même principe, a cherché à déterminer la surface d’aile qui pourrait faire voler une chauve-souris dont le poids serait celui d’un homme. \1 a trouvé que chacune des ailes n’aurait pas 3 mètres de longueur.

Il a paru dans le cours de cette année un remarquable travail de Hartings [1] sur l’étendue relative des ailes et le poids des muscles pectoraux chez les différentes espèces d’animaux vertébrés volants. L’auteur montre d’abord que l’on peut, dans la série des oiseaux, établir l’existence d’un certain rapport entre la surface des ailes et le poids du corps. Mais il faut avoir soin de ne comparer que les éléments comparables : c’est-à-dire les longueurs des ailes, les racines carrées des surfaces alaires, et les racines cubiques des poids chez les différents oiseaux.

Soient : l, la longueur de l’aile ; a, son aire ou surface, et p le poids du corps, on pourra comparer entre eux l, \sqrt<em class="spip">a</em>, \sqrt[p]<em class="spip">p</em>.

Opérant sur différents types d’oiseaux, Hartings fit des mensurations et des pesées desquelles on peut extraire le tableau suivant :

Nom de l’espèce Poids. p } Surface a Rapport \frac<em class="spip">\sqrt<em class="spip">a}}<em class="spip">\sqrt[p]<em class="spip">p}}
1. Larus argentatus 565,0 561 2,82
2. Anas nyroca 508,0 321 2,26
3. Fulica atra 495,0 262 2,05
4. Anas crecca 275,5 144 1,84 5. Larus ridibundus 197,0 331 3,13
6. Machetes pugnax 190,0 161 2,23
7. Rallus aquaticus 170,5 101 1,81
8. Turdus pilaris 103,4 101 2,14
9. Turdus merula 88,8 106 2,31
10. Sturnus vulgaris 86,4 85 2,09
11 Bombicilla garrula 60,0 44 1,69
12. Alauda arvensis 32,2 75 2,69
13. Parus major 11,5 31 2,29
11. Fringilla spinus 10,1 25 2,33
15. Parus cœruleus 9,1 21 2,34

Le poids des muscles pectoraux est au contraire dans un rapport simple avec le poids total de l’oiseau, et, malgré les écarts qui correspondent aux divers degrés d’aptitude au vol dont chaque espèce est douée, on voit qu’il est environ de 1/6e dans le plus grand nombre des oiseaux.

En résumé, chaque animal qui se soutient en l’air doit développer un travail proportionnel il son poids ; il devra, à cet effet, posséder des masses musculaires proportionnées à ce poids ; car, ainsi que nous l’avons vu (chap, Ier), si les actions chimiques qui se passent dans les muscles des oiseaux sont toujours de même nature, ces actions chimiques et le travail qu’elles engendrent seront proportionnées aux masses musculaires.

Maintenant, comment se fait-il que des ailes dont la surface varie comme le carré des dimensions linéaires des oiseaux suffisent à mouvoir des poids qui varient dans le rapport des cubes de ces dimensions. C’est ici qu’il faut faire intervenir la notion du travail, c’est-à-dire des résistances multipliées par les espaces qu’elles ont parcourus.

Admettons une vitesse uniforme pour l’abaissement de l’extrémité de l’aile chez les deux oiseaux que nous comparons, et qui ont, pour leurs dimensions linéaires, le rapport 1 à 2. La surface des ailes des gros oiseaux sera, nous avons dit, quatre fois plus grande que celle du petit ; or, comme la résistance que l’air présente aux surfaces animées d’une même vitesse est proportionnelle à l’étendue de ces surfaces, si nous appelons r la résistance éprouvée par l’aile du petit oiseau, elle sera 4 r pour le gros oiseau. Mais ces deux oiseaux, en abaissant leurs ailes n’exécuteront pas des battements de même amplitude ; chez Je gros oiseau chaque point de l’aile aura un parcours deux fois plus grand que le point homologue de l’aile du petit, Si donc nous appelons g l’espace parcouru par la résistance r que rencontre l’aile du petit oiseau, on aura rg pour le travail accompli par l’aile, et 4r2g ou 8 rg pour le travail effectué par l’oiseau. On voit donc que ce travail s’est accru dans les mêmes rapports que les poids des animaux que nous venons de comparer.

Enfin, une autre conclusion ressort des considérations qui précèdent. Si nous admettons que l’aile possède la même vitesse chez l’un et chez l’autre oiseau, la durée du battement croîtra avec l’espace parcouru par l’aile, c’est-à-dire qu’elle sera proportionnelle aux dimensions linéaires de l’oiseau. L’observation justifie celte vue, en montrant que les gros oiseaux ont des battements plus rares que les petits.

On n’a pu jusqu’ici déterminer assez exactement le nommbre des battements des ailes des oiseaux pour sa voir si leu r fréquence présente. un rapport exactement inverse de la lame de ces animaux ; mais il est facile de voir que c’est dans ce sens que varie la fréquence des battements des ailes chez les oiseaux de diITérentes tailles,

MAREY.

[1Archives néerlandaises, t, IV, 1869.

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